L’arrivée de Justin Trudeau au pouvoir aura été marquée par sa réponse à la question du gouvernement paritaire: «Parce qu’on est en 2015». Nous sommes désormais en 2018, et les débats sur la parité restent très présents dans les campagnes électorales au Canada, notamment l’élection québécoise.
Il n’existe aucune loi sur la parité au Québec, ni punitive ni incitative. C’est en 2012 qu’il y a eu le plus de femmes à l’Assemblée nationale, 41 sur 125, soit 32,8% (et pour la première fois, une première ministre). Un taux en progrès si on le compare à la décennie précédente, mais loin d’une représentation réaliste de la population, donc. Un seul parti s’était d’ailleurs astreint à la parité, Québec solidaire, qui n’obtenait que trois élus (dont deux femmes).
La France a depuis 2000 une loi stricte sur la parité. Pour les scrutins de liste, les deux genres doivent systématiquement s’alterner, pour les élections de députés les partis doivent présenter 50% de femmes et d’hommes, avec une marge de 2% d’écart. Ceux qui ne le font pas reçoivent alors une amende, mais soustraite de leur financement public (les partis qui ne décrochent pas cette timbale en sont donc exemptés). Le système est efficace, mais pas dénué d’effets pervers: ainsi l’UMP au pouvoir durant des années, et très richement doté, préférait se passer de 25 millions d’euros de dotation pour pouvoir n’investir que 25% de femmes! Autre conséquence, inattendue, quelques rares partis ont été sanctionnés pour avoir présenté… trop de femmes.
Au Québec, on parle plutôt « zone de parité », qui se situe à plus de 40% de femmes, zone que tous les partis se sont engagés à respecter. Le Devoir a suivi cette promesse en instaurant une « vigie parité » permettant de voir que les quatre partis principaux avaient investi 47,4% de femmes, les deux partis principaux étant à la traîne. Une raison est factuelle: plus on a de sortants, plus il y a de chances d’avoir un député qui se représente et on ne peut donc pas investir de femmes.
Le problème est courant pour les vieux partis, qui ont souvent profité des partielles pour remplacer leurs sortants par des candidates – ce qui explique que le nombre d’élues soit plus grand à la dissolution qu’après l’élection. De fait, le PQ et le PLQ sont à la traîne de la «vigie» du Devoir quand la CAQ et QS sont au-dessus de 50% de candidates investies à ce jour, la CAQ ayant affirmé récemment qu’elle conserverait cette majorité de femmes.
En France il est très courant de voir des partis présentant une zone paritaire faire élire un grand nombre d’hommes. La raison? Les femmes ont plus facilement des circonscriptions non gagnables, ou difficilement. J’ai vu le même problème soulevé au Québec à un endroit où l’on ne l’attendrait pas forcément.
J’ai assisté à l’investiture de Québec solidaire dans Laurier-Dorion, à l’issue de laquelle Andrés Fontecilla a été désigné candidat face à deux candidates. Manon Massé, qui assistait à l’investiture, a été interpellée sur un point: on savait qu’il existait trois circonscriptions sûres à QS (Mercier, Gouin, Sainte-Marie–Saint Jacques), les deux plus susceptibles de basculer étant Hochelaga-Maisonneuve et Laurier-Dorion. La première avait déjà choisi Alexandre Leduc, et Amir Khadir n’avait pas encore fait connaître son retrait.
Si ces cinq sièges étaient bien remportés par QS on pourrait se retrouver avec cinq députés et une députée, alors même que le parti a été fondé par la fusion d’un parti de gauche et d’une grande plateforme féministe, qu’il défend l’inscription de la parité dans la loi et qu’il présente Manon Massé comme cheffe!
Manon avait répondu avec sincérité que le problème était là, mais que le choix démocratique des militants ne pouvait pas être balayé d’un revers de la main. Depuis, Ruba Ghazal a été investie dans Mercier, mais une nouvelle circonscription gagnable, Rosemont, a été attribuée à un homme (le candidat vedette Vincent Marissal), laissant imaginer un possible caucus aux deux tiers masculins. Il y a bien une très belle candidature féminine dans Taschereau (Catherine Dorion), mais si la course est serrée, QS ne part quand même pas favori.
Il est certain qu’il est plus facile d’assurer la parité d’autorité, c’est ce qui explique que la CAQ, pourtant assez conservatrice, y arrive. François Legault choisissant les candidats dans son bureau, il peut veiller à cet équilibre et a ainsi rattrapé le retard de la CAQ en la matière. Il est cependant possible d’allier parité sur les candidatures gagnables et démocratie interne.
C’est une des bonnes choses que j’ai pu observer dans mon parti, les verts français: dans les investitures, femmes et hommes sont dans deux collèges séparés et les sièges identifiés comme gagnables voient leurs militants investir un homme et une femme. C’est ensuite que le Conseil national tranche entre les deux, afin d’assurer également une parité des élus. Europe Écologie – Les Verts est un petit parti, qui a peu de députés, il n’empêche qu’en 2012 quand il obtint un groupe parlementaire pour la première fois, il était strictement paritaire avec neuf femmes et neuf hommes.
Cela ne l’a pas empêché d’exploser par la suite pour des questions de carriérisme bien désolantes, sept membres allant contre la volonté des militants en soutenant le Parti socialiste et le gouvernement Valls (certains passant ensuite au parti de Macron, le tout en deux ans). On notera cependant que ces dissidents déloyaux n’étaient, eux, pas paritaires, puisque cinq des sept étaient des hommes…