Entretien avec Ève Péclet, députée de La Pointe-de-l’Île 2/2

La semaine dernière nous publiions la première partie de notre entretien avec Ève Péclet, députée de La Pointe-de-l’Île, porte-parole adjointe de l’opposition officialle en charge de la justice et présidente du caucus jeune du NPD. Après avoir largement parlé de son engagement et du traité de libre échange Europe-Canada (AECG), suite et fin de l’entretien autours des relations internationales, des lois portées par Mme Péclet et de la jeunesse.

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Sur le sujet des affaires internationales, une actualité brûlante a été la crise israélo-palestinienne. À la Chambre des Communes vous vous étiez fermement engagée pour la Paix et la création d’un État palestinien. On a entendu beaucoup de choses sur le NPD à ce propos, et notamment que les députés ne devaient pas s’engager trop visiblement. Pouvez-vous tirer au clair cette affaire et exposer la position du NPD sur le conflit ?

Le NPD a toujours eu la même position concernant le conflit israélo-palestinien; nous défendons toujours une coexistence pacifique entre deux États indépendants avec des frontières négociées, la fin de l’occupation israélienne en Palestine et la fin de la violence envers les civils. Lors du dernier conflit, nous entrions dans une période décisive en ce qui a trait à la situation entre Israël et la Palestine et nous critiquions la position non-équilibrée du gouvernement canadien concernant ce conflit; «ce que nous avons du côté canadien, sous les conservateurs, c’est le négativisme, les reproches, les attaques et les menaces», avait déclaré notre chef, M. Mulcair. Les conservateurs de Stephen Harper gèrent de façon indélicate et inefficace les dossiers diplomatiques de cette importance et nous voyons les répercussions que cela peut avoir. Nous perdons toute crédibilité comme acteur de soutien et nous minons à la base les efforts de nos alliés pour la paix.

Le Canada devrait jouer un rôle constructif dans la résolution de la question israélo-palestinienne et comme nous l’avons fièrement déjà fait sur ​la scène internationale à d’autres occasions. Au lieu de se retrousser les manches et d’agir concrètement pour permettre aux négociations entre les deux États d’avancer, le Canada se place en très mauvaise position en prenant parti ce qui met en péril toutes tentatives de négociations et l’empêche de participer aux efforts menés par nos alliés comme les États-Unis et le Royaume-Uni. Nous appuyons fermement un règlement du conflit israélo-palestinien prévoyant deux États. Nous demandions donc au gouvernement d’appuyer ces efforts car il est clair que ce conflit ne peut être résolu que si les Israéliens et les Palestiniens s’assoient à la table des négociations.

Dans les deux secteurs dont vous vous êtes occupé, pourriez-vous présentez au lecteur un cas emblématique de politique conservatrice que vous avez combattu et les propositions du NPD ?

Au niveau des affaires étrangères, je ne peux passer sous silence les deux décisions prises par le gouvernement conservateur de se retirer du Protocole de Kyoto et de la Convention de l’ONU pour lutter contre la désertification. Cela fait du Canada le seul pays dans le monde à avoir fait marche arrière sur le plan environnemental face aux défis auxquels font face la communauté internationale. C’est une décision qui a été décriée non seulement par beaucoup de canadiens et canadiennes mais, par nombreuses organisations internationales et plusieurs autres États. Je suis prête à admettre que la politique partisane peut jouer au niveau de la politique nationale mais, lorsque l’on représente un État, membre de la communauté internationale, un pays du G7, membre de l’OCDE, le Canada a une responsabilité. Malheureusement, depuis 2006, les conservateurs n’ont pas su faire preuve de leadership et ont clairement miné la crédibilité du Canada aux yeux de la communauté internationale.

Au niveau de la justice maintenant, où devrai-je commencer ? Les principes régissant les politiques conservatrices sont loin de ce que nous connaissons au Canada. « La loi et l’ordre » selon eux. Leur projet de loi C-10 constitue un exemple parfait de l’approche conservatrice en matière justice. Au Québec, nous avons une longue et profonde tradition de réinsertion et de réhabilitation qui guide un peu nos politiques. Pour les conservateurs, ce sont des principes et des valeurs qui n’existent pas. L’ajout de peines minimales obligatoires non seulement enlève le pouvoir discrétionnaire des juges, mais il rend aussi complètement inefficace ce système que nous chérissons ; ce système justement basé sur la réhabilitation plutôt que sur la répression. Les États-Unis, champion de l’approche répressive, commencent à faire marche arrière et réalisent maintenant à quel point ce genre de politiques sont néfastes à long terme. Je lisais justement un article qui donnait en exemple la Floride et le Texas, qui veulent complètement revoir leur approche au niveau de la justice criminelle. Pendant ce temps, nous, au Canada, on fait le contraire, c’est insensé ! Sans vous parler des peines pour adultes imposées aux mineurs ce qui viole les principes fondamentaux de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant. Je peux aussi faire mention du projet de loi C-13 (anciennement C-30) sur l’accès légal. Les conservateurs veulent à tout prix adopter un tel projet de loi qui donnerait un accès légal aux informations personnelles des canadiens sans mandat aux agents de la paix et aux fonctionnaires publics.

Bref, avec les conservateurs au pouvoir, on régresse que ce soit en Affaires étrangères ou en matière de justice !

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Pourriez-vous citer une loi que vous êtes fière d’avoir porté, et votre plus gros regret quant à un projet rejeté faute de majorité ?

Je suis vraiment contente que vous me posiez la question car un des sujets qui m’a poussé à vouloir m’impliquer en politique est la responsabilité sociale des entreprises. De ce fait, j’ai déposé le projet de loi C-584, Loi concernant la responsabilité sociale d’entreprise inhérente aux activités des sociétés extractives canadiennes dans des pays en développement.

Le Canada se trouve dans une situation unique au monde. Plus de 75 % des compagnies minières ou des compagnies qui œuvrent dans le secteur extractif sont incorporées ici.

Dans la majorité des cas, ces compagnies sont actives dans des pays où les populations sont vulnérables, compte tenu de divers facteurs, notamment l’instabilité politique ou une sécurité déficiente. Elles se trouvent aussi dans des pays où le respect et l’application des droits des travailleurs, des droits de la personne et de la protection de l’environnement sont souvent inadéquats ou inefficaces.

Or, je crois profondément que le respect de ces principes ne peut être restreint dépendamment des capacités ou de la détermination des États de remplir leurs propres obligations dans ces domaines. On parle de milliers de personnes qui voient leurs droits fondamentaux violés. Des milliers de personnes qui vivent dans la peur de perdre leur maison, de perdre leur famille ou même qui vivent dans l’éternel cercle vicieux de la violence et de la corruption. Ce ne sont pas les valeurs que nous voulons promouvoir, au contraire !

En 2005, un rapport du comité des Affaires étrangères du Parlement canadien reconnaît les conséquences néfastes qu’ont les activités des compagnies minières canadiennes sur les populations des pays en développement et les abus qui ont été commis. Le plus important est que ce rapport précise que les mesures volontaires ont été inefficaces à ce jour et qu’il faut que le gouvernement revoit sa stratégie. Ce rapport a déclenché plusieurs actions de la part du gouvernement notamment qui ont mené des tables rondes nationales en 2007 sur la responsabilité sociale des entreprises. En 2009, le gouvernement conservateur décide de créé le Bureau du conseiller en responsabilité sociale des entreprises en réponse au rapport des tables rondes de 2007. Par contre, il fait bien attention de ne lui octroyer aucun véritable pouvoir. Le conseiller ne détient ni l’autorité d’enquêter sur des plaintes ni le pouvoir judiciaire d’assurer que les parties impliquées participent de bonne foi au processus d’arbitrage.

Le bilan est un échec total car aucun des six cas soulevés n’a abouti en médiation et même trois de ces cas ont vu les compagnies minières, elles-mêmes accusées de violation des droits de la personne, refuser de participer à la médiation. Tous les cas sont donc fermés, et la première conseillère nommée, Marketa Evans, a démissionné en octobre 2013, un an avant la fin de son mandat. Le poste de conseiller reste toujours inoccupé depuis sa démission.

Malheureusement, force est de constater que rien n’a été fait depuis 2005 car même à la suite des consultations le gouvernement adopte un mécanisme volontaire…qui n’a, à ce jour, absolument rien accompli et refuse toujours d’agir !

En 2011 le NPD a fait élire énormément de jeunes de moins de trente ans, en mai vous avez d’ailleurs été élue présidente du caucus jeune du NPD. En quoi ce caucus consiste-t-il, pourquoi vous semble-t-il aussi important d’inclure les jeunes dans la politique et que répondez-vous à ceux qui vous disent qu’ils n’ont pas assez d’expérience/de diplôme/de connaissances (etc.) pour être députés ?

Il y a une chose qui est claire, l’inclusion des jeunes en politique n’est pas un acquis. C’est dommage, parce que pendant toutes ces années, les revendications et les intérêts des jeunes n’ont jamais vraiment pu trouver leur place dans les politiques fédérales. Et malheureusement, ça se ressent !

C’est une tendance que le NPD a commencé a renverser ! Bon, comme vous le savez, je suis la présidente du caucus des jeunes et je peux vous dire que c’est déjà tout un progrès. En 2008, lorsque Niki Ashton a été élue sous la bannière NPD, c’était la plus jeune femme au Parlement. Par contre, il n’y avait pas caucus des jeunes au sein du NPD… ni des autres partis, je suis certaine de ça. Depuis 2011, c’est complètement différent. On compte 22 député(e)s dans le caucus des jeunes, tous ont moins de 33 ans. Notre rôle, c’est de faire en sorte que les politiques dont on discute au Parlement prennent en compte la réalité vécue par des milliers de jeunes au Canada. On veut donner une place aux enjeux qui les touchent lors des débats. On veut aussi aller à la rencontre des jeunes de partout au Canada, pour les écouter et pour comprendre ce qu’ils besoin que l’on fasse pour eux. On est en quelque sorte la voix des jeunes au sein de notre parti mais aussi, au sein du Parlement. C’est de cette façon que je le vois.

Et ce que je réponds à ceux qui me disent que les jeunes n’ont pas assez d’expérience/de diplôme/de connaissances (etc.) pour être député(e)s ? La meilleure chose à faire lorsque qu’on se sent mal représenté, c’est de s’impliquer et de se représenter soi-même. Ce ne sont pas les politiciens de la vieille école qui vont adopter des politiques pour les jeunes ! Si on veut changer les choses, nous sommes les mieux placés pour le faire !

Alors que les prochaines élections approchent, quel regard portez-vous sur vos trois ans de mandats et comment voyez-vous l’avenir ? Et vous représenterez-vous?

Ce n’est pas quelque chose que je cache et je suis très consciente que les gens ont voté pour Jack Layton lors de la dernière élection en 2011. C’est d’ailleurs en partie à cause de lui que j’ai moi-même joint le NPD lorsque j’étais plus jeune. Par contre, les gens ont aussi voté pour le changement, l’espoir et le positivisme que Jack incarnait. Je prends sur moi la prochaine élection, et de ce fait ma réélection, et je pense que ces valeurs ; je les incarne tout autant.

Je suis fière de pouvoir rencontrer les jeunes afin de rebâtir leur confiance envers la politique et afin de les pousser à s’impliquer, à travailler pour bâtir notre future, celui qui répond à nos aspirations. Je suis très fière de ce que mon équipe et moi avons accompli dans le comté. Je suis allée à la rencontre de la population pour les écouter et les consulter sur autant de sujets possibles. Je suis leur voix au Parlement ! Je me bats pour que leurs droits et leurs intérêts soient entendus par le gouvernement. Que ce soit pour l’assurance-emploi ou Postes Canada, les gens peuvent compter sur moi pour les défendre. Nous avons soutenu les organismes communautaires de La Pointe-de-l’Ile et avons travaillé sur plusieurs de leurs projets. Nous sommes là pour les soutenir ! Ce sera aux gens de La Pointe-de-l’Île de décider en 2015 s’ils me font l’honneur de leur confiance pour un prochain mandat.

Entretien réalisé par courriel
de septembre à novembre 2014

Pour aller plus loin 
Site officiel d’Ève Péclet
Page facebook d’Ève Péclet

Crédits images : Photo officielle d'Ève Péclet / Lors d'un rassemblement de soutien en 2013