Entretien avec Ève Péclet, candidate NPD dans La-Pointe-de-l’Île

À 30 ans Ève Péclet a déjà une belle carrière politique. Élue députée de La Pointe-de-l’Île en 2011 à l’occasion de la vague orange, nous l’avions rencontré à la fin de son mandat. Battue sèchement lors de l’élection suivante, malgré un bilan salué et une implication locale loin d’un poteau, elle a repris ses études et est devenue avocate, spécialisée dans les droits à la personne. De nouveau candidate cette année, elle veut mettre son expérience au service d’un caucus profondément renouvelé. Après Alexandre Leduc c’est un nouvel entretien « Quatre ans après », merci à elle pour son intérêt renouvelé.

Annonce de candidature.

Quatre ans ont passé depuis le soir de 2015 où tu as perdu ton mandat. Comment encaisse-t-on une défaite et comment as-tu rebondis ensuite ? 
En toute honnêteté, la défaite n’a pas été facile. Je me suis donnée corps et âme durant mon mandat et j’ai travaillé sans relâche afin de faire avancer les dossiers de notre comté. C’était personnel pour moi et beaucoup de gens, notamment mon équipe, comptait sur moi. Je me suis sentie responsable de leur déception et j’ai porté pendant longtemps ce fardeau. Cependant, je n’ai jamais été amère ni fâchée. Bien entendu, déçue et triste parce que j’aurais aimé continuer le travail entamé, mais je comprends que parfois les circonstances en décident autrement. Tous ceux et celles qui me connaissent savent que je suis une travailleuse acharnée et malgré les défis et les obstacles, je suis toujours optimiste et je redouble toujours d’efforts dans l’adversité. Je suis donc retournée sur les bancs de l’école et je me suis reconstruite tranquillement.
 
Tu es à nouveau candidate dans La Pointe-de-l’Île, il serait facile de n’y voir qu’un sentiment de revanche, pourtant tu expliques que c’est sans doute la plus importante de tes trois candidatures, que c’est celle où il ne faut pas réfléchir car il y a comme une évidence. Peux-tu l’expliquer ?
Ma défaite ne m’a jamais rendue acerbe et je n’ai jamais cessé de m’impliquer politiquement et socialement. Cela fait partie de mon ADN en tant que militante. Malgré mes études, je suis restée co-présidente de la section du NPD au Québec. Je me suis impliquée dans divers organismes notamment pour la protection de l’environnement. En prenant du recul, j’ai réalisé que nous en sommes à un point tournant dans notre société, que les inégalités sociales n’ont jamais été aussi importantes et que la crise climatique ne pouvait plus être ignorée. L’enjeu de l’élection de 2015 était de se défaire du gouvernement conservateur de Harper. Aujourd’hui, on va beaucoup plus loin : on doit rejeter le statu quo. L’inaction gouvernementale nous fait tourner en rond et nous avons besoin d’un vrai changement si on veut finalement sortir de cette « apathie gouvernementale » qui nous empêche d’avancer; que ce soit conservateur ou libéral, ça ne bouge pas.

Le Nouveau parti démocratique traverse une phase difficile depuis 2015, multi-factorielle, une des réponses semble d’avoir plus que jamais pris à bras le corps la question des changements climatiques. Te reconnais-tu dans un NPD écologiste et qu’est-ce qui le différencie des autres plateformes sur ce point ?
Notre plateforme s’inspire de ce qui se fait au États-Unis avec le Green New Deal. Notre proposition est assurément la plus complète, structurée et inclusive. Nous avons mis en place toutes les mesures nécessaires pour que l’on soit en mesure d’opérer cette transition économique et écologique dont nous avons besoin.
Nous avons pris en compte tous les acteurs du milieu afin de diversifier notre économie, se désinvestir des pétrolières et de miser sur les nouvelles technologies et les énergies alternatives. Notre plateforme prend en considération les impacts que cela aura sur les travailleurs en leur offrant du soutien. Elle veut aussi investir pour redynamiser nos secteurs économiques trop long longtemps laissés pour compte et soutenir la recherche et le développement dans les nouvelles technologies et les énergies. Je crois que notre approche permettra de créer des emplois et d’enrichir nos communautés.
C’est littéralement une restructuration de notre économie afin de mettre à profit nos industries locales et, en même temps, de transitionner vers une économie plus verte et plus égalitaire pour toutes et tous. Nous avons besoin d’être ambitieux et je crois que nous avons besoin d’une vision pour notre avenir. Une politique constructive qui nous donnera les moyens de construire cette société dont nous rêvons tous.

Tu es avocate, employée de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse qui veille notamment au respect de la Charte canadienne des droits et libertés. J’imagine que cela irrigue ta vision politique ? Je pense notamment aux débats sur la laïcité, le racisme systémique, les autochtones…
Ma plus grande passion sont les gens. C’est dans ce sens que tout au long de mon parcours scolaire et professionnel, toutes les actions que j’ai prises ont été inspirées par les valeurs de justice, de solidarité et d’égalité. Mon implication politique n’est vraiment que l’aboutissement de toutes mes expériences personnelles qui m’ont menées à réaliser que nos institutions et les gouvernements successifs on véritablement abandonnés ces valeurs.
Toute mon implication est orientée par cet humanisme qui fait de la personne le centre de mes préoccupations. Que ce soit le respect des droits des première nations, que ce soit dans la lutte à la discrimination et aux inégalités sociales, je crois fondamentalement que nos institutions ont trop longtemps laissé ces inégalités perdurer et s’aggraver. C’est une problématique qui nous affecte tous et toutes et nous nous devons de travailler ensemble pour trouver des solutions. On ne peut que constater qu’aujourd’hui, les élites qui nous gouvernent continuent à donner leur soutien aux plus riches, alors que les citoyens-nnes voient leur situation se dégrader. Il n’y a pas de justice sans égalité

Lors de ton mandat tu t’es beaucoup occupé d’affaire étrangère et de justice. Bien sûr si tu es élu il faudra composer avec le caucus mais sur quels sujets te projettes-tu particulièrement ?
Je veux continuer mes batailles concernant la responsabilité sociale des entreprises canadiennes à l’étranger. Une promesse brisée des libéraux dont on n’entend peu parler et celle de créer un Ombudsman pour enquêter sur les violations commises par des entreprises canadiennes. Cela n’a jamais été fait.
L’environnement, la Justice et les Affaires étrangères ont toujours été mes domaines de prédilections et le sont toujours. En revanche, je suis ouverte à travailler avec notre équipe sur les dossiers que notre chef me confiera. Il y a beaucoup de travail à faire et je suis prête à mettre les mains à la pâte.

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Une des photos officielles de campagne

Tu as continué à militer au sein du NPD durant quatre ans, à suivre les travaux de tes ex-collègues, que retiens-tu de l’action du NPD dans l’opposition ? 
Le NPD a toujours été pour moi la voix humaniste du Parlement et à mon avis sa présence est fondamentale. La justice sociale, les inégalités, la lutte à la pauvreté, l’environnement, etc. Le NPD a toujours été au front pour défendre les intérêts de monsieur-madame tout le monde, n’ont pas ceux des plus riches ou des pétrolières. Que ce soit le projet de loi de Romeo Saganash pour le respect des droits des peuples autochtones, que ce soit pour le logement social avec Marjolaine Boutin-Sweet, le droit des travailleurs avec Alexandre Boulerice, les causes sociales ont leur voix au Parlement à travers nos députés du NPD.

Que dirais-tu aux gens qui en croient plus en la politique, disant « tous la même gang » ? Ou qui penses que le NPD n’a que très peu de chances d’atteindre le pouvoir et se disent « dans ce cas pourquoi voter NPD » ?
Je leur dirais que justement, nous votons depuis 150 pour les mêmes partis politiques et ils sont maintenant déconnectés de la réalité que vivent les gens.
Nous avons besoin de changement et c’est en envoyant un message clair aux deux vieux partis que nous allons redonner le pouvoir aux citoyens.
Et surtout, à mon avis, et c’est très personnel…ne pas voter n’est pas se rebeller, c’est plutôt abdiquer. Les citoyens ont toujours le dernier mot et décident du résultat des élections.