PKP : Fin du « suspens »… et après ?

Après des mois de campagne dont les seuls points saillants ont été le retrait de trois candidats pour des raisons diverses, Pierre-Karl Péladeau est donc devenu chef du Parti Québécois hier. Avec 57,58% et une forte participation, sa légitimité est totale. Même si ses équipe visaient au départ de la campagne un score au delà des 70%, son résultat est conforme aux attentes des derniers sondages qui, cette fois, ont été globalement fiables pour tout le monde (29,21% pour Cloutier et 13,21% pour Ouellet).

Maintenant que le PQ s’est doté d’un chef, quel avenir ? Quelles perspectives ? Je suis de ceux qui ne comprennent pas que la clinquant médiatique d’un PKP ai pu à ce point emballer un PQ à la recherche d’un sauveur suprême. De fait, faute de passé politique, les seuls faits d’armes du nouveau leader sont à charge : patron voyou responsable d’un lock-out historique, dons financiers au Parti Libéral et à l’ADQ1, gaffes multiples quasiment à chaque expression publique… Mais PKP a levé le poing, parlé d’indépendance (tout en conservant un flou total sur le processus) et emballé les foules.

Je ne crois pas une minute aux envolées sociales démocrates du nouveau leader – les promesses n’engageant que ceux qui les croient -, son accession à la tête du PQ sonne la rupture définitive avec ce qui fut le parti de l’a-priori positif aux travailleurs et est d’abord la victoire des médias de masse. Mais curieusement, contrairement à beaucoup d’observateurs horrifiés, cela me semble plutôt une bonne nouvelle.

Pas une bonne nouvelle pour la pensée politique, définitivement battue par le bling bling, mais pour le spectre politique, en ce qu’elle clarifie les choses. Il y a désormais un PQ clairement de droite et de centre-droit, lorgnant sur la CAQ et son électorat, qui agitera la « crédibilité économique » et la question identitaire comme axes centraux. Très bien, c’était déjà ce qu’avait fait le gouvernement Marois dans les faits, dans la droite ligne de la gouvernance libérale de Lucien Bouchard, sauf que tout ça ne s’actait pas, on trouvait encore des gens sincèrement progressistes au PQ, un peu comme on en trouve encore au sein du Parti Socialiste Français….

Beaucoup on imaginé que la victoire de PKP effrayait Québec Solidaire et que c’est pour ça que le parti attaquait le magnat de la presse. Sauf que les études d’opinions montrent bien que ce n’est pas du tout sur les solidaires que le PQ-libéral rogne en majorité, la gauche aurait même tendance à en profiter. Il faut alors admettre que c’est simplement deux visions du monde qui s’affrontent, entre une gouvernance-Québécor marqué par l’autoritarisme (que l’on retrouve en politique contre ses concurrents ou les journalistes) et une vision globalisante et inclusive de l’indépendance, pensant aussi bien en terme de mieux-être social que d’environnement ou de redistribution.

À cet effet, si le choix des péquistes m’attriste il ne me surprend pas et à le mérite de poser les choses. Aux prochaines élections, dans trois ans, on verra si la bulle PKP s’est dégonflée (comme tant d’autres avant elle) ou s’il aura réussi à surprendre et gagner une crédibilité à ce jour absente. En tous les cas les projets s’affronteront clairement et sans confusion possible ce qui, malgré un scrutin vicié, c’est toujours une bonne chose.

On me criera qu’il s’agit encore de division du vote indépendantiste, je suis très sceptique à ce sujet. Si demain PKP arrive au pouvoir et veut faire l’indépendance, deux choses hypothétiques, il trouvera nécessairement tous les indépendantistes derrière lui, de gauche comme de droite, de la même manière que les indépendantistes républicains écossais ont soutenu l’indépendance monarchiste du SNP.

Pour le reste, heureusement, être indépendantiste ne veut pas dire uniforme et il reste des gens pour croire que l’indépendance est aussi (avant tout ?) celle montrée face aux lobbies, aux minières, aux puissances financières… sans lesquels elle ne restera qu’une incantation creuse et sans fondement.

1. Ses défenseurs mettent en avant qu’il donnait aux « trois partis » par principe de neutralité. Outre qu’il n’y a pas que trois partis, cela montre bien l’image qu’à de la politique un entrepreneur trouvant nécessaire de financer tout potentiel parti de pouvoir « au cas où »... Ce qui n'a rien de rassurant !
2. Sur ce sujet lire l’excellent billet de Sébastien Sinclair « Passer l’arme à droite ».

Crédit image : wikimédia

Le Front National est l’allié des indépendantistes Québécois. Vraiment ?

mlJoël Morneau (Twitter)

Il y a quelques jours on a appris que plusieurs membres du bureau du Comité national des jeunes péquistes avaient préparé un texte contestant la hausse des frais de scolarité pour les étudiants français et décidé de le cosigner avec de jeunes responsables politiques français… Jusqu’ici pas de problème, cette rupture par Couillard d’un partenariat ancien est contestable. Certains la défendent intelligemment, c’est à dire pas seulement avec un angle budgétaire, c’est le cas de Jean-François Lisée par exemple, mais ce n’est pas le débat. Par ailleurs faire un texte transversal des deux côtés de l’océan est logique.

Seulement Joël Morneau, président des jeunes péquistes d’Abitibi par ailleurs soutien de Bernard Drainville, a pour le moins manqué de jugement. Le texte qu’il a initié, présenté devant le conseil éxécutif, voyait plusieurs responsables jeunes affirmer leurs valeurs communes avec le Front National, présentés comme « des amis souverainistes francophones de la France ». Léo Bureau-Blouin a tout de suite signifié la fin de la récré mais a du faire face à une certaine résistance, les membres du conseil étant assez mitigés, le FN ayant salué publiquement l’élection de Pauline Marois en 2012. Finalement le texte a été rejeté et président des jeunes péquistes a expliqué que ses militants manquaient de culture politique française. C’est le moins qu’on puisse dire. De son côté Bernard Drainville a clairement condamné cette initiative malheureuse, lui qui a déjà du mal à se détacher de l’image de « candidat de la Charte » n’avait aucune envie de se voir acoquiner avec un parti d’extrême droite.

Cette inculture gravissime pour un représentant politique – même jeune – n’est pas pardonnable. Si l’on veut créer des ponts avec la politique française, il faut un minimum la connaître. Malheureusement je vois très régulièrement des militants indépendantistes sincères dirent sur les réseaux sociaux que le Front National a raison, est un parti logiquement partenaire des indépendantistes, etc. C’est totalement aberrant.

Il y a bien sûr le fond raciste, complotiste et antisémite du Front National. Ceux qui imaginent que cela a changé avec Marine le Pen se fourre le bras (et pas le doigt) dans l’oeil. D’une part Jean-Marie le Pen, condamné à de nombreuses reprises pour ses saillies racistes, est toujours député européen et élu régional, d’autre part les dérives des élus et candidats FN se comptent par centaines. Le site L’Entente en soulève très régulièrement : ainsi tel candidat FN appelle à tuer les juifs, l’eurodéputée Sophie Montel parle de « l’évidente inégalité des races », des membres sont très régulièrement exclus pour leurs photos de tatouages et saluts nazis (ce qui n’arrive curieusement pas dans d’autres partis), etc. Il faut aussi rappeler que le FN est anti-avortement, opposé aux droits de homosexuels (comparés par de nombreux élus à des pédophiles et zoophiles), pour la peine de mort, anti-syndicats… Pas vraiment la position du PQ, même le plus identitaire.

Mais au-delà de ça, imaginer une alliance PQ/FN est totalement insensée puisque le FN est radicalement opposé à toute idée d’indépendance des nations. Se proclamer « souverainiste » en France n’a pas du tout le même sens qu’au Québec : la France est un pays souverain, le Québec non. Un souverainiste français est d’abord un militant des frontières, anti-Europe, souhaitant radicalement contrôler l’immigration et militant pour une France unie et indivisible.

En effet, la France a une culture politique qui fait que l’état et la nation sont des concepts mêlés. Il paraît totalement insensé à de nombreux observateurs de les séparés, c’est une exception assez rare au sein du monde.

Le FN est au premier lieu dans ce combat d’arrière garde, combattant tous les militants régionaliste. Ainsi le FN s’est déclaré contre l’apprentissage des langues régionales, a milité très fortement contre la réunification de l’Alsace, considère la ministre de la justice Christiane Taubira comme une terroriste parce qu’elle militait pour l’indépendance de la Guyanne, … De manière générale tout ce qui peut avoir trait à l’idée d’indépendance ou d’autonomie d’une des nombreuses nations françaises s’attire les foudres du Front National, un parti construit sur un mélange entre des collaborateurs pro-Vichy et des barbouzes ayant combattu l’indépendance de l’Algérie. Conformément à son idéologie haineuse, raciste et refusant la différence le Front National est donc profondément colonialiste et anti-indépendance – terme qu’il proclame même fièrement pour expliquer son opposition au référendum d’auto-détermination en Nouvelle-Calédonie1

Alors voir M. Moneau dire qu’« Il faut arrêter de voir le FN comme une gang de fascistes et de radicaux »  et comme des alliés de l’indépendance est simplement pathétique et idiot. Le voir conserver ses responsabilités avec une si grossière erreur, qu’il semble à peine regretter, paraît impensable.

Plus loin, lire que Charles Picard-Duquette, président des jeunes péquistes de l’Estrie, ose dire « Moi, je peux signer, j’ai un coloc noir. Ils oseront jamais me traiter de raciste ! » atteint carrément le scandaleux. Le racisme larvé de ce deuxième commentaire, inexcusable et qui appelle a une réponse prompte du CNJ, montre en tous cas que le racisme larvé est très clairement partagé entre sympathisant FN de tous pays…

logoLogo du FN

1. De fait, hormis les partis directement régionalistes le seul parti français qui milite pour l’indépendance de ce territoire mais aussi de l’Écosse, défend la réunification du Pays-Basque ou la création de régions collées sur les territoires culturels et siège aux Parlement avec les indépendantistes Catalans ou Écossais sont les écologistes...

Entretien avec Pierre Céré, candidat à la chefferie du PQ

Pierre Céré est avant tout un militant associatif et syndical, particulièrement actif dans la défense des précaires. Coordonnateur du Comité Chômage de Montréal depuis 1997 et porte-parole du Conseil National des Chômeurs et Chômeuses, il a fait le saut en politique pour le Parti Québécois dans Laurier-Dorion en 2014. Sèchement battu, il n’a pas renoncé, a repris son bâton de pèlerin et s’est porté candidat à la chefferie du PQ, défendant un indépendantisme social et inclusif.

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Vous êtes actif dans le milieu communautaire depuis des années, particulièrement auprès des chômeurs dont vous défendez les droits au niveau local et provincial depuis plus de vingt ans. Comment vous êtes vous retrouvé à travailler pour cette population souvent rejetée à la marge ?

En fait, je suis actif dans les mouvements de chômeurs depuis 1979 quand, avec d’autres camarades, nous avons créé le Regroupement des chômeurs et chômeuses de l’Abitibi-Témiscamingue, une région du nord du Québec. Ce sont les circonstances qui m’ont amené là. L’Abitibi est une région minière où le chômage a toujours été très élevé. J’étais déjà actif dans les milieux militants, il y avait ce besoin de créer une organisation de défense des droits des travailleurs en chômage. Nous l’avons fait. Mes appartenances sont là, elles sont toujours demeurées là, avec les travailleurs et les travailleuses, avec leurs problèmes, à défendre leurs droits.

Vous êtes entré en politique lors des élections de 2014, présenté comme un candidat vedette par le Parti Québécois. Comment se lance-t-on en politique quand on est issu du milieu communautaire, n’y avez-vous pas vu un risque ? Comment cette candidature a-t-elle été accueillie par vos collègues, votre environnement et, de l’autre côté, comment vous êtes-vous senti dans l’arène médiatique avec cette autre casquette ?

J’ai acquis cette conviction, au fil des années, que la société que nous avons bâtie au Québec, au cours des dernières décennies, est une société qui vaut la peine que l’on se batte pour elle. On parle du modèle québécois comme d’un modèle de développement économique et social qui nous est propre et qui est fondé en quelque sorte sur la solidarité et le partage d’une partie de la richesse créée. C’est ce qui explique ces outils de développement économique décentralisées et de proximité, réunissant les différentes forces qui animent la société (patrons, syndicats, mouvements sociaux, coopératives, etc.), accordant un rôle accru à l’État; c’est ce qui explique aussi bon nombre de programmes sociaux qui sont propres au Québec, et qui n’ont parfois aucun équivalent dans le reste de l’Amérique. De façon globale, on peut même dire que le Québec a mis en place son propre modèle de développement, souvent à contrecourant du modèle dominant en Amérique du Nord.

En ce moment, avec le nouveau gouvernement élu au printemps dernier, nous avons affaire à une véritable entreprise de démolition de ces acquis. Ce gouvernement, celui du Parti libéral du Québec, dirigé par Philippe Couillard, manifeste une réelle détermination de s’inscrire dans les grands courants conservateurs cherchant à réduire la taille et la portée de l’État.

Est-ce que j’ai vu un risque à me lancer en politique ? Non. Qui n’ose pas, ne risque pas, qui s’enferme dans une certaine routine, se contentant d’un rôle défini et arrêté, participe peu aux changements. La politique devient le prolongement de notre action. Pourquoi laisser la politique aux professionnels de la politique, aux carriéristes et autres « arrangeurs » ? Un célèbre syndicaliste disait que si tu ne t’occupes pas de la politique, c’est elle qui va s’occuper de toi.

Comment ma candidature a-t-elle été accueillie? Par mes collègues d’organisation, très bien. Ils comprenaient le sens de mon engagement. Par d’autres milieux sociaux, portés par d’autres visions politiques? Avec respect je crois. Comment me suis-je senti dans l’arène médiatique avec cette autre casquette? À l’aise, et sans langue de bois.

Avec 15,93% dans Laurier-Dorion, vous êtes largement battu, devancé par le sortant libéral  Gerry Sklavounos (46,19%) et le solidaire Andrés Fontecilla (27,69%). Plusieurs mois après cette défaite, quel regard portez vous sur votre campagne et que feriez-vous différemment ?

Je demeure très fier de la campagne que nous avons menée, des gens qui se sont regroupées autour de ma candidature, du travail que nous avons fait sur le terrain. Il me serait difficile de faire les choses autrement, sinon peut-être de chercher à mieux nous organiser structurellement dès le départ. Sinon, nous avons été emportés par une forte mobilisation de la peur, celle d’un possible référendum sur la souveraineté du Québec, et celle aussi, qui a joué un rôle déterminant dans nos résultats, du projet de charte de laïcité.

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Avec un tel résultat, on aurait pu penser que vous seriez retourné au militantisme, dégoûté de l’action politique. Vous avez pourtant décidé de vous lancer dans la difficile course à la chefferie du Parti Québécois, alors que les candidats ne manquent pas. Quelles raisons principales vous ont poussé à vous engager dans l’arène politique? Par ailleurs, les conditions d’inscription ont évolué mais restent complexes, notamment financièrement; à ce jour pouvez-vous effectivement vous présenter ?

Je suis retourné au militantisme ! J’ai repris mes activités au Comité Chômage de Montréal ainsi qu’au Conseil national des chômeurs (CNC).

Ma candidature à la chefferie s’explique surtout par le fait qu’un groupe de militants et de militantes s’est réuni autour de moi avec cette ferme intention de participer au débat des idées qui animerait le Parti québécois. Et il est devenu clair, au fil des semaines, que participer à ce débat impliquait nécessairement de présenter ma candidature à la direction du Parti québécois. Nous avons réfléchi, écrit, débattu et bâti littéralement nos idées et nos propositions. C’est devenu notre programme. Il est progressiste, il est de justice sociale, il s’inscrit dans ce grand modèle que nous appelons le « modèle québécois ». Nous sommes audacieux, refusons la vieille (comme la petite) politique et croyons que le Parti québécois pour mieux se reconstruire doit impérativement se redéployer dans le mouvement social, se reconnecter sur la population, sur la jeunesse, sur les idées émergentes, finalement sur ce que le Québec est devenu et ce qu’il sera demain.

Notre programme est en ligne : www.pierrecere.org

Les conditions menant à la validation du statut de « candidat » ne sont pas simples. Il nous faut recueillir 2000 signatures en provenance d’au moins 50 circonscriptions et 9 régions du Québec, avec chacune au moins 10 signatures. Cela, sans compter un premier dépôt 10 000$ qui doit être versé avec les signatures au plus tard le 30 janvier.

Je le répète : nous n’avons ni fortune, ni personnel salarié. Nous fonctionnons à l’énergie de l’espoir. Et ça marche ! Nous sommes partout et maintenant confiants d’atteindre la barre des signatures. Pour l’argent, nous lancerons bientôt une campagne citoyenne, 100%, c’est-à-dire 100 personnes donnant chacune 100 $.

Vous êtes un candidat  « surprise » mais vous avez été l’un des premiers à sortir un programme détaillé. Vous y développez une vision d’un Parti Québécois inclusif et socialement juste, ce qui peut paraître s’opposer à la gouvernance passée. Comment jugez-vous la gestion de la Charte des valeurs et de la laïcité, vous qui aviez dénoncé dès 2007 une dérive identitaire du PQ ?

Il est vrai de dire que je suis un candidat « surprise », et je l’assume. Je ne suis pas député, je n’ai jamais fait de la « politique professionnelle ». Je viens des milieux sociaux et je me fais un point d’honneur de rappeler que je viens d’un milieu ouvrier et que mes appartenances sont toujours restées là.

Le projet de société que nous avançons en est un de justice sociale et d’inclusion. C’est aussi un projet indépendantiste qui se conjugue à la diversité culturelle.

Par ailleurs, il est vrai que nous portons un regard très dur sur cette stratégie identitaire qui a animé le Parti québécois depuis 2007. Cette stratégie visait à récupérer à la droite (Action démocratique du Québec) le sentiment identitaire. En faisant du « nous » et du « eux », on a fini par créer ce clivage avec les communautés immigrantes, leur faisant porter le poids d’une menace : celle de notre survie, celle du projet de pays, celle du fanatisme religieux.

Au lieu de travailler à transformer, là où il le faut, nos institutions, nous avons ostracisé. Au lieu de rassembler, nous avons divisé. Le projet de charte de la laïcité aurait pu avoir une approche rassembleuse, on a fait le contraire. Le problème n’était pas d’avancer avec un projet de laïcisation de l’ensemble des institutions d’État, d’établir des balises, mais plutôt dans la forme, dans la façon.

Le Parti Libéral du Québec élabore en ce moment une énorme casse sociale, cependant l’ère Bouchard, puis le mandat de Pauline Marois, ont semblé s’opposer parfois au « principe favorable aux travailleurs » de René Lévesque. D’abord progressiste, on sent aujourd’hui une grande tentation au PQ de séduire les électeurs de la CAQ, partisans de coupes sociales et de l’austérité. Vous vous posez en garant de la justice sociale, que répondez-vous à ceux qui vous disent qu’elle coûte trop cher ou qu’elle est inefficace et comment envisagez vous la redistribution des richesses dans un Québec où vous seriez Premier Ministre ?

Le Parti québécois demeure un parti fondé sur le projet de faire du Québec, un jour, un pays. Il regroupe, sur cette base, des sensibilités plus à gauche, d’autres plus à droite. Il est vrai qu’à l’intérieur du PQ, un courant aimerait un rapprochement avec la CAQ, et donc un alignement marqué à droite. Cela fait partie des tensions normales qui animent un parti politique comme le PQ. Briser l’équilibre existant lui serait fort dommageable.

La redistribution de la richesse, à tout le moins d’une partie de la richesse créée, les instruments économiques et les programmes sociaux que nous avons mis en place comme société demeurent les grands piliers de notre développement. Je poursuivrais clairement dans cette direction : une économie bâtie pour la population, pour ses besoins, construite dans un modèle de développement durable, l’amélioration des conditions de vie. Des propositions comme les « quatre semaines de vacances obligatoires » seraient mises en chantier, d’autres aussi (voir notre programme). Nous nous engagerions de façon très marquée dans une phase de transition visant à nous départir du pétrole, en accélérant le pas pour l’électrification de nos transports. Il y a beaucoup à faire, de nombreux chantiers à mettre en place. Nous formerions un fabuleux gouvernement !

Aux oiseaux du malheur qui nous prédisent toujours les pires cataclysmes, aux idéologues qui préfèrent une réduction de la taille de l’État plutôt qu’un État fort au service de sa population, à ceux qui nous proposent « d’avancer par en arrière », je leur dis : « nous connaissons vos histoires, nous connaissons vos recettes, elles sont sornettes pour l’une et indigestes pour l’autre ».

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Pour ce qui est de l’indépendance, vous proposez de d’abord tenter de négocier un nouveau partenariat avec le Canada, pour plus de dévolution (notamment fiscale), avant de lancer un référendum en cas de refus. N’avez-vous pas peur d’effrayer les plus « pressés », d’autant que rien n’indique que le futur premier-ministre canadien souhaite donner une quelconque autonomie supplémentaire au Québec ?

Notre proposition se résume à l’idée suivante : Souveraineté-association ou Indépendance !

En 1980, nous avons cherché par voie référendaire le mandat de négocier une nouvelle entente fondée sur l’égalité de nos deux peuples (Québec-Canada), par laquelle le Québec devenait le seul responsable de percevoir les impôts et les taxes sur son territoire, acquérant le pouvoir exclusif de faire ses lois et d’établir ses relations extérieures. Nous partons de là, allant chercher ce mandat dans le cadre d’une élection plutôt que par voie référendaire, en d’autres mots, nous éliminons une étape. Une fois élus, nous ouvrons cette négociation à deux, d’égal à égal, de nation à nation. Deux chaises, celle du Québec, celle du Canada. Nous ne négocions pas avec l’ensemble des provinces, comme ce fut le cas lors de l’Accord du lac Meech. Seulement avec Ottawa. L’objectif étant d’en arriver à une entente établissant notre souveraineté dans un cadre associatif. Est-ce que la classe politique à Ottawa aurait suffisamment évolué pour exprimer cette ouverture et mettre en place ce nouveau pacte entre nos deux peuples ? Nous verrions bien.

Mais à défaut de négociation, ou d’en arriver à si peu, devant une possible mauvaise foi, nous fermerons cette avenue après une période d’une année, et engagerons tous nos efforts, toute notre créativité, dans une mobilisation totale vers un référendum appelant à notre indépendance. La question serait simple : « Voulez-vous que le Québec devienne un pays? » Faudrait-il ajouter à pays, le qualificatif « indépendant » ou « souverain » ou tout simplement s’arrêter à « pays » ? Nos militants trancheront !

Notre proposition est claire, notre stratégie se déploiera à visage découvert, au vu et au su de notre population. Nos idées seront exprimées, le chemin que nous voulons prendre sera indiqué. Nous sommes en mode solution et nous comptons arriver à bon port au cours du premier mandat suivant notre élection.

Dans votre programme vous liez fondamentalement emploi et environnement, alors qu’on les oppose souvent. Alors que l’on parle de plus en plus de privatisation de l’électricité et que le gouvernement péquiste de Pauline Marois avait autorisé l’exploration du pétrole de schiste dans l’île d’Anticosti, quelle est votre position sur ces débats ? Et qu’elle vous semble la priorité en terme de protection de l’environnement ?

L’ensemble de nos sociétés se retrouve au même carrefour, et il nous faut choisir : poursuivre ce même développement économique, en bout de ligne irresponsable et assassin de notre environnement et de notre qualité de vie, ou chercher des alternatives qui s’inscrivent dans un développement durable. Le Québec doit de façon solennelle et irrémédiable s’engager dans une phase transitoire pour se départir des énergies fossiles, et poser des gestes concrets, et importants, dans cette direction. Cela implique de mettre en place les structures de recherche, les mécanismes, l’industrie pour assurer à terme que notre transport, l’ensemble de nos moyens de transport, soient électrifiés. En même temps, sachons que cette transition se fera sur plusieurs décennies (trois, quatre, plus ?).

Pendant cette période, si nous continuons d’utiliser du pétrole et autres énergies fossiles, il nous faudra néanmoins en consommer toujours moins. Il faudra tout de même faire des choix : nous le prendrons où ce pétrole au cours de cette transition ? De l’Algérie ? Du Kazakhstan ? Celui des sables bitumineux de l’Ouest canadien ? Pourrions-nous envisager exploiter un pétrole québécois ? Encore faudrait-il connaître ses qualités, ses quantités, la qualité du sol, les impacts environnementaux et ceux possiblement sur la population, les méthodes d’extraction, etc. Et, surtout, ne jamais improviser sur ces questions. Jamais.

Enfin, ce dernier espace vous est laissé libre afin de développer une mesure phare sur laquelle vous n’avez pas été interrogé et que vous aimeriez développer.

La jeunesse québécoise du printemps 2012 a lancé un immense cri sur l’état de notre démocratie, sur nos pratiques. Elle a questionné les frontières peut-être trop étroites de cette démocratie, questionné nos pratiques, les formes de leadership. Il est de toute première importance de lancer un vaste chantier cherchant une refondation de notre culture et de nos mœurs politiques. En la matière, comme en d’autres, nous avons besoin d’une véritable révolution. Le Québec sait les faire « tranquilles » et à la fois systémiques. Allons-y !

Entretien réalisé par courriel 
en novembre 2014

Pour aller plus loin
Site officiel
Tribune : « Ce que le PQ pourrait être »

Crédit photos : Pierre Céré par Dominic Morissette, site officiel du candidat.

Le futur premier ministre…

Depuis la démission de Pauline Marois les jeux sont faits. Pierre-Karl Péladeau, magnat de l’industrie devenu député de Saint-Jérôme, sera le futur premier ministre du Québec. Tout le monde est d’accord à ce sujet et, d’ailleurs, un sondage qui vient de paraître affirme que PKP est le seul à pouvoir battre Philippe Couillard lors des prochaines élections générales. Attendez… Les prochaines élections générales ? J’ignorais que le gouvernement libéral était minoritaire et qu’il y aurait des élections sous peu.

Ha, que me dit-on dans l’oreille ? Les prochaines élections auront normalement lieu le 1er octobre 2018 ? Faut-il donc que les médias et les commentateurs aient perdu tout sens politique pour centraliser la plupart de leurs articles sur une « vague PKP » qui n’existe pour l’instant que de manière fictive, l’intéressé n’étant pas encore candidat à l’élection (ce qui, il est vrai, est un secret de polichinelle).Je pourrai ici parler de PKP, détailler ma pensée sur le décalage flagrant entre son discours se voulant gauchisant et sa réalité de patron-voyou, ou sur ses dons réguliers au Parti Libéral du Québec jusqu’à ce que le vent tourne et qu’il se sente puissamment indépendantiste et se mette à contribuer à la caisse du PQ – sa fougue gênant au passage un parti de plus en plus attentiste. Je pourrai aussi expliquer en quoi ça ne serai pas forcément si mal, ancrant définitivement le PQ à droite et laissant une place claire pour la gauche indépendantiste, tout en ne comprenant pas comment certains peuvent voir une menace en PKP pour les solidaires.

Mais je n’ai pas envie de faire ça. D’abord parce que tout ça se trouve déjà dans tout un tas d’articles, même si les trois-quarts sont példeau-béats, mais aussi parce que tout ça est fondamentalement absurde.

N’y a-t’il pas plus urgent à penser quand le gouvernement Couillard tente une dangereuse réforme de la santé ? Que le Ministre de l’éducation dit n’importe quoi très régulièrement jusqu’à proposer de ne plus financer les bibliothèques ? Que l’environnement est de plus en plus menacé par les velléités légèrement différentes mais toutes destructrices des conservateurs fédéraux et des libéraux provinciaux ? Que le Québec ferme un nombre énorme, de manière totalement inconséquente, de ses représentations diplomatiques ?

Alors, parce que les sondages c’est bien beau, c’est même formidable, mais qu’ils sont comme les promesses et ils n’engagent que ceux qui les croient je vais juste me permettre quelques rappels.

En janvier 2012 Pauline Marois était sensée être définitivement coulée, incapable de gèrer son parti. C’était bien simple, il n’y avait qu’une solution pour que le PQ ne sombre pas : qu’elle démissionne et que Gilles Duceppe la remplace. Quelques mois plus tard elle devenait premier ministre.

En mars dernier la même a, de manière très opportuniste d’ailleurs, déclenché une élection à une date choisie, afin d’obtenir le gouvernement majoritaire que tous les sondages lui prédisaient. Las, cette tentative s’est soldée par un échec cuisant et une des plus dures défaites connues par le parti, ouvrant la voie à un gouvernement libéral largement majoritaire.

Remontons en février 2011, à l’époque il était acquis pour tous les médias que François Legault serait le prochain premier ministre. Deux élections générales plus tard, il n’est toujours que le chef de la deuxième opposition.

Mieux encore, vous souvenez-vous d’André Boisclair ? Celui qui, en 2007, mena le PQ à sa pire débâcle, le parti terminant derrière le PLQ et l’ADQ. Unanimement décrié pour son leadership défaillant, ses gaffes et ses difficultés, il était pourtant l’un des homme politiques les plus populaires du Québec en 2005, en somme juste avant d’être élu chef du PQ. On trouvait même 71% des électeurs se disant prêt à voter pour lui même s’il était avéré qu’il avait « consommé de la cocaïne alors qu’il était ministre ? », une véritable love story.

On continue ? Je suppose que vous aurez compris l’idée. Je ne sais pas si PKP sera chef du PQ, premier ministre, s’il retournera à son entreprise ou créera un club de majorettes, mais ce qui est certain c’est qu’il est au coeur d’une bulle médiatique qui l’adule et en fait automatiquement le candidat à élire. C’est sans doute agréable mais c’est très fragile et, mis à part l’opinion, il n’y a pas plus versatile amant que les médias.

Alors posons nous, regardons ce que fait le gouvernement actuel, ce que diront les candidats à la course à la chefferie du PQ quand toutes les données seront connues, et cherchons le débat d’idées plutôt que des chiffres qui ne veulent rien dire. Allons bon, on peut bien rêver…

Crédit image : Wikimédia

Les partielles en question

La rentrée politique au Québec a été marquée par de nombreux débats, parmi eux c’est curieusement un sujet un peu technique qui m’a interpellé : celui des démissions des députés et de leur remplacement. En effet, en à peine un mois deux députés de l’opposition ont démissionné, imposant la tenue d’élections partielles.

Il y a d’abord eu le caquiste Christian Dubé, élu dans Lévis depuis 2012, qui est devenu premier vice-président de la Caisse de dépôt et placement du Québec le 15 août. Pour l’économiste, un poste de haut-fonctionnaire de très haut niveau est bien plus intéressant qu’un siège de député, même vedette, de la deuxième opposition du Québec. Celui qui se rêvait ministre des finances a donc quitté son poste et l’élection pour lui succéder a lieu en ce moment.

Le 29 septembre ce fut au tour de la députée péquiste de Richelieu Élaine Zakaïb, elle aussi députée depuis 2012, de jeter l’éponge. Elle s’était présentée auréolée de son statut de femme d’affaire, d’administratrice efficace venue de l’entreprise et avait aussitôt récolté le siège de ministre déléguée à la Politique industrielle. Visiblement, revenir dans l’opposition lui semblait trop difficile et elle a préféré aller prendre la tête de l’entreprise de lingerie Jacob. Ce poste n’a rien d’une sinécure puisque l’entreprise est proche de la faillite et que Mme Zakaïb, qui y a travaillé, a affiché la volonté de sauver cette entreprise. Un vrai défi, mais il reste que pour cela elle abandonne sa circonscription.


Christian Dubé & Élaine Zakaïb

Plusieurs voix se sont levées pour dénoncer ces députés de l’opposition, candidat vedettes débauchés qui, une fois élu, préfèrent quitter l’Assemblée que de siéger sans avoir de pouvoir. On leur reproche leur peu de respect des électeurs, la mise en difficulté de leur parti1 ou, et c’est l’argument qui revient le plus, le coût d’une élection partielle. S’il est un peu triste que ce soit encore une question financière qui pousse les gens à s’interroger, il est vrai que ce n’est pas anecdotique : autour de 600 000 $ par élection !

Les trois arguments me semblent recevables en soit, l’idéal serait de partir de ce constat pour réfléchir autrement la gouvernance : plus de pouvoir pour l’opposition, instauration d’une proportionnelle forçant des majorités concertées etc. Mais bizarrement personne ne propose ce genre de chose, à peine Agnès Maltais ose-t-elle demander une réflexion sur le statut de l’opposition et, indirectement, un meilleur choix des candidats.

Sans faire de grande réforme, le code électoral français peut apporter une solution. En effet en France chaque élu au scrutin uninominal a obligatoirement un suppléant. Ainsi un député élu qui est nommé au gouvernement (inconciliable en France avec un statut de parlementaire), pour une mission longue, ou qui décède est automatiquement remplacé par son suppléant. Bizarrement cela de fonctionne pas en cas de démission, alors que le suppléant d’un autre type d’élu – le conseiller départemental – suppléé en toute circonstance.

Mais dans l’idée, on peut aller plus loin que la règle française, comme toujours bourrée d’exceptions et de bizarreries administratives et imaginer un système simple : chaque député se présente avec un suppléant pouvant le remplacer en cas de départ du poste, quelle qu’en soit la raison (démission, décès, maladie, etc.). L’idéal serait même que le suppléant puisse travailler effectivement durant des période d’absence prédéfinies, par exemple lors d’un congé maternité, une proposition de loi en ce sens a d’ailleurs été proposée et rejetée à l’Assemblée Nationale française – haaa, le pouvoir du patriarcat.

Le Québec aurait tout intérêt à se doter d’une loi de ce type, outre qu’elle évite des partielles coûteuse, elle permet de fournir une première expérience politique au suppléant – qui combat réellement au côté du titulaire –, voir de construire un véritable passage de relais entre un élu et son successeur. Cela aurait par ailleurs l’avantage d’être simple à comprendre et peu coûteux à appliquer… en attendant la véritable réforme démocratique qui se fera sans doute attendre encore quelques trop longues années…

Entretien avec Alexandre Leduc, ancien (et futur) candidat solidaire dans Hochelaga-Maisonneuve

Historien de formation, ancien militant étudiant, Alexandre Leduc travaille aujourd’hui comme organisateur syndical à l’Alliance de la fonction publique du Canada. Très impliqué dans les luttes sociales, c’est aussi un fervent indépendantiste, ce qui l’amène assez naturellement à rejoindre Québec solidaire. En 2012 et du haut de ses 27 ans, il se jette dans l’arène politique. Candidat dans Hochelaga-Maisonneuve, un fief péquiste de Montréal, il emporte un des plus hauts scores du Québec (23,69 %), terminant deuxième et devenant « l’opposition officielle » locale.

En 2013 il est candidat au poste de porte-parole-président de Québec solidaire mais est battu par Andrès Fontecilla, son voisin de Laurier-Dorion. Loin d’être démotivé par cette défaite, il repart à l’assaut d’Hochelaga-Maisonneuve en 2014, augmentant son score de près de 10% et manquant de peu l’élection. Bien parti pour venir augmenter le caucus orange à l’Assemblée dans quatre ans, il profite du temps donné pour quadriller le terrain et réfléchir à l’action politique.

campagnePhoto de la campagne de 2014

Avant de commencer l’entretien peux-tu présenter ton parcours et ce qui t’as amené à t’investir au sein de Québec Solidaire jusqu’à en porter les couleurs ?

Je suis issu d’une famille de la classe ouvrière qui a pu survivre en partie grâce au filet social de l’État (frais de scolarité bas, éducation gratuite, santé publique, salaire minimum, etc). Je ne viens pas d’une famille à tradition militante quoiqu’elle avait des valeurs de partage et de solidarité très fortes basées sur le vieux fond judéo-chrétien qui caractérise encore une partie de la social-démocratie québécoise contemporaine.

C’est vraiment à l’université que je me suis réalisé politiquement, à travers mes études en histoire (au cours desquels j’ai été en contact avec les théories marxistes) et le mouvement étudiant (où j’ai développé des pratiques militantes). J’ai approfondi ces apprentissages dans le mouvement syndical par la suite où j’ai pu militer ouvertement à Québec solidaire, le seul parti qui représentait l’ensemble de mes valeurs : progressisme, indépendantisme, écologisme, féminisme.

Vu de l’extérieur, le tissu syndical a encore l’air solide au Québec, pourtant les gouvernements successifs ont pris des mesures très violentes. Dans la fonction publique, on sabre des emplois de manière drastique. Je pense notamment à Hydro-Québec où le PQ a fait des coupes très violentes. Toi qui es à leur contact tous les jours, comment le vivent les salariés ? Et y a-t-il des impacts sur les services ressentis par les usagers ?

Au Québec, environ 40% des travailleurs sont syndiqués. C’est le plus haut taux de syndicalisation en Amérique du Nord. Pour la gauche, c’est la raison pour laquelle nous avons au Québec une des sociétés les moins inégalitaires de cette région du monde. C’est d’ailleurs au Québec que la contestation contre la réforme du gouvernement fédéral sur l’assurance-emploi est la plus forte.

Le démantèlement de l’État est un projet partagé autant par le PLQ, la CAQ et le PQ. Bien sûr, ces trois partis savent qu’ils ne peuvent pas le mettre en pratique de manière frontale, donc ils utilisent la technique du goulot d’étranglement. En prenant comme excuse l’austérité, vous réduisez substantiellement le financement des services publics, rendant presque impossible le maintien de leurs services et l’accomplissement de leur mission, ce qui frustre les citoyens et l’opinion publique. Le fruit est mûr pour les privatisations partielles et encore plus de coupures.

Les salariés du secteur public livrent bataille. Les centrales syndicales développent des solidarités dans le cadre d’un Front commun qui donne des résultats inégaux. En ce moment, une très grosse bataille se prépare sur le front des fonds de retraite que le gouvernement veut charcuter, notamment à cause de quelques maires de municipalités en manque d’attention médiatique.

Cela dit, un des principaux défis du mouvement syndicat dans les prochaines années sera de s’assurer une relève et d’intégrer des travailleurs issus de l’immigration dans ses structures.

Une critique constante faite à Québec Solidaire serait d’être, dans le meilleur des cas, totalement utopiste voire, dans d’autres cas, violemment opposé à l’entrepreneuriat. Que réponds-tu à ces assertions et quelles propositions portent QS pour l’entreprise ?

C’est le lot de plusieurs partis de gauche en Occident. Dès qu’on parle de mieux redistribuer la richesse, on se fait accuser de ne pas être sensible au fait de devoir en créer d’abord. Pour QS, il est possible de faire les deux en même temps.

Nous avons des propositions intéressantes dans notre programme à ce sujet, notamment en matière de délocalisation d’entreprise. C’est un non-sens économique complet de laisser une entreprise rentable fermer ses portes dans un quartier ou dans une ville et de la regarder partir ailleurs les bras croisés. Après une étude économique qui démontre la rentabilité de l’entreprise, QS propose de mettre en place un cadre législatif qui faciliterait la reprise d’entreprise en la transférant à une coopérative de travail.

Nous voulons également soutenir les PME via l’augmentation du pouvoir d’achat de l’ensemble des citoyens. Que ce soit en augmentant le salaire minimum ou en facilitant l’accès à la syndicalisation, nous croyons être en mesure de stimuler la consommation et ainsi augmenter les revenus des PME.

Avec son plan de sortie du pétrole, QS vise à stabiliser le huard (dollar canadien), qui est en ce moment complètement dopé par l’exploitation et l’exportation du pétrole sale albertain. Les économistes appellent ce phénomène le « mal hollandais » Il nuit fortement à ce qu’il reste du tissu industriel québécois qui doit, en matière d’exportations internationales, composer avec une devise trop forte par rapport à l’économie réelle.

Un de tes axes de combat pour le porte-parolat de Québec Solidaire était de mettre en avant la question d’indépendance. Malgré un programme clairement indépendantiste, on reproche en effet souvent à QS sa tiédeur sur le sujet. Comment l’expliques-tu et comment souhaites-tu le combattre ?

C’est en effet un constat que je mettais de l’avant durant la course interne à QS. S’il faut reconnaître que QS a un problème sur le sujet, il faut également reconnaître que c’est un problème de perception. Si on analyse le discours et les textes émanant du parti depuis sa création, il faut vraiment être de mauvaise foi pour plaider que QS n’est pas vraiment indépendantiste. La nuance est la suivante : QS n’est pas SEULEMENT indépendantiste. Il est également de gauche, écologiste et féministe. Pour certaines personnes, ces valeurs sont de trop et viennent déclasser l’indépendance dans leur hiérarchie des luttes à mener. À notre avis, une telle hiérarchie n’existe pas et en créer une est contre-productive.

L’arrivée du multimillionnaire Pierre-Karl Péladeau comme candidat péquiste durant l’élection de 2014 aura été l’occasion pour notre formation de préciser notre pensée à ce sujet. Bien sûr, lors du prochain référendum, nous allons faire campagne pour le « oui » avec tous les souverainistes, ce qui inclut Péladeau, Lucien Bouchard et autres conservateurs. Mais non, nous n’allons pas travailler avec eux sur le reste des sujets. Bien au contraire, nous allons nous opposer vertement à leur austérité, leur politique antisyndicale, à leur pétrophilie.

À ce propos, as-tu observé la course à la chefferie du Bloc Québécois ? Le moins que l’on puisse dire est que l’indépendance est revenue au cœur de leurs débats.

Oui, mais de loin. Je ne suis pas membre d’aucun parti politique fédéral et mon exécutif local m’a demandé de demeurer neutre sur la question. La seule chose que je dirai est qu’il est agréable de constater que la question de l’indépendance est en effet revenue au devant de la scène. De plus, j’ai été agréablement surpris de voir que les débats avaient également porté sur la place des autres partis politiques au sein du Bloc. Cela fait longtemps que le Bloc est accusé de n’être rien d’autre que l’aile fédérale du PQ, alors que les militants de QS et d’ON étaient laissés de côté. À chaque élection provinciale, il était coutume de voir le chef du Bloc faire une conférence de presse conjointe avec le chef du PQ pour dire qu’ils allaient appuyer le PQ. En tant que militant de QS, le message était : on ne veut pas de vous. Il sera intéressant de voir ce que sera l’attitude de Mario Beaulieu en 2018.

Sur l’indépendance, tu mets souvent en avant un travail auprès des communautés culturelles étrangères, qui sont souvent hostiles à un projet vu comme excluant. Le même processus était à l’œuvre lors du débat sur la Charte des valeurs, à laquelle Québec Solidaire s’est opposé. Une laïcité d’état paraît pourtant un vrai enjeu mais le débat a semblé étouffé par des postures avant tout stigmatisantes. Quelles sont les propositions du parti et ta position sur ces sujets ?

On entend parfois de la part de certains Canadiens anglais que les Québécois seraient plus racistes et moins ouverts à la diversité culturelle. C’est bien sûr une immense fausseté. L’histoire de la société québécoise est traversée par l’immigration depuis la fondation de la colonie par la France au 17e siècle. La plus récente immigration arabo-musulmane a généré son lot de défis et de tensions que le PQ a tenté d’exploiter politiquement avec son projet de charte des valeurs.

Mon parti a développé une position nuancée basée sur les résultats de la commission Bouchard-Taylor qui s’était penchée sur le phénomène des accommodements raisonnables. Partisans d’une approche interculturelle plutôt que multiculturelle, nous avons proposé notre propre projet de Charte dont on peut résumer l’essence par : laïcité des institutions de l’État, liberté des individus.

Malheureusement, la manipulation grossière de l’enjeu identitaire par le PQ a fait en sorte d’éloigner considérablement la communauté arabo-musulmane de la souveraineté, alors que c’était la communauté la plus proche de ce projet. Sur ce plan, tout est à reconstruire et QS doit jouer un rôle important car la réputation du PQ est foutue pour au moins une bonne décennie.

 ledAlexandre Leduc en avril 2014 avec Manon Massé et Amir Khadir

Tu étais candidat dans une circonscription potentiellement gagnable, et le score final a été réellement serré. Si Québec solidaire voit ses scores progresser partout on ne peut nier que son centre électoral se trouve à Montréal, les trois députés du parti sont dans des circonscriptions voisines de la tienne et de Laurier-Dorion, où vous obtenez aussi un très bon score. Si avoir un fief n’est pas un mal, comment faire pour décupler l’influence de QS en région ?

Le fait que les votes progressistes soient plus concentrés dans les grands centres urbains n’est pas un phénomène propre à QS ou au Québec. On observe la même chose au Canada, en France ou ailleurs. Ce n’est donc pas surprenant que QS ait fait élire ses premiers députés dans les quartiers centraux de Montréal. La droite a exactement le même problème, mais à l’inverse. Il n’y a en effet aucun député de la CAQ dans les nombreuses circonscriptions montréalaises.

Cependant, il est faux de dire que QS ne croît pas en dehors de Montréal. Une analyse plus pointue des données électorales démontre une croissance importante, notamment à Rimouski.

Le défi de QS repose plutôt dans sa capacité à faire résonner sur la scène nationale les bons discours que ses candidats ont déjà développés dans leurs régions respectives. Par exemple, les candidats de la région de Québec avaient développé une plateforme régionale très précise. De plus, l’équipe dans Rimouski a fait de Marie-Neige Besner une candidate au rayonnement régional et même national.

Cela étant dit, des réflexions ont lieu en ce moment sur la possibilité de cibler une circonscription hors Montréal et d’investir plus de temps et d’énergie pour y faire élire un ou une nouvelle solidaire. Rimouski pourrait être ce terrain propice. La ville est réputée plutôt progressiste et est le lieu de résidence de plusieurs étudiants (cégep et université) qui sont, en général, plus susceptibles d’être sympathiques aux idées de Québec solidaire.

Finalement battu, tu as annoncé vouloir te représenter en 2018. Tu as forgé le concept d’« opposition officielle locale », peux-tu nous dire ce que cela signifie pour toi et ce que tu comptes mettre en œuvre pour obtenir ton entrée à l’Assemblée nationale dans quatre ans ?

À peine 1000 voix nous séparaient de la victoire dans Hochelaga-Maisonneuve. J’ai pris la décision de me représenter en 2018 au courant de la dernière semaine de campagne pour différentes raisons : 1) j’avais beaucoup apprécié mon expérience de 2012 et de 2014, 2) j’étais très fier du travail accompli par notre équipe, 3) je crois qu’il est important d’avoir une certaine stabilité dans les candidatures, 4) j’avais le goût de continuer à incarner une certaine relève dans le parti. J’en ai donc fait l’annonce le soir même du vote ce qui a été, je le souhaite, un léger baume pour les militants.

Nous avons développé le concept d’opposition officielle locale après l’élection de 2012 ou nous sommes arrivés bons deuxièmes. Le PQ règne sans partage sur Hochelaga depuis 1970. Il n’y a jamais eu de force politique organisée qui, entre les élections, remette en question le travail de la députée dans le quartier. Nous avons voulu incarner cette opposition officielle entre 2012 et 2014 et j’estime que cela a relativement bien fonctionné. Nous avons réussi à critiquer publiquement la députée Carole Poirier sur les dossiers du transport en commun et des écoles contaminées. Cela a tellement bien fonctionné que, durant cette période, nous avons eu plus de couverture médiatique que la députée elle-même.

Dans l’immédiat, mon équipe et moi-même allons prendre du repos et un peu de recul, mais ce ne sera que pour revenir en force dans quelques mois avec la ferme intention de mener des dossiers de front, de faire du bon travail de terrain et de construire maintenant notre victoire de 2018.

Entretien réalisé par courriel
en août 2014

Pour aller plus loin :
Blog d’Alexandre Leduc
Page facebook d’Alexandre Leduc
Québec solidaire

Entretien avec Clément Laberge, ex-candidat PQ dans Jean-Talon

Depuis le début de ce blog, je souhaite interviewer des militants et élus péquistes. Mes positions sont souvent sévères pour ce parti, comme en atteste mon dernier article, mais ils rentrent encore à mes yeux dans l’arc progressiste québécois que je veux défendre ici. Voici donc un premier entretien d’un militant de valeur, dont l’engagement culturel m’a interpellé.

Considéré dans un article récent comme un « pionnier du web québécois », Clément Laberge est un entrepreneur passionné de technologie et de culture. Fondateur (Septembre média en 1997, Opossum en 2003) ou cadre dirigeant (iXmédia, chargé de développement numérique chez Éditis) de nombreuses sociétés d’éditions, il est actuellement vice-président principal de De Marque, société leader dans la production de contenus et dans la distribution de livres numériques. Très engagé dans le débat sur le prix unique du livre, il a porté les couleurs du Parti Québécois dans Jean-Talon (Québec la ville) lors des dernières élections générales. Il a terminé deuxième dans ce fief libéral, 7824 voix (22,48 %), distancé par le député sortant Yves Bolduc, qui a obtenu 15492 voix (44,5%).

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Vous êtes un acteur reconnu du milieu culturel au Québec. Expert du milieu du livre et particulièrement de sa transition numérique on vous a récemment entendu à propos de la loi sur le prix unique du livre ? Craignez-vous qu’avec l’élection de libéraux le projet soit abandonné ?

J’ai fait tout ce qui était possible depuis quatre ans pour expliquer et plaider la nécessité d’une intervention de l’État dans ce sens. Un projet de loi a finalement été préparé par le ministère de la Culture, mais n’a pas pu être déposé à l’Assemblée nationale avant le déclenchement de la campagne électorale… et je crains qu’il ne soit finalement jamais déposé.

Je pense qu’il n’y aura pas de réglementation du prix des livres neufs au Québec à court ou moyen terme. Il faudra donc trouver des moyens alternatifs pour soutenir le travail des libraires et l’écosystème éditorial dans son ensemble.

Vous avez décidé d’être candidat pour le Parti Québécois aux dernières élections. C’est une prise de risque notable. Qu’est-ce qui vous a donné envie, alors que vous êtes un acteur institutionnel, de vous engager dans la politique active ? D’autant que vous vous engagiez dans un fief libéral, difficile à remporter même en cas de vague péquiste.

J’aurais évidemment souhaité être élu le 7 avril, mais si cela avait été ma seule motivation en me portant candidat, j’aurais été bien candide de me présenter dans la circonscription de Jean-Talon. Mais, pour moi, la politique c’est d’abord et avant tout un moyen d’agir, concrètement, dans son milieu de vie – il était donc normal de me présenter dans la circonscription que j’habite. Je n’ai jamais considéré cela comme une prise de risque, plutôt comme une opportunité.

Je considère que quand on se porte candidat dans une élection, c’est d’abord et avant tout pour avoir l’occasion de faire avancer quelques idées au sein de la population – dans un contexte privilégié pour le faire. Et, de ce point de vue, je n’ai pas été déçu, bien au contraire! Malgré le résultat, je suis très fier de mon expérience, et ravi de toutes les rencontres que cela m’a donné l’occasion de faire, dont plusieurs auront assurément des suites d’ici la prochaine élection… et une éventuelle deuxième expérience comme candidat.

Une question qui amène la suivante : pourquoi avoir choisi le Parti Québécois ? Cela tient-il à de vieilles convictions, à une foi indépendantiste, au bilan de Pauline Marois… ou à un peu de tout ça ?

Le Parti Québécois est depuis toujours une large coalition de personnes qui ont essentiellement en commun le projet de faire du Québec un pays.

C’est une coalition qui a connu depuis quarante ans des périodes plus « centre-gauche » et d’autres plus « centre-droit », mais qui a toujours été guidée par des valeurs sociales-démocrates – et qui a toujours vécu avec les incessants débats et rapports de force qui accompagnent cette nature de coalition.

Je suis souverainiste et je crois profondément dans cette idée qu’un parti politique doit être un creuset dans lequel diverses tendances présentes dans la société doivent se confronter… Dans le but de faire émerger des propositions concrètes qui pourraient être mise en œuvre rapidement et de façon pragmatique. Il était donc naturel que je milite au sein du Parti Québécois et que j’en porte les couleurs comme candidat.

La présence de Pauline Marois comme chef du parti était certainement une raison de plus pour être candidat. Il s’agit d’une femme extraordinaire, avant-gardiste et généreuse. Son bilan marquera l’histoire du Québec, malgré la cruelle défaite du 7 avril.

Parlons de culture, puisque c’est votre sujet de prédilection. On a assez peu entendu Maka Kotto, l’actuel ministre de la culture québécois, ce qui ne veut pas dire qu’il n’ait rien fait. Pourriez vous, vous qui fréquentez ce monde de l’intérieur, décrypter ce qui différencie l’approche culturelle des péquistes et des libéraux ? C’est un sujet qui n’a pas été abordé durant la campagne.

Maka Kotto n’a été ministre de la Culture que pendant 18 mois – c’est bien peu pour déployer d’ambitieuses politiques.

Il est clair que les enjeux culturels ont depuis toujours une résonance particulière pour le Parti Québécois – notamment parce qu’ils s’inscrivent le plus souvent dans une perspective d’affirmation nationale. Il faut d’ailleurs souligner que la plate-forme électorale du Parti Libéral ne comportait absolument rien concernant la culture, ce qui m’apparaît absolument invraisemblable pour un parti politique qui prétend gouverner le Québec.

Quoi qu’il en soit, tout le monde a bien constaté que les questions culturelles n’intéressaient que bien peu de gens pendant cette élection, que les médias n’y accordait aucune importance… et que tout cela n’aura probablement eu aucun effet sur les résultats.

En dépit de cela, je pense qu’il faut aussi faire preuve d’autocritique et se dire que cette indifférence apparente trouve son origine dans un manque de différenciation dans les approches culturelles des différents partis, vus somme toute comme « interchangeables » par une partie importante de la population. Il faut probablement se questionner sur cela et voir à clarifier dans les prochaines années ce qui distinguera, de façon évidente, l’approche proposée par le Parti Québécois de toutes les autres.

Si vous évoluez dans le milieu culturel, vous vous présentez dans votre CV, sur votre site, avant tout comme un entrepreneur. Le PQ se revendique progressiste, même si depuis Lucien Bouchard il a connu un tournant social-démocrate (voire social-libéral) les profils d’entrepreneurs restent rares dans ce parti ouvert, mais fondé en partie sur l’idée d’un État fort. Que pensez-vous y apporter et pensez-vous avoir de la place pour vos idées ?

Je pense que la perspective entrepreneuriale n’est pas assez présente dans la pensée et le discours politique. Et que si on veut changer cela il faut qu’un plus grand nombre d’entrepreneurs s’engagent en politique, pour témoigner de cette réalité – qui n’est en rien contradictoire avec la sociale démocratie et la nécessaire solidarité qui l’accompagne.

Je crois qu’un des plus grands défis de la politique aujourd’hui est de bâtir chez les citoyens une meilleure confiance individuelle et collective, d’ancrer dans la population la conviction que nous ne sommes pas à la merci de forces économiques ou politiques qui nous dépassent, et que nous maîtrisons notre destin collectif. Et, pour cela, la valorisation de l’attitude entrepreneuriale me semble déterminante – bien au delà, d’ailleurs, des simples enjeux économiques associés.

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À ce titre l’arrivée de Pierre-Karl Péladeau a été un moment fort de la campagne, qui a eu l’effet inverse de celui escompté. Revivifiant les anti-référendum, il a aussi servi de repoussoir à de nombreux électeurs de gauche, PKP n’étant pour le coup pas connu pour son progressisme. Quel est votre regard sur cette candidature ?

Je me suis réjoui de la candidature de Pierre-Karl Péladeau et je me réjouis de son élection.

Je réitère que dans la perspective où le Parti Québécois est – et doit demeurer – une très large coalition, sa présence vient enrichir nos débats et pourra contribuer à renouveler les propositions que nous formulerons aux Québécois lors de la prochaine élection (et d’ici-là, d’ailleurs!).

Plusieurs ont voulu faire de M. Péladeau un épouvantail (pour la gauche, pour les fédéralistes, etc.). Je pense que c’est une simplification inutile et trompeuse. Les causes de l’échec électoral sont plus complexes.

Les fédéralistes ont beaucoup caricaturés les souverainistes en petit groupe reclus sur lui même, se refusant au monde. Vous qui avez vécu en France, été employé par l’un des plus gros groupe d’édition européen et dirigez aujourd’hui une structure qui est clairement tournée vers l’international, que leur répondez-vous ?

Je n’ai pas envie de répondre à cela. C’est un portrait grossier et malveillant qui ne résiste à aucune analyse un tant soit peu sérieuse. Il faut tout de même admettre que nous nous sommes inutilement exposés à être décrits de cette façon et que nous n’avons pas su réagir adéquatement. Il faudra savoir éviter ce piège dans l’avenir.

La redéfinition du projet souverainiste et la façon de le présenter – dans un environnement médiatique qui a dramatiquement changé depuis quarante ans – constitue assurément un des plus grands défis auxquels nous sommes confrontés dans les prochaines années. Un des plus stimulants aussi

Ce « souverainisme ouvert » que vous défendez a semblé pour beaucoup de gens en décalage avec le projet de Charte des valeurs portée par M. Drainville. Si une charte de la laïcité semble une bonne idée, comprenez-vous les critiques sur la manière dont le débat a été porté ? Le PQ a été très clivant, stigmatisant diront certains, et a refusé en bloc la plupart des amendements de compromis. Après les élections, la discipline de parti se relâche et les langues se délient un peu, quelle est votre position sur ce sujet sensible ?

Je pense que le projet de Charte répondait à des enjeux bien réels et qu’il soulevait des questions importantes pour l’avenir de la société québécoise. S’il y a un mea culpa à faire à cet égard, ce n’est effectivement pas tant sur le fond que sur la manière dont le débat a été porté.

Pour cette raison, je crois que ce n’est pas tant le projet de Chartes en lui-même qui était en décalage avec un « souverainisme ouvert », mais bien l’intransigeance (au moins apparente) dont les porteurs du dossier ont fait preuve.

La large défaite du PQ ne peut se limiter à la Charte ou à PKP. Même si cela a sans doute joué, ce serait simplifier à outrance. Quels sont vos autres éléments d’analyse ? Sur quoi pensez-vous que le PQ doit travailler dans les mois à venir et vous y investirez-vous ?

Comme je l’ai dit précédemment, je crois effectivement que la défaite ne peut s’expliquer par une ou deux causes aussi faciles à identifier.

Il est encore un peu tôt pour identifier précisément les principaux éléments d’analyse pour la suite. Je pense que chacun fait individuellement ses propres constats et que nous devrons mettre cela en commun dans les prochaines semaines et les prochains mois.

Néanmoins, il m’apparaît d’ors et déjà évident qu’un des défis important qui nous attend est de combattre l’ambiguïté sur tous les fronts pour arriver à formuler des propositions beaucoup plus claires, à tous égards : sur la souveraineté et la démarche pour éventuellement y arriver, sur l’éducation, la culture, sur ce qui concerne les questions environnementales, etc.

Il faudra accepter l’idée que s’il est vrai – comme certains le prétendent – qu’une partie de la population a voté pour le Parti Libéral surtout pour voter contre nous, c’est peut-être surtout parce qu’on ne lui a pas offert de raisons suffisantes pour avoir le goût de voter pour nous…

Nous aurons aussi des questions à se poser sur la manière de mener une élection – et sur la pertinence (efficacité) de mener des campagnes aussi fortement dirigée vers les chefs (surtout quand celui-ci est sensé représenter une coalition). Une bonne réflexion aussi sur l’environnement médiatique dans lequel nous évoluons.

Et bien sûr que je m’investirai dans ces réflexions essentielles!

Quelques semaines après l’élection la stupeur est retombée, c’était votre première candidature, dans une circonscription difficile, et elle se solde par un échec. Vous avez cependant menée une campagne active, qu’en retenez-vous ?

J’ai déjà pas mal répondu à ces questions…

Je ne regrette rien. Je suis très fier de ce que j’ai réalisé, malgré les résultats (cela n’a rien à voir avec les résultats, en fait !). J’ai beaucoup appris (encore plus que je n’aurais pu le croire). J’ai aussi acquis une connaissance et une compréhension de ma région, que je pense que je n’aurais pas pu obtenir autrement. J’ai finalement développé une expérience de campagne électorale – avec des personnes absolument extraordinaires.

À l’évidence je pense rééditer l’expérience à l’avenir.

Je pense même que la probabilité d’être élu sera encore un peu moins importante la prochaine fois – parce que le processus démocratique et les débats auxquels une candidature donne lieu, me semblent valoir, en eux-mêmes, tous les efforts qu’il faut y consacrer.

Entretien réalisé par courriel
entre le 24 et le 27 avril 2014

Pour en savoir plus :
Blog personnel de Clément Laberge et notamment ses 1ère réflexions post-électorales ;
Site « Nos Livres à juste prix » sur le Prix Unique ;

Crédit photo : PQ Jean Talon / Le Soleil, Yann Doublet

FOCUS Premières Nations : Entretien avec Ghislain Picard, chef de l’APNQL

Souvent passées au second plan, les Premières Nations portent un idéal légitime de réappropriation de leur terre et de leur autonomie. Si elle n’occupe pas toujours le devant de la scène, la question autochtone est pourtant centrale au Québec et au Canada, portant en elle revendications et problèmes encore non-résolus.
Excessivement complexe – car chaque nation à ses propres rapports avec les gouvernements, souvent sur la base de lois ayant plus d’un siècle – elle mérite de s’y pencher, à l’heure où on exploite de plus en plus les ressources naturelles des territoires vierges. C’est pour cette raison que je vous propose un focus sur la question autochtone, focus dans lequel je publierai régulièrement des articles et entretiens de fonds en parallèle du suivi de l’actualité électorale très « immédiate » et chargée des prochaines semaines. Un moyen de prendre un certain recul…
Pour débuter, j’ai eu le grand honneur de pouvoir m’entretenir avec Ghislain Picard, chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador (APNQL) depuis 1992. L’APNQL est le regroupement des 43 communautés autochtones des territoires Québécois et Labradorien. Fondé en 1985, c’est l’interlocuteur privilégié des gouvernements provinciaux, fédéraux et internationaux pour tout ce qui touche à ces nations.

ghislain picard2

Avant de débuter strictement l’entretien, pouvez-vous vous présenter, nos lecteurs ne vous connaissant sans doute pas ?

Rapidement alors, car je vais quand même bientôt avoir 60 ans, alors il y a des choses à dire.

Je suis né dans une communauté Innu, l’une des onze nations autochtones1 du Québec, qui est composée d’environ 19 000 personnes. Je l’ai quittée pour étudier et ai travaillé assez jeune, vers 19/20 ans , dans la communication. Je me suis assez vite investi dans des radios communautaires, je crois que vous appelez ça des radios libres, notamment avec des émissions en langues autochtones.

C’était déjà militant, le saut en politique s’est fait naturellement, j’ai travaillé deux ans vraiment sur ces questions et ai été élu chef en 1992, poste auquel j’ai été réélu depuis. Mais une chose qu’il faut dire, et que même les québécois ont parfois du mal à comprendre, c’est que je ne suis qu’un chef parmi d’autres chefs. Bien sûr je les représente parfois, notamment au sein de l’Assemblée des Premières Nations du Canada, qui regroupe tous les représentant d’Assemblées de chaque région.

C’est un paradoxe qui m’a amené à me pencher sur la question autochtone. Je fréquente pas mal d’indépendantistes, mais la plupart du temps ils me semblaient peu sensibles aux autres nations sur le même territoire, alors qu’ils dénonçaient sans cesse l’acculturation qu’ils subissaient. Les peuples autochtones sont des nations reconnues, avec des cultures, des territoires, j’ai du mal à comprendre pourquoi ils ne jouissent pas de la même autonomie.

Ce qu’il faut savoir c’est que le statut des premières nations est toujours régi par la Loi sur les Indiens, un texte clairement colonial, qui a plus d’un siècle et demi et qui n’a été que très peu modifié depuis. Cette loi régente beaucoup de choses de la vie quotidienne. La modifier est possible mais très complexe.

Prenons le Québec. Ils ont a priori tout pour faire un État qui semble légitime : une langue, un territoire, une culture, et même s’il n’ont pas de pays, ce discours porte. Nous avons des langues, des cultures, mais le problème central c’est le territoire. Le territoire actuellement attribué aux Première Nations, les réserves si vous voulez, n’ont rien à voir avec les terres historiques.

En fait, c’est évident avec mes lunettes, la pleine autonomie c’est l’idéal, le gouvernement autonome autochtone on le vise. Nous nous sentons pleinement légitimes pour exercer l’administration de nos communautés mais l’idéal est vite rattrapé par la réalité… La loi sur les indiens revient toujours dicter ce que l’on doit faire sur l’éducation, le logement, les ressources, etc. Tout cela est guidé par cette antiquité.

L’autre réalité c’est le territoire, j’y reviens encore mais avec la loi sur les Indiens ce sont les problèmes centraux. Aujourd’hui si nous nous revendiquions gouvernement, nous n’aurions ni les outils pour le faire, qui appartiennent au fédéral, ni la terre. Si l’on additionnait tous les territoires autochtones du pays, tous, on atteindrait même pas 1% du Canada actuel, très loin de ce que nous possédions avant la soit disant découverte.

Je ne connaissais pas ce chiffre de 1%, c’est assez édifiant… Quels leviers avez-vous pour changer les choses ?

À moyen terme nous ne pouvons qu’avancer dans un contexte national sur lequel on a plus ou moins de prise. Nous sommes tous d’accord sur la question de la terre, en obtenir plus est une priorité, mais encore faut-il avoir accès aux négociations, etc.

L’histoire géo-politique canadienne fait qu’il y a une différence entre l’Ouest et l’Est. Schématiquement, de l’Ontario aux Rocheuses les nations ont signé des accords au début du siècle dernier et tentent de de faire évoluer les traités. Ils doivent le faire en lien avec la Couronne Britannique car c’est avec elle que les accords ont été signés.

Mais les autres ne sont pas sous l’autorité de ces traités et c’est donc le « titre aborigène » qui fait loi. Ce traité stipule que les nations qui n’admettent pas avoir été conquises peuvent revendiquer leur autonomie. C’est le cas de ma nation, les Innus, mais aussi des Yukons, etc. Ces peuples peuvent donc ouvrir des discussions pour établir les prétendus droits des autochtones adaptés à un contexte contemporain.

C’est long, complexe, coûteux et – même si nous ne le recherchons pas – se termine souvent devant les tribunaux. D’où de nombreuses décisions qui ont été prises par les Cours suprêmes depuis cinquante ans. Mais nous ne sommes pas à égalité dans ce combat car les règles sont fixés par le Canada, qui finance nos revendications et est représenté judiciairement par la Cour.

 Paradoxalement, la Cour nous a souvent donné raison contre les gouvernements, et a amélioré nos vies, mais à quel prix ? Et puis ce n’est pas parce qu’une décision est adoptée qu’elle est appliquée, alors il faut à nouveau se battre devant la justice, c’est ce que j’appelle un cercle vicieux.

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Vous parliez d’améliorations et de réussites arrachées de haute lutte, pouvez-vous en citer quelques-unes ?

Récemment encore une décision a reconnu la légitimité de la pêche commerciale pour certaines nations de Colombie-Britannique. Ce n’est pas rien, mais il y aura un appel du Canada. C’est un vrai paradoxe car le gouvernement est justement chargé de la protection des autochtones et pourtant, à chaque avancée, il va en appel contre son propre droit. Une autre réussite : l’obligation de consulter les autochtones quand une loi peut affecter le droit des nations.

Mais toutes ces négociations sont très dépendantes d’un environnement politique que l’on contrôle plus ou moins, au niveau fédéral et provincial. Donc on peut avoir des réussites mais il faut toujours être vigilant.

Exemple en 2012, le Parti Québécois est arrivé au pouvoir. Comme on a eu très peu de succès avec le précédent gouvernement2, on s’est dit qu’avec celui-ci on pourrait peut-être discuter de nation à nation. On est engagé dans cette voie là, dans une opportunité idéale pour exposer certains principes qui nous sont chers. Mais ce sont des processus lourds et le temps politique est court. Là au Québec, on est en phase quasi-pré-électorale. Dans ce cas il faudra réussir à inscrire la question autochtone dans les priorités de la campagne, même si c’est rarement le cas. Le positif, c’est que malgré ce manque d’attention, nous avons quand même plus de visibilité et avons réussi à rendre la cause incontournable.

Nous avons la chance d’avoir une population jeune, très ouverte sur le monde, notamment au travers des réseaux sociaux ; une génération qui semble plus intéressée par la chose politique, par ce qui les touche. Ils savent transmettre leurs points de vue.

Je terminerai en disant que le chemin parcouru transcende les frontières. On se réunit à chaque printemps au siège de l’ONU avec la commission sur les autochtones. Notre but est que les 147 états qui ont signé la Déclaration sur les droits des peuples autochtones l’appliquent réellement. En dépit de la faible marge de manœuvre, on peut se réjouir de ces avancées.

J’aimerai parler d’un autre aspect des relations autochtones-canadiens : celui du racisme qui est souvent évoqué sur divers sites internet. Il y a des exemples frappant, comme l’homicide sans raison du jeune Terry Lalo par la police en 2002 et beaucoup de témoignages de racisme ordinaire. Vous qui avez une vue large, pensez-vous que la problématique a quand même avancé ?

Une chose est claire : plus on est revendicatif sur les questions identitaires et plus on reçoit de réactions opposées à nos positions chez les non-autochtones. Il y a toujours, à un certain égard, un racisme quotidien : l’autochtone est forcément ivrogne, analphabète, vivant aux crochets de la société…

C’est sans doute moins fort qu’il y a trente ans et ce n’est pas quelque chose que l’on constate dans les centres urbains. Ça se ressent plus en région, là où l’extraction de ressources naturelles est la base de l’économie. C’est dans ces contextes que nos communautés sont les plus affirmées : soit elles veulent garder le territoire intact, soit elles veulent prendre une part active aux travaux, ce qui leur serait bénéfique sur le plan socio-économique.

Il y a des cas ponctuels clairement discriminatoires, ou alors des responsable politiques qui s’énervent lors de réunions. Il y a toujours quelqu’un à ce moment là pour hausser la voix et faire revenir le calme. Cela fait quatre-cent ans que l’on cohabite, il faut parfois des intermédiaires, quelques voix indépendantes qui se lèvent, mais on réussi à tempérer les esprits.

ghislain picard

Ces derniers temps, deux grands projets impliquent les communautés autochtones : le « Plan Nord » de Jean Charest, rebaptisé « Le Nord pour tous » par Pauline Marois et la réforme du système éducatif des autochtones. Dans les deux cas les gouvernements affrontent des résistances fortes…

Le principal problème est que l’on ne nous associe pas assez, ce sont censés être des plans de développement de nos terres, mais sans nous ? En toile de fond on revient toujours à la loi sur les Indiens. Plutôt que de lancer de grands projets on devrait déjà parler. Je n’ai rien contre l’idée de partager les ressources, mais depuis un siècle et demi les nations autochtones subissent le développement sans en avoir jamais profité. On veut renverser ça pour que nos peuples soient capables de s’autodéterminer.

Ça m’amène à l’éducation. Cette compétence, en vertu de la loi sur les Indiens, dépend du fédéral. C’est très bien de vouloir l’actualiser, on est tout à fait pour. Il faut la faire évoluer afin de la rendre conforme à la réalité. Mais il ne faut pas que ce soit totalement aux mains du gouvernement fédéral ! Et là il y a un désaccord depuis des années, le gouvernement décide de manière très unilatérale. Et c’est là qu’on est à des années lumières de l’égalité. Nous on ne demande pas mieux qu’une réforme de l’éducation, mais nous avons des comités qui ont travaillé dessus, on a des compétences, de la réflexion… Ce qu’on exige c’est simplement d’être à la table des négociations. Dans un vrai échange.

L’APNQL regroupe dix nations, et quarante-trois communautés. Il y a de vraies différences culturelles et sans doutes des revendications diverses, réunir tout ce monde dans la même direction doit nécessiter une grande diplomatie…

Chaque communauté est autonome à elle même et devrait répondre directement aux questions de sa population. Mais, vu le contexte, il n’y a pas d’autre choix que prendre le temps nécessaire – et il en faut parfois beaucoup – pour faire converger des situations parfois différentes selon des question économiques, géopolitiques, géographiques surtout… On n’a pas les même besoins selon que l’on vive à quinze minutes de Montréal ou à quatre heures !

Mais nous combattons le même système, on converge sur les priorités à défendre face aux gouvernements canadiens et québécois.

Un bon exemple de ce front qui réussit, c’est le rapatriement de la Constitution Canadienne en 19823 : tous les peuples se sont unis pour faire entendre la voix des premières nations. C’est ainsi que la constitution du Canada est devenu une de celles qui, au Monde, a le plus pris en compte le droit des autochtones et, surtout, les droits ancestraux. Plus on fera ce genre de front commun et plus on aura de chance de réussir à obtenir les avancées que nous demandons.

 Entretien réalisé via Skype le 25 février

1. En incluant les inuits, qui ne font pas partie de l'APQL.
2. Les gouvernements du libéral Jean Charest, premier ministre du 29 avril 2003 au 19 septembre 2012 (trois mandats).
3. Terme désignant le processus par lequel le Canada est devenu pleinement maître de sa constitution, obtenant notamment le droit de la modifier sans l'accord du Royaume-Uni.

Pour aller plus loin :

Crédit photo : La Presse - Agence QMI

Pourquoi s’intéresser à la politique québécoise?

C’est une vraie question, d’ailleurs nombreux sont les amis dans mon entourage qui ne comprennent pas cet étrange intérêt, qui n’a à leurs yeux rien de rationnel.

De nombreuses raisons plus où moins objectives me donnent pourtant envie de m’y mettre, parmi elles :

1) J’aime la politique, j’aime le Québec, il était logique que ces deux sujets qui me passionnent se retrouvent. Certains me diront « Tu es aussi passionné de BD, pourquoi ne pas plutôt parler de la BD québécoise en ce cas ? ». Et bien je le fais, mais ailleurs (par exemple , ou ). Quand à la BD politique je l’étudie par ailleurs mais j’en parlerai plus tard. Et je ne m’interdis pas de parler de BD politique québécoise sur ce blog.

2) Il y a une effervescence. Le Québec c’est évidemment la question indépendantiste, mais ce n’est pas la seule, et elle évolue depuis des années en se complexifiant. Il y a notamment la création et l’affirmation de différents partis de gauche (indépendantistes aussi d’ailleurs) qui réussissent à obtenir des élus, une certaine résistance au bipartisme et aussi un grand brassage permettant à certains partis alors minoritaires de prendre leur envol… et parfois de s’écraser rapidement, c’était le cas de l’ADQ, mais il y a quelque chose de stimulant, comme si des choses s’essayaient. Au-delà des partis, cette effervescence s’est largement ressentie lors du Printemps érable, qui fut un moment bien plus intéressant que de nombreuses élections, et qui a sans doute été trop vite enterré.

3) Il y a quelque chose de réjouissant dans cette parcelle francophone d’Amérique du nord (même si ce n’est pas la seule), il y a une nation qui électoralement joue une partition très différente du Canada et qui s’en distingue pour plein de raisons, il y a d’incroyables réserves de ressources naturelles, un questionnement qu’il m’intéresserait de creuser sur les premières nations, etc. Ce n’est certainement pas par chauvinisme que le Québec doit nous intéresser, mais parce qu’il y a au Québec une culture propre, aux confluences de nombreuses identités (et pas un simple mix de culture française, anglaise et américaine comme on pourrait paresseusement le croire).

4) Soyons vendeurs, il y a de l’actu. Le gouvernement péquiste étant minoritaire il y aura sans doute des élections cette année, ou en tous cas sous peu. La campagne sera en tous cas très courte, certains évoquant même des élections avant Noël.

Ce blog se voudra donc à la fois espace pédagogique, pour vous faire découvrir les arcanes de la politique québécoise dont le mode de fonctionnement est très différent du nôtre, mais aussi espace d’analyse et de parole. J’ai en effet bon espoir de vous présenter des articles de fonds sur des partis ou faits méconnus, et aussi (surtout ?) des entretiens, que j’espère nombreux, avec des personnalités québécoises où françaises pouvant vous éclairer et nourrir votre intérêt.

Ce blog s’adresse aux français, notamment dans ses volontés pédagogiques, mais aussi à mes amis québécois qui pourront sans doute y trouver un intérêt et que j’encourage à enrichir les articles dans les commentaires, voire à corriger si nécessaire (en espérant que ça n’arrive pas trop souvent).

Photo : L'Assemblée Nationale du Québec, par Christophe.Finot (wikipédia).