Entretien avec Alexandre Boulerice, député NPD de Rosemont – La Petite-Patrie

D’abord journaliste syndiqué, Alexandre Boulerice devient rapidement employé du Syndicat Canadien de la Fonction Publique, où il élaborera les stratégies de communication durant neuf ans. Militant néodémocrate depuis les années 90, il est élu député de Rosemont-La Petite-Patrie en 2011 lors de la vague orange. Construit idéologiquement, habitué à la joute orale, il prend rapidement des fonctions au sein du Caucus : d’abord porte-parole de l’opposition officielle pour le Conseil du trésor, il est aujourd’hui porte-parole en matière de Travail, en matière d’Éthique et pour le dossier Postes Canada.

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Lors d’une manifestation de soutien à Radio-Canada

Pour débuter, pouvez-vous revenir sur l’origine de vos engagements dans le syndicalisme et au NPD avant d’être député ? Vous avez déjà été candidat dans les années 90, ça remonte à loin…

J’ai toujours été sensible aux questions de justice sociale et de redistribution de la richesse. Je crois profondément que tout être humain devrait vivre dans la dignité. Cela a toujours influencé mon implication qu’elle soit syndicale ou politique. En effet, après avoir été représentant des journalistes pour notre syndicat local, j’ai découvert le monde des travailleurs non-syndiqués avec l’Union des travailleurs et des travailleuses de Montréal, d’où mon envie de participer à l’élaboration d’un bon filet social et d’un marché de l’emploi qui garantit des conditions décentes de travail. Cela m’a d’abord conduit à mon engagement au SCFP puis à la politique, pour qu’un réel changement se produise grâce au NPD.

Cette expérience vous a permis de prendre rapidement des responsabilités au sein du caucus. Pouvez-vous présenter des mesures fortes portées dans chacun de vos trois porte-parolats successifs (Conseil du Trésor, Éthique, Travail) ?

En ce qui concerne le Conseil du Trésor, j’ai dénoncé les coupures massives dans les services publics et les pertes d’emplois.

Au niveau de l’Éthique, le NPD a dévoilé et questionné les scandales des dépenses du G-20 détournées ainsi que les scandales des sénateurs conservateurs et du chef de cabinet du Premier Ministre, Nigel Wright.

Enfin étant porte-parole du NPD pour le Travail et porte-parole adjoint en matière d’éthique, nous avons lutté contre les projets de lois 377 et également déposé un projet de loi pour que, sous la juridiction fédérale, les travailleuses aient accès aux programmes provinciaux de retrait préventif de la femme enceinte.

Vous vous êtes particulièrement fait entendre sur la question des postes, où le NPD mène une lutte acharnée depuis le début du projet conservateur. Pouvez-vous rappeler à notre lectorat en quoi ce combat est crucial et ce que propose votre parti pour assurer la modernisation des postes sans attaquer le service public ?

La fin unilatérale de la livraison à domicile n’est pas justifiée financièrement et va heurter de plein de fouet les personnes âgées et les personnes handicapées. Les gens tiennent à ce service postal chez eux, nous avons les moyens de le préserver et il n’y a aucune raison d’être le seul pays du G7 à être incapable de livrer le courrier chez les gens. En plus, c’est 800 bons emplois qui risquent de disparaître.

Le combat continue puisque nous recevons tous les jours des pétitions de mécontentement de la position prise par les conservateurs sur le dossier de Postes Canada. Le NPD a d’ailleurs annoncé le 21 mai 2015 qu’il s’engage à remettre en place ce service après son élection.

On vous a également beaucoup entendu sur lors de la Guerre de Gaza de 2014, vous avez marqué largement votre solidarité, parfois plus que votre leader. Quelle position voudriez-vous voir prise par le Canada dans le conflit israélo-palestinien ?

Nous voulons une résolution de ce conflit où les peuples palestiniens et israéliens pourront vivre en paix et en sécurité. Nous favorisons des négociations, la fin des colonies illégales et la création d’un État palestinien basé sur les frontières de 1967. En effet, les deux États doivent être viables afin d’avoir une sécurité à long terme d’où la nécessité de les aider à négocier un réel processus de paix pour régler cette situation de crise durable.

Votre statut de membre de l’opposition vous empêche de pouvoir faire passer beaucoup de lois, il y a cependant un long travail de commission et, parfois, des compromis. Pouvez-vous citer deux exemples de projets que vous avez portés et qui vous tenaient particulièrement à cœur, qu’ils aient échoué ou aient été adopté ?

Comme vous l’indiquez, le fait d’être dans l’opposition permet surtout de montrer notre désaccord envers les mesures injustifiées que prennent les Conservateurs. Toutefois, nous avons réussi à faire adopter un projet de loi rendant obligatoire le bilinguisme pour les « agents du parlement » dont les Commissaires. C’était une grande victoire pour la place du français à Ottawa. En outre, nous avons aussi amendé le projet de loi 525 en écartant les pires règles prévues au départ, notamment pour compter les votes lors d’un processus de syndicalisation. Cependant, mon projet de loi sur le retrait préventif des femmes enceintes a été battu par les conservateurs et les libéraux.

Comme de nombreux députés néodémocrates votre élection a été une surprise. Quel est votre regard sur ces 4 ans de mandat inattendu, n’avez-vous jamais regretté votre vie d’avant et quelles mesures souhaiteriez-vous particulièrement porter si vous êtes réélu en 2015 ?

Ouf ! Oui!  Bien-sûr que l’on peut parfois regretter car la vie familiale souffre avec le travail de député. En effet, cette fonction n’avait pas été pensée au départ pour des parents avec des jeunes enfants. C’est pourquoi je considère que c’est la partie la plus difficile et ingrate de ce travail prenant, qui est par ailleurs formidable. Ainsi, j’apprécie de pouvoir représenté au mieux les gens de ma circonscription ainsi que de me faire le porte-parole d’enjeux si importants !

Si l’on gagne en 2015 ? Mes priorités sont une hausse des impôts des grandes compagnies, un service de garde public universel, le rétablissement d’un salaire minimum, la bonification des pensions et la fin de l’imposition des boites postales communautaires.

Entretien réalisé par courriel
entre avril et juin 2015

Pour aller plus loin
Site officiel

Crédit photos : Site officiel du député.

PKP : Fin du « suspens »… et après ?

Après des mois de campagne dont les seuls points saillants ont été le retrait de trois candidats pour des raisons diverses, Pierre-Karl Péladeau est donc devenu chef du Parti Québécois hier. Avec 57,58% et une forte participation, sa légitimité est totale. Même si ses équipe visaient au départ de la campagne un score au delà des 70%, son résultat est conforme aux attentes des derniers sondages qui, cette fois, ont été globalement fiables pour tout le monde (29,21% pour Cloutier et 13,21% pour Ouellet).

Maintenant que le PQ s’est doté d’un chef, quel avenir ? Quelles perspectives ? Je suis de ceux qui ne comprennent pas que la clinquant médiatique d’un PKP ai pu à ce point emballer un PQ à la recherche d’un sauveur suprême. De fait, faute de passé politique, les seuls faits d’armes du nouveau leader sont à charge : patron voyou responsable d’un lock-out historique, dons financiers au Parti Libéral et à l’ADQ1, gaffes multiples quasiment à chaque expression publique… Mais PKP a levé le poing, parlé d’indépendance (tout en conservant un flou total sur le processus) et emballé les foules.

Je ne crois pas une minute aux envolées sociales démocrates du nouveau leader – les promesses n’engageant que ceux qui les croient -, son accession à la tête du PQ sonne la rupture définitive avec ce qui fut le parti de l’a-priori positif aux travailleurs et est d’abord la victoire des médias de masse. Mais curieusement, contrairement à beaucoup d’observateurs horrifiés, cela me semble plutôt une bonne nouvelle.

Pas une bonne nouvelle pour la pensée politique, définitivement battue par le bling bling, mais pour le spectre politique, en ce qu’elle clarifie les choses. Il y a désormais un PQ clairement de droite et de centre-droit, lorgnant sur la CAQ et son électorat, qui agitera la « crédibilité économique » et la question identitaire comme axes centraux. Très bien, c’était déjà ce qu’avait fait le gouvernement Marois dans les faits, dans la droite ligne de la gouvernance libérale de Lucien Bouchard, sauf que tout ça ne s’actait pas, on trouvait encore des gens sincèrement progressistes au PQ, un peu comme on en trouve encore au sein du Parti Socialiste Français….

Beaucoup on imaginé que la victoire de PKP effrayait Québec Solidaire et que c’est pour ça que le parti attaquait le magnat de la presse. Sauf que les études d’opinions montrent bien que ce n’est pas du tout sur les solidaires que le PQ-libéral rogne en majorité, la gauche aurait même tendance à en profiter. Il faut alors admettre que c’est simplement deux visions du monde qui s’affrontent, entre une gouvernance-Québécor marqué par l’autoritarisme (que l’on retrouve en politique contre ses concurrents ou les journalistes) et une vision globalisante et inclusive de l’indépendance, pensant aussi bien en terme de mieux-être social que d’environnement ou de redistribution.

À cet effet, si le choix des péquistes m’attriste il ne me surprend pas et à le mérite de poser les choses. Aux prochaines élections, dans trois ans, on verra si la bulle PKP s’est dégonflée (comme tant d’autres avant elle) ou s’il aura réussi à surprendre et gagner une crédibilité à ce jour absente. En tous les cas les projets s’affronteront clairement et sans confusion possible ce qui, malgré un scrutin vicié, c’est toujours une bonne chose.

On me criera qu’il s’agit encore de division du vote indépendantiste, je suis très sceptique à ce sujet. Si demain PKP arrive au pouvoir et veut faire l’indépendance, deux choses hypothétiques, il trouvera nécessairement tous les indépendantistes derrière lui, de gauche comme de droite, de la même manière que les indépendantistes républicains écossais ont soutenu l’indépendance monarchiste du SNP.

Pour le reste, heureusement, être indépendantiste ne veut pas dire uniforme et il reste des gens pour croire que l’indépendance est aussi (avant tout ?) celle montrée face aux lobbies, aux minières, aux puissances financières… sans lesquels elle ne restera qu’une incantation creuse et sans fondement.

1. Ses défenseurs mettent en avant qu’il donnait aux « trois partis » par principe de neutralité. Outre qu’il n’y a pas que trois partis, cela montre bien l’image qu’à de la politique un entrepreneur trouvant nécessaire de financer tout potentiel parti de pouvoir « au cas où »... Ce qui n'a rien de rassurant !
2. Sur ce sujet lire l’excellent billet de Sébastien Sinclair « Passer l’arme à droite ».

Crédit image : wikimédia