PKP : Fin du « suspens »… et après ?

Après des mois de campagne dont les seuls points saillants ont été le retrait de trois candidats pour des raisons diverses, Pierre-Karl Péladeau est donc devenu chef du Parti Québécois hier. Avec 57,58% et une forte participation, sa légitimité est totale. Même si ses équipe visaient au départ de la campagne un score au delà des 70%, son résultat est conforme aux attentes des derniers sondages qui, cette fois, ont été globalement fiables pour tout le monde (29,21% pour Cloutier et 13,21% pour Ouellet).

Maintenant que le PQ s’est doté d’un chef, quel avenir ? Quelles perspectives ? Je suis de ceux qui ne comprennent pas que la clinquant médiatique d’un PKP ai pu à ce point emballer un PQ à la recherche d’un sauveur suprême. De fait, faute de passé politique, les seuls faits d’armes du nouveau leader sont à charge : patron voyou responsable d’un lock-out historique, dons financiers au Parti Libéral et à l’ADQ1, gaffes multiples quasiment à chaque expression publique… Mais PKP a levé le poing, parlé d’indépendance (tout en conservant un flou total sur le processus) et emballé les foules.

Je ne crois pas une minute aux envolées sociales démocrates du nouveau leader – les promesses n’engageant que ceux qui les croient -, son accession à la tête du PQ sonne la rupture définitive avec ce qui fut le parti de l’a-priori positif aux travailleurs et est d’abord la victoire des médias de masse. Mais curieusement, contrairement à beaucoup d’observateurs horrifiés, cela me semble plutôt une bonne nouvelle.

Pas une bonne nouvelle pour la pensée politique, définitivement battue par le bling bling, mais pour le spectre politique, en ce qu’elle clarifie les choses. Il y a désormais un PQ clairement de droite et de centre-droit, lorgnant sur la CAQ et son électorat, qui agitera la « crédibilité économique » et la question identitaire comme axes centraux. Très bien, c’était déjà ce qu’avait fait le gouvernement Marois dans les faits, dans la droite ligne de la gouvernance libérale de Lucien Bouchard, sauf que tout ça ne s’actait pas, on trouvait encore des gens sincèrement progressistes au PQ, un peu comme on en trouve encore au sein du Parti Socialiste Français….

Beaucoup on imaginé que la victoire de PKP effrayait Québec Solidaire et que c’est pour ça que le parti attaquait le magnat de la presse. Sauf que les études d’opinions montrent bien que ce n’est pas du tout sur les solidaires que le PQ-libéral rogne en majorité, la gauche aurait même tendance à en profiter. Il faut alors admettre que c’est simplement deux visions du monde qui s’affrontent, entre une gouvernance-Québécor marqué par l’autoritarisme (que l’on retrouve en politique contre ses concurrents ou les journalistes) et une vision globalisante et inclusive de l’indépendance, pensant aussi bien en terme de mieux-être social que d’environnement ou de redistribution.

À cet effet, si le choix des péquistes m’attriste il ne me surprend pas et à le mérite de poser les choses. Aux prochaines élections, dans trois ans, on verra si la bulle PKP s’est dégonflée (comme tant d’autres avant elle) ou s’il aura réussi à surprendre et gagner une crédibilité à ce jour absente. En tous les cas les projets s’affronteront clairement et sans confusion possible ce qui, malgré un scrutin vicié, c’est toujours une bonne chose.

On me criera qu’il s’agit encore de division du vote indépendantiste, je suis très sceptique à ce sujet. Si demain PKP arrive au pouvoir et veut faire l’indépendance, deux choses hypothétiques, il trouvera nécessairement tous les indépendantistes derrière lui, de gauche comme de droite, de la même manière que les indépendantistes républicains écossais ont soutenu l’indépendance monarchiste du SNP.

Pour le reste, heureusement, être indépendantiste ne veut pas dire uniforme et il reste des gens pour croire que l’indépendance est aussi (avant tout ?) celle montrée face aux lobbies, aux minières, aux puissances financières… sans lesquels elle ne restera qu’une incantation creuse et sans fondement.

1. Ses défenseurs mettent en avant qu’il donnait aux « trois partis » par principe de neutralité. Outre qu’il n’y a pas que trois partis, cela montre bien l’image qu’à de la politique un entrepreneur trouvant nécessaire de financer tout potentiel parti de pouvoir « au cas où »... Ce qui n'a rien de rassurant !
2. Sur ce sujet lire l’excellent billet de Sébastien Sinclair « Passer l’arme à droite ».

Crédit image : wikimédia

Entretien avec Pierre Céré, candidat à la chefferie du PQ

Pierre Céré est avant tout un militant associatif et syndical, particulièrement actif dans la défense des précaires. Coordonnateur du Comité Chômage de Montréal depuis 1997 et porte-parole du Conseil National des Chômeurs et Chômeuses, il a fait le saut en politique pour le Parti Québécois dans Laurier-Dorion en 2014. Sèchement battu, il n’a pas renoncé, a repris son bâton de pèlerin et s’est porté candidat à la chefferie du PQ, défendant un indépendantisme social et inclusif.

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Vous êtes actif dans le milieu communautaire depuis des années, particulièrement auprès des chômeurs dont vous défendez les droits au niveau local et provincial depuis plus de vingt ans. Comment vous êtes vous retrouvé à travailler pour cette population souvent rejetée à la marge ?

En fait, je suis actif dans les mouvements de chômeurs depuis 1979 quand, avec d’autres camarades, nous avons créé le Regroupement des chômeurs et chômeuses de l’Abitibi-Témiscamingue, une région du nord du Québec. Ce sont les circonstances qui m’ont amené là. L’Abitibi est une région minière où le chômage a toujours été très élevé. J’étais déjà actif dans les milieux militants, il y avait ce besoin de créer une organisation de défense des droits des travailleurs en chômage. Nous l’avons fait. Mes appartenances sont là, elles sont toujours demeurées là, avec les travailleurs et les travailleuses, avec leurs problèmes, à défendre leurs droits.

Vous êtes entré en politique lors des élections de 2014, présenté comme un candidat vedette par le Parti Québécois. Comment se lance-t-on en politique quand on est issu du milieu communautaire, n’y avez-vous pas vu un risque ? Comment cette candidature a-t-elle été accueillie par vos collègues, votre environnement et, de l’autre côté, comment vous êtes-vous senti dans l’arène médiatique avec cette autre casquette ?

J’ai acquis cette conviction, au fil des années, que la société que nous avons bâtie au Québec, au cours des dernières décennies, est une société qui vaut la peine que l’on se batte pour elle. On parle du modèle québécois comme d’un modèle de développement économique et social qui nous est propre et qui est fondé en quelque sorte sur la solidarité et le partage d’une partie de la richesse créée. C’est ce qui explique ces outils de développement économique décentralisées et de proximité, réunissant les différentes forces qui animent la société (patrons, syndicats, mouvements sociaux, coopératives, etc.), accordant un rôle accru à l’État; c’est ce qui explique aussi bon nombre de programmes sociaux qui sont propres au Québec, et qui n’ont parfois aucun équivalent dans le reste de l’Amérique. De façon globale, on peut même dire que le Québec a mis en place son propre modèle de développement, souvent à contrecourant du modèle dominant en Amérique du Nord.

En ce moment, avec le nouveau gouvernement élu au printemps dernier, nous avons affaire à une véritable entreprise de démolition de ces acquis. Ce gouvernement, celui du Parti libéral du Québec, dirigé par Philippe Couillard, manifeste une réelle détermination de s’inscrire dans les grands courants conservateurs cherchant à réduire la taille et la portée de l’État.

Est-ce que j’ai vu un risque à me lancer en politique ? Non. Qui n’ose pas, ne risque pas, qui s’enferme dans une certaine routine, se contentant d’un rôle défini et arrêté, participe peu aux changements. La politique devient le prolongement de notre action. Pourquoi laisser la politique aux professionnels de la politique, aux carriéristes et autres « arrangeurs » ? Un célèbre syndicaliste disait que si tu ne t’occupes pas de la politique, c’est elle qui va s’occuper de toi.

Comment ma candidature a-t-elle été accueillie? Par mes collègues d’organisation, très bien. Ils comprenaient le sens de mon engagement. Par d’autres milieux sociaux, portés par d’autres visions politiques? Avec respect je crois. Comment me suis-je senti dans l’arène médiatique avec cette autre casquette? À l’aise, et sans langue de bois.

Avec 15,93% dans Laurier-Dorion, vous êtes largement battu, devancé par le sortant libéral  Gerry Sklavounos (46,19%) et le solidaire Andrés Fontecilla (27,69%). Plusieurs mois après cette défaite, quel regard portez vous sur votre campagne et que feriez-vous différemment ?

Je demeure très fier de la campagne que nous avons menée, des gens qui se sont regroupées autour de ma candidature, du travail que nous avons fait sur le terrain. Il me serait difficile de faire les choses autrement, sinon peut-être de chercher à mieux nous organiser structurellement dès le départ. Sinon, nous avons été emportés par une forte mobilisation de la peur, celle d’un possible référendum sur la souveraineté du Québec, et celle aussi, qui a joué un rôle déterminant dans nos résultats, du projet de charte de laïcité.

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Avec un tel résultat, on aurait pu penser que vous seriez retourné au militantisme, dégoûté de l’action politique. Vous avez pourtant décidé de vous lancer dans la difficile course à la chefferie du Parti Québécois, alors que les candidats ne manquent pas. Quelles raisons principales vous ont poussé à vous engager dans l’arène politique? Par ailleurs, les conditions d’inscription ont évolué mais restent complexes, notamment financièrement; à ce jour pouvez-vous effectivement vous présenter ?

Je suis retourné au militantisme ! J’ai repris mes activités au Comité Chômage de Montréal ainsi qu’au Conseil national des chômeurs (CNC).

Ma candidature à la chefferie s’explique surtout par le fait qu’un groupe de militants et de militantes s’est réuni autour de moi avec cette ferme intention de participer au débat des idées qui animerait le Parti québécois. Et il est devenu clair, au fil des semaines, que participer à ce débat impliquait nécessairement de présenter ma candidature à la direction du Parti québécois. Nous avons réfléchi, écrit, débattu et bâti littéralement nos idées et nos propositions. C’est devenu notre programme. Il est progressiste, il est de justice sociale, il s’inscrit dans ce grand modèle que nous appelons le « modèle québécois ». Nous sommes audacieux, refusons la vieille (comme la petite) politique et croyons que le Parti québécois pour mieux se reconstruire doit impérativement se redéployer dans le mouvement social, se reconnecter sur la population, sur la jeunesse, sur les idées émergentes, finalement sur ce que le Québec est devenu et ce qu’il sera demain.

Notre programme est en ligne : www.pierrecere.org

Les conditions menant à la validation du statut de « candidat » ne sont pas simples. Il nous faut recueillir 2000 signatures en provenance d’au moins 50 circonscriptions et 9 régions du Québec, avec chacune au moins 10 signatures. Cela, sans compter un premier dépôt 10 000$ qui doit être versé avec les signatures au plus tard le 30 janvier.

Je le répète : nous n’avons ni fortune, ni personnel salarié. Nous fonctionnons à l’énergie de l’espoir. Et ça marche ! Nous sommes partout et maintenant confiants d’atteindre la barre des signatures. Pour l’argent, nous lancerons bientôt une campagne citoyenne, 100%, c’est-à-dire 100 personnes donnant chacune 100 $.

Vous êtes un candidat  « surprise » mais vous avez été l’un des premiers à sortir un programme détaillé. Vous y développez une vision d’un Parti Québécois inclusif et socialement juste, ce qui peut paraître s’opposer à la gouvernance passée. Comment jugez-vous la gestion de la Charte des valeurs et de la laïcité, vous qui aviez dénoncé dès 2007 une dérive identitaire du PQ ?

Il est vrai de dire que je suis un candidat « surprise », et je l’assume. Je ne suis pas député, je n’ai jamais fait de la « politique professionnelle ». Je viens des milieux sociaux et je me fais un point d’honneur de rappeler que je viens d’un milieu ouvrier et que mes appartenances sont toujours restées là.

Le projet de société que nous avançons en est un de justice sociale et d’inclusion. C’est aussi un projet indépendantiste qui se conjugue à la diversité culturelle.

Par ailleurs, il est vrai que nous portons un regard très dur sur cette stratégie identitaire qui a animé le Parti québécois depuis 2007. Cette stratégie visait à récupérer à la droite (Action démocratique du Québec) le sentiment identitaire. En faisant du « nous » et du « eux », on a fini par créer ce clivage avec les communautés immigrantes, leur faisant porter le poids d’une menace : celle de notre survie, celle du projet de pays, celle du fanatisme religieux.

Au lieu de travailler à transformer, là où il le faut, nos institutions, nous avons ostracisé. Au lieu de rassembler, nous avons divisé. Le projet de charte de la laïcité aurait pu avoir une approche rassembleuse, on a fait le contraire. Le problème n’était pas d’avancer avec un projet de laïcisation de l’ensemble des institutions d’État, d’établir des balises, mais plutôt dans la forme, dans la façon.

Le Parti Libéral du Québec élabore en ce moment une énorme casse sociale, cependant l’ère Bouchard, puis le mandat de Pauline Marois, ont semblé s’opposer parfois au « principe favorable aux travailleurs » de René Lévesque. D’abord progressiste, on sent aujourd’hui une grande tentation au PQ de séduire les électeurs de la CAQ, partisans de coupes sociales et de l’austérité. Vous vous posez en garant de la justice sociale, que répondez-vous à ceux qui vous disent qu’elle coûte trop cher ou qu’elle est inefficace et comment envisagez vous la redistribution des richesses dans un Québec où vous seriez Premier Ministre ?

Le Parti québécois demeure un parti fondé sur le projet de faire du Québec, un jour, un pays. Il regroupe, sur cette base, des sensibilités plus à gauche, d’autres plus à droite. Il est vrai qu’à l’intérieur du PQ, un courant aimerait un rapprochement avec la CAQ, et donc un alignement marqué à droite. Cela fait partie des tensions normales qui animent un parti politique comme le PQ. Briser l’équilibre existant lui serait fort dommageable.

La redistribution de la richesse, à tout le moins d’une partie de la richesse créée, les instruments économiques et les programmes sociaux que nous avons mis en place comme société demeurent les grands piliers de notre développement. Je poursuivrais clairement dans cette direction : une économie bâtie pour la population, pour ses besoins, construite dans un modèle de développement durable, l’amélioration des conditions de vie. Des propositions comme les « quatre semaines de vacances obligatoires » seraient mises en chantier, d’autres aussi (voir notre programme). Nous nous engagerions de façon très marquée dans une phase de transition visant à nous départir du pétrole, en accélérant le pas pour l’électrification de nos transports. Il y a beaucoup à faire, de nombreux chantiers à mettre en place. Nous formerions un fabuleux gouvernement !

Aux oiseaux du malheur qui nous prédisent toujours les pires cataclysmes, aux idéologues qui préfèrent une réduction de la taille de l’État plutôt qu’un État fort au service de sa population, à ceux qui nous proposent « d’avancer par en arrière », je leur dis : « nous connaissons vos histoires, nous connaissons vos recettes, elles sont sornettes pour l’une et indigestes pour l’autre ».

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Pour ce qui est de l’indépendance, vous proposez de d’abord tenter de négocier un nouveau partenariat avec le Canada, pour plus de dévolution (notamment fiscale), avant de lancer un référendum en cas de refus. N’avez-vous pas peur d’effrayer les plus « pressés », d’autant que rien n’indique que le futur premier-ministre canadien souhaite donner une quelconque autonomie supplémentaire au Québec ?

Notre proposition se résume à l’idée suivante : Souveraineté-association ou Indépendance !

En 1980, nous avons cherché par voie référendaire le mandat de négocier une nouvelle entente fondée sur l’égalité de nos deux peuples (Québec-Canada), par laquelle le Québec devenait le seul responsable de percevoir les impôts et les taxes sur son territoire, acquérant le pouvoir exclusif de faire ses lois et d’établir ses relations extérieures. Nous partons de là, allant chercher ce mandat dans le cadre d’une élection plutôt que par voie référendaire, en d’autres mots, nous éliminons une étape. Une fois élus, nous ouvrons cette négociation à deux, d’égal à égal, de nation à nation. Deux chaises, celle du Québec, celle du Canada. Nous ne négocions pas avec l’ensemble des provinces, comme ce fut le cas lors de l’Accord du lac Meech. Seulement avec Ottawa. L’objectif étant d’en arriver à une entente établissant notre souveraineté dans un cadre associatif. Est-ce que la classe politique à Ottawa aurait suffisamment évolué pour exprimer cette ouverture et mettre en place ce nouveau pacte entre nos deux peuples ? Nous verrions bien.

Mais à défaut de négociation, ou d’en arriver à si peu, devant une possible mauvaise foi, nous fermerons cette avenue après une période d’une année, et engagerons tous nos efforts, toute notre créativité, dans une mobilisation totale vers un référendum appelant à notre indépendance. La question serait simple : « Voulez-vous que le Québec devienne un pays? » Faudrait-il ajouter à pays, le qualificatif « indépendant » ou « souverain » ou tout simplement s’arrêter à « pays » ? Nos militants trancheront !

Notre proposition est claire, notre stratégie se déploiera à visage découvert, au vu et au su de notre population. Nos idées seront exprimées, le chemin que nous voulons prendre sera indiqué. Nous sommes en mode solution et nous comptons arriver à bon port au cours du premier mandat suivant notre élection.

Dans votre programme vous liez fondamentalement emploi et environnement, alors qu’on les oppose souvent. Alors que l’on parle de plus en plus de privatisation de l’électricité et que le gouvernement péquiste de Pauline Marois avait autorisé l’exploration du pétrole de schiste dans l’île d’Anticosti, quelle est votre position sur ces débats ? Et qu’elle vous semble la priorité en terme de protection de l’environnement ?

L’ensemble de nos sociétés se retrouve au même carrefour, et il nous faut choisir : poursuivre ce même développement économique, en bout de ligne irresponsable et assassin de notre environnement et de notre qualité de vie, ou chercher des alternatives qui s’inscrivent dans un développement durable. Le Québec doit de façon solennelle et irrémédiable s’engager dans une phase transitoire pour se départir des énergies fossiles, et poser des gestes concrets, et importants, dans cette direction. Cela implique de mettre en place les structures de recherche, les mécanismes, l’industrie pour assurer à terme que notre transport, l’ensemble de nos moyens de transport, soient électrifiés. En même temps, sachons que cette transition se fera sur plusieurs décennies (trois, quatre, plus ?).

Pendant cette période, si nous continuons d’utiliser du pétrole et autres énergies fossiles, il nous faudra néanmoins en consommer toujours moins. Il faudra tout de même faire des choix : nous le prendrons où ce pétrole au cours de cette transition ? De l’Algérie ? Du Kazakhstan ? Celui des sables bitumineux de l’Ouest canadien ? Pourrions-nous envisager exploiter un pétrole québécois ? Encore faudrait-il connaître ses qualités, ses quantités, la qualité du sol, les impacts environnementaux et ceux possiblement sur la population, les méthodes d’extraction, etc. Et, surtout, ne jamais improviser sur ces questions. Jamais.

Enfin, ce dernier espace vous est laissé libre afin de développer une mesure phare sur laquelle vous n’avez pas été interrogé et que vous aimeriez développer.

La jeunesse québécoise du printemps 2012 a lancé un immense cri sur l’état de notre démocratie, sur nos pratiques. Elle a questionné les frontières peut-être trop étroites de cette démocratie, questionné nos pratiques, les formes de leadership. Il est de toute première importance de lancer un vaste chantier cherchant une refondation de notre culture et de nos mœurs politiques. En la matière, comme en d’autres, nous avons besoin d’une véritable révolution. Le Québec sait les faire « tranquilles » et à la fois systémiques. Allons-y !

Entretien réalisé par courriel 
en novembre 2014

Pour aller plus loin
Site officiel
Tribune : « Ce que le PQ pourrait être »

Crédit photos : Pierre Céré par Dominic Morissette, site officiel du candidat.

Solidaire de toutes les nations sans état, j’ai fait mon choix pour le Bloc

Après avoir interviewé les deux candidats à la course à la chefferie du Bloc Québécois, il était désormais de mon devoir d’adhérent du parti (et oui) de faire mon choix. J’ai soupesé leurs réponses, mais aussi beaucoup regardé et lu leurs autres interventions, cherchés quelles étaient leurs priorités pour le parti comme pour le Québec. Vous trouverez ci-après une tribune publiée parallèlement sur le Huffington Post Québec expliquant mon choix.

Cela fait des années que je m’intéresse au Québec, d’abord en tant que critique de bande dessinée, puis comme visiteur acharné, et enfin comme analyste politique sur un blog dédié. C’est un peu étrange, sans doute, de voir un français prendre part au débat politique québécois, mais je le fais en camarade et non en colon. Quand j’ai choisi de rejoindre Québec Solidaire en 2008 c’était pour soutenir un projet global – mettant à égalité social, écologie et indépendance – pour un Pays que je rêve de voir exister, quand bien même je n’y résiderai pas. Je voulais aider un petit parti qui n’avait alors qu’un député, et je ne le regrette pas.

J’ai pris ma carte au Bloc plus tardivement, parce que je voyais mal l’utilité de députés fédéraux indépendantistes, parce que l’attitude méprisante du parti envers d’autres formations que le PQ me déplaisait. Aussi parce que le parti était ultra-dominant, et n’avait pas besoin de moi. En 2011 la sonnette d’alarme a été tirée, la sévère défaite du Bloc – pour tout un tas de raisons déjà bien analysées – m’a poussé à m’y intéresser, jusqu’à rejoindre le parti en 2013. Car quand on se penche sur les travaux des députés bloquistes on voit l’importance qu’ils ont eu pour le Québec, on voit le sérieux de leur travail, leur volonté progressiste, et que la violence du rejet était assez injuste. J’avais donc envie de soutenir ce Bloc là.

La course à la chefferie créé par la démission surprise a longtemps failli ne pas avoir lieu. André Bellavance, ultra-favoris, voyait ses concurrents potentiels se désister et semblait courir droit vers le poste. Ses qualités sont indéniables et il les prouve chaque jour, à l’Assemblée comme ailleurs. Mais après de nombreux événements douloureux – du départ de Mme Mourani au retour des libéraux après un an de péquisme –, le débat semble plus que jamais nécessaire. Pas un débat histoire de brasser de l’air, mais un vrai débat, stratégique, mettant en valeur les propositions du Bloc et certaines divergences qui existent en son sein. Accepter des opinions différentes à partir d’un corpus commun n’est pas un défaut, c’est signe de sanité démocratique, pas de division, et c’est ce qu’a offert la candidature de Mario Beaulieu.

Militant de longue date de la cause indépendantiste M. Beaulieu a expliqué s’être lancé dans la course pour éviter que le Bloc ne fasse la même erreur que le PQ : celui de la « bonne gouvernance ». Et ce ne sont pas des paroles en l’air, le risque est là, et l’on trouve d’étonnant parallèle à ce sujet entre le Québec et la France.

Au Québec le PQ a décidé depuis longtemps de ne pas porter haut l’indépendance, se cachant derrière une politique du petit pas, excluant avec frayeur tout référendum, préférant créer les conditions d’un pays. Pourquoi pas ? Mais outre que cela semble dire que les conditions ne sont pas là – or, elles y sont – , force est de constater que la recette de fonctionne pas. Élue sur la détestation de Jean Charest en 2012, Pauline Marois n’a pas réussi à transformer l’essai dans une campagne qui s’est transformée en jeu de massacre quand les candidats péquistes ont commencé à expliquer qu’ils voulaient un pays. Mais n’est-ce pas normal quand on est dans un parti indépendantistes ? Loin d’attirer les personnes réticentes quand à l’indépendance, cette position tiède ne fait qu’en repousser les militants.

On trouve un peu la même chose en France ou le Parti Socialiste s’est fait élire en 2012 sur un programme de lutte contre la finance et de réorientation de l’Europe, sans oublier là aussi une détestation du sortant. À peine élu le président Hollande enterra ses promesses, se posant en gestionnaire face aux marchés financiers, en solitaire de gauche dans une Europe de droite ne pouvant rien faire d’autres que de suivre une ligne libérale en acceptant du bout des doigts quelques réformes sociétales. Bref, en impuissant, en tiède. Le résultat ne s’est pas fait attendre : aux municipales les socialistes ont subit une défaite historique, pas tant que la droite ait progressé en voix, mais les électeurs de gauche ne voyaient pas pourquoi voter pour un parti menant la même politique que le précédent gouvernement, tandis que ceux de droite préféraient l’original à la copie.

La réponse d’Hollande à cette sanction du peuple de gauche fut de nommer premier ministre le plus à droite de ses cadres, accentuant encore ce fossé, confirmant la chute aux européennes ou le PS obtint le pire score de son histoire et le Front National, parti d’extrême droite xénophobe, se pavana en première place.

Quand j’entends M. Bellavance appeler les non-indépendantistes à voter pour le Bloc car c’est pour lui le meilleur moyen de servir le Québec je ressens le même non-sens. Alors que les électeurs ont sévèrement sanctionné le flou de madame Marois sur la question du référendum, André Bellavance prône la même stratégie. Mais nous connaissons son résultat : on ne peut qu’échouer en reniant son ADN.

Mario Beaulieu, alors que tous les sondages montrent un décrochage de l’option souverainiste, propose de remettre ce débat au cœur. « Hérésie ! » crient certains, mais c’est pourtant ce qui semble la seule solution logique. Si les partis indépendantistes renoncent à porter fièrement ce combat, qui pourra le faire ? Si l’option souverainiste baisse, n’est-ce pas justement parce que plus personne ne la porte fièrement, en expliquant pourquoi c’est non seulement possible, mais aussi souhaitable ? Mario Beaulieu propose d’investir sur l’avenir, en reprenant le grand travail de réflexion et de pédagogie sur le sujet. Il souhaite faire du Bloc le porte-voix des nombreuses initiatives citoyennes sur l’indépendance, fructueuses, riches, mais peu audibles. Il souhaite tout simplement mettre les moyens du parti au service de son but premier. Une évidence me direz-vous ? Je suis d’accord, mais ce n’est malheureusement pas ce que propose son adversaire.

C’est d’abord dans l’Imaginaire collectif qu’un pays s’impose, c’est en s’affirmant peuple qu’on le devient et ce n’est pas en cachant ses convictions qu’on peut les partager. J’ai décidé de soutenir Mario Beaulieu dans la course à la chefferie du Bloc Québécois parce que je veux pas voir le pays Québec disparaître des esprits, et que je veux revoir des citoyens de tous âges porter avec enthousiasme cet espoir. Français mais solidaire de toutes les nations sans état, en amour du Québec depuis des années, mon choix est fait pour que le Bloc et ses idées résonnent à nouveau.

Entretien avec André Bellavance, député de Richmond-Arthabaska, candidat à la chefferie du Bloc Québécois

Le premier déclaré des candidats à la chefferie du Bloc Québecois en est aussi l’un des rares élus. Journaliste de carrière, qu’il émaille de quelques postes de collaborateur parlementaire, il a principalement officié à la radio, notamment autours de Victoriaville. En 2004, il réussit à prendre des mains des conservateurs la circonscription de Richmond-Arthabaska. Député apprécié, il est réélu en 2006, en 2008 et est un des quatre survivant des élections de 2011.

Porte-parole du parti en matière d’agriculture et d’agroalimentaire et leader parlementaire depuis décembre 2011, il a rapidement annoncé ses ambitions lors de la démission de Daniel Paillé. Longtemps seul en lice, il mène campagne depuis des mois, a le soutien des trois autres parlementaires et fait figure de favoris. Premier à nous avoir répondu, nous publions donc son entretien avant celui de Mario Beaulieu, qui paraitra la semaine prochaine.

En 2011, le Bloc a subi sa plus sévère défaite. Comment avez-vous analysé cette défaite et avec quels objectifs souhaitez-vous aborder les élections de 2015 ?

Après l’élection de 2011, nous avons entamé une analyse sérieuse des résultats de la campagne électorale. Nous avons fait ce travail avec rigueur et sans complaisance. Cela nous a conduit à lancer un grand chantier de réflexion auprès de toutes les militantes et de tous les militants afin de redéfinir en profondeur ce qu’est le Bloc Québécois et ce à quoi nous aspirons. Cet exercice audacieux culminera les 23 et 24 mai prochain à Rimouski.

Quant à l’aspect plus technique, avant d’être contraint de quitter pour des raisons de santé, Daniel Paillé a fait un travail important pour moderniser l’organisation et nous donner les moyens d’atteindre notre objectif : montrer aux Québécoises et aux Québécois que seul le Bloc Québécois porte l’ensemble de leurs valeurs, l’ensemble de leurs aspirations et l’ensemble des consensus québécois.

Beaucoup d’électeurs ont de la sympathie pour le Bloc mais se questionnent sur l’utilité d’un parti fédéral qui ne peut pas avoir de majorité. Comment justifiez-vous le sens du Bloc ?

Le Bloc Québécois est le seul parti sur la scène fédérale qui a défendu, et qui défend encore, chacun des consensus de l’Assemblée nationale.

Au sein des partis fédéralistes, même quand l’Assemblée nationale parle d’une seule voix, il s’en trouve toujours pour dire qu’ils connaissent mieux ce qui est bon pour le Québec que le seul Parlement contrôlé par la nation québécoise !

Cependant, ce ne sont pas seulement les partis fédéralistes qui sont à la source du problème. C’est le système fédéral lui-même. Le fossé entre les intérêts du Québec et les intérêts du Canada s’élargit jusqu’à les rendre souvent inconciliables. Pourtant, aucun parti fédéraliste n’est prêt à permettre au Québec de faire ses propres choix, de prendre ses propres décisions.

Vous n’avez jusqu’ici jamais été candidat-e à la chefferie d’un parti, qu’est-ce qui vous a motivé à y aller cette fois-ci ? Et quels sont les axes majeurs de votre candidature ?

Mon ambition a d’abord été d’être un bon député.

Je me considère comme un joueur d’équipe. J’ai appuyé Gilles Duceppe, j’ai appuyé Daniel Paillé, et j’ai toujours cru sincèrement qu’ils étaient en mesure de faire avancer le Québec.

Mais comme dans toute équipe, il faut prendre ses responsabilités, ne pas reculer quand c’est à notre tour de prendre le leadership, quand ce sont nos forces et nos qualités qui sont requises. J’estime avoir la rigueur, l’écoute, l’humilité et la ténacité pour conduire le Bloc Québécois aux prochaines élections.

Dès le 22 avril, j’ai dévoilé les trois axes majeurs qui fondent ma candidature et qui découlent des nombreuses rencontres et discussions tenues avec les militantes et militants depuis les dernières élections fédérales. J’entends démontrer que ce ne sont pas seulement les partis fédéralistes qui sont à la source du problème, mais le système fédéral lui-même ; faire du Bloc Québécois une coalition au sein de laquelle les souverainistes et tous ceux et celles qui croient que le Québec mérite d’être respecté pourront contribuer et favoriser l’implication des élus du Bloc Québécois dans les débats qui touchent directement la population.

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Vous êtes élu depuis 2004, avez-été vice-président du caucus et êtes leader parlementaire, dans ce laps de temps quelle sont les projets de lois qui vous ont particulièrement tenus à cœur ? Pourriez-vous présenter des victoires législatives à nos lecteurs ?

Outre les batailles et les victoires du Bloc Québécois sur la reconnaissance de la nation, le déséquilibre fiscal, les commandites, la loi antigang et les mesures contre les fraudeurs, je suis particulièrement fier d’avoir fait adopter à l’unanimité une motion pour la protection de la gestion de l’offre qui empêche encore aujourd’hui le gouvernement de sacrifier les agriculteurs lors des négociations de libre-échange.

Je suis aussi très heureux d’avoir déposé un projet de loi visant à abolir la Loi sur la clarté qui octroi au gouvernement fédéral le dernier mot sur un référendum tenu au Québec. Même si le projet a été battu, cela a été l’occasion pour le Bloc Québécois d’accueillir un nouveau député, Claude Patry, et ça nous a permis de démontrer que tous les partis fédéralistes refusent à la nation québécoise le droit de choisir librement son avenir.

Vous avez-vécu la sévère défaite de 2011, l’exclusion de Mme Mourani, la démission de M. Paillé, la chute de Mme Marois et du PQ… Si vous êtes-élus à la chefferie du Bloc, quelles seront vos premières actions ?

Ce n’est pas parce que le chemin apparaît difficile qu’il est infranchissable, au contraire. Je suis prêt, dès le jour 1, à mettre les efforts qu’il faut pour redonner aux Québécoises et aux Québécois une alternative aux partis fédéralistes.

D’abord, je fais en sorte que le Bloc Québécois se rapproche encore davantage des Québécois, qu’il défende leurs intérêts dans tous les dossiers. Je m’assure que le Bloc Québécois se rebranche sur les préoccupations des citoyens.

Ensuite, je compte faire élire des députés pour qu’on se redonne la force du nombre, les moyens de nos ambitions et pour faire la différence pour les gens, en travaillant pour le Québec, au quotidien.

Parallèlement à notre travail de députés de tous les Québécois, je veux lancer l’idée d’une vaste réflexion sur l’avenir du Québec. Si je deviens chef du Bloc Québécois, je vais initier de nouveaux chantiers de réflexion sur l’avenir du Québec et la souveraineté en 2015.

 

Pour aller plus loin :
Site de campagne d’André Bellavance
Site officiel (hors-campagne) d’André Bellavance
Page facebook d’André Bellavance

Crédits photos : http://www.andrebellavance2014.com