Fondé en 2011 suite à la rupture du député Jean-Martin Aussant avec le Parti Québécois, Option nationale (ON) a pour volonté de rompre avec la « gouvernance souverainiste » pour remettre l’indépendance au cœur. Loin de se limiter à cette ligne, le parti adopte une ligne progressiste, accompagne les manifestations étudiantes, prend des engagements environnementaux… Lors des élections de 2012, Aussant échoue de peu à se faire réélire quand le parti obtient 1,89% au niveau provincial. L’année suivante, le chef démissionne pour se consacrer à sa famille, laissant ses troupes orphelines. Suite à une course à la chefferie, Sol Zanetti, enseignant en philosophie, a été élu pour lui succéder. Partisan d’un discours assumé, il incarne aussi une certaine jeunesse et une volonté débattre et de réfléchir qui a sans doute manqué ces derniers temps sur la scène partisane.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, pourriez-vous vous présenter, à travers votre parcours et ce qui vous a mené à rejoindre Option nationale, puis à candidater à sa chefferie ?
Je m’y suis impliqué parce que j’avais confiance en M. Aussant et en ceux qui l’entouraient. Ça faisait longtemps qu’on n’avait pas vu au Québec un homme politique mettre sa tête sur le billot pour l’indépendance. M. Aussant, en quittant la finance pour la vie de député, avait prouvé qu’il n’était pas là pour l’argent. En rompant avec le PQ qui se dérobait devant sa mission indépendantiste et en fondant un nouveau parti, il mettait son siège et sa carrière politique en jeu. L’engagement clair en faveur de l’indépendance, le discours intelligent et les positions audacieuses d’Option nationale en matière de progrès social et d’environnement m’ont enthousiasmé.
Avant de parler de fonds, parlons résultats électoraux. Malgré un enthousiasme réel (médiatique et militant) Option nationale a subi un rude échec en 2012 avec la défaite de M. Aussant. Le score, faible mais prometteur (1,89%) du parti a encore diminué en 2014 en tombant à 0,73%. Vous êtes connu pour une parole sincère, est-ce que ça a été une déception ? Quelle est votre analyse de ce scrutin ?
On ne s’attendait pas à avoir moins de 1 %, c’est clair. On a été déçus par la faible couverture médiatique de notre parti. Alors que durant la campagne 2012 nous n’avions eu que 1,5% du poids médiatique de la campagne, notre couverture est descendue à 0,21% durant la campagne de 2014. Suite au départ d’Aussant, tous les médias annonçaient notre disparition depuis un an et ça a laissé des traces dans la perception publique. Certains médias avaient pris la décision de ne pas nous couvrir. Ça a été dur, ça nous a mis à l’épreuve, mais ça a forgé notre persévérance. Le lendemain matin de l’élection, j’étais dans une école secondaire pour faire la promotion de l’indépendance devant 200 élèves. Option nationale, c’est comme Rocky Balboa, ça se relève toujours.
Vous êtes enseignant en philosophie, Option nationale a justement mis au cœur de son travail la réflexion sur l’indépendance et la pédagogie. Quel travail mettez-vous en place, où vous semble-t-il nécessaire, pour transmettre l’idéal d’indépendance ?
C’est assez simple. En démocratie, lorsqu’on veut augmenter les appuis à notre projet, on doit en faire la promotion. On doit rendre l’argumentaire accessible, s’adresser à l’intelligence des gens et être fier des idées pour lesquelles on se bat. Et il faut le faire même lorsque les sondages sont contre nous. Ça paraît peut-être évident, mais au Québec, ça faisait un moment que le mouvement indépendantiste dérivait. Il essayait de se faire élire pour d’autres raisons que celle qui devait être sa raison d’être, comme quelqu’un qui tente de plaire en se travestissant pour être plus populaire. Option nationale, c’est le début d’un retour aux sources pour tous les indépendantistes.
Option nationale est un mouvement jeune : parce qu’il a été fondé récemment, mais aussi parce que la moyenne d’âge des militants est très basse. Ce à tel point qu’on a vu le Bloc ou l’aile jeunesse du PQ dire vouloir s’inspirer de vos méthodes. Comment parler à cette jeunesse d’après-95, qui n’a jamais eu à choisir sur le sujet de son avenir ?
Il y a un jeune en chacun de nous. Pour le réveiller chez autrui, il faut soi-même faire preuve de courage. Il faut parler franchement, prendre des risques quand on s’adresse au public, prendre des risques lorsqu’on prend position, se mettre en jeu, montrer qu’on n’a pas peur de perdre. Il faut prendre le risque de l’authenticité. La prise de risque, c’est ce qui suscite la confiance du jeune qui parfois sommeille en chaque citoyen.
À mes yeux, une chose qui distingue Option nationale est sa grande ouverture au monde, à rebours des clichés présentant les indépendantistes comme des sectaires xénophobes. Pouvez-vous développer cette idée d’indépendance inclusive qui vous semble chère ?
Le Québec, à l’image de l’Amérique, a toujours été une terre d’accueil pour les immigrants. Nous sommes un peuple fortement métissé. Métissé avec les Autochtones, mais aussi avec les Irlandais, les Écossais, les Italiens, les Allemands, les Grecs, les Vietnamiens, les Haïtiens, les peuples du Maghreb, de l’Afrique, de l’Amérique du Sud, etc. Par exemple, 50% des Québécois ont du sang autochtone. C’est par la force de notre culture que nous parviendrons à faire en sorte que les enfants d’immigrants reconnaissent le Québec comme leur patrie et qu’ils veuillent participer à construire son histoire.
Cette ouverture au monde se manifeste notamment par une attention accrue à ce qui se passe en dehors des frontières du Québec, notamment au sein des mouvements indépendantistes européens (Catalogne & Écosse) ou récemment en Palestine…
Bien sûr, nous suivons de près les démarches de tous les peuples en lutte pour leur liberté. Les avancées de chacun sont pour nous un encouragement et une source d’espoir. Nos situations sont différentes, mais l’enjeu démocratique fondamental est le même : toutes les nations ont le droit d’avoir leur pays, de prendre elles-mêmes entièrement les décisions qui vont façonner leur avenir. C’est fondamental. Le nationalisme est souvent mal vu par la gauche des nations qui ont déjà leur État. Le nationalisme y est associé, souvent avec raison, à la droite conservatrice. Mais le nationalisme des résistants, de ceux qui se battent pour préserver leur différence et accéder à une plus grande démocratie, est au contraire très progressiste.
Option nationale s’affirme aussi comme progressiste. Au-delà de l’indépendance, vos positions sur l’éducation, l’économie ou l’environnement sont également en rupture avec le Parti québécois. Pourquoi ce besoin d’affirmer un axe politique au-delà de la seule indépendance ?
Nous sommes avant tout un parti de coalition, mais il faut tout de même proposer des projets de société emballant aux Québécois, des projets susceptibles de mobiliser les citoyens. Le programme d’Option nationale est centré sur l’intérêt national. Les mesures qui y sont proposées visent à la fois la prospérité et la protection de l’environnement, de la culture et de nos intérêts stratégiques. C’est un programme qui se défend bien du point de vue de l’intérêt collectif des Québécois. Bien sûr, il n’existe pas de programme qui parvienne à plaire à tout le monde. L’essentiel, c’est d’être clair sur notre objectif principal, qui est de faire un pays.
Vous vous êtes engagé, avec de nombreux militants d’Option nationale, dans la course à la chefferie du Bloc Québécois en soutenant activement Mario Beaulieu. À la surprise de nombreux cadres et journalistes, il a été élu. Pourquoi cet engagement à ses côtés et comment regardez-vous ses premiers mois de direction ?
Nous l’avons appuyé parce qu’il voulait faire du Bloc Québécois, qui est pourtant un parti fédéral, un véhicule de promotion de l’indépendance au Québec. Il incarnait cette volonté de retour aux sources qui anime le mouvement indépendantiste depuis quelques temps. J’ai été surpris de voir à quelle résistance il a dû faire face au sein même de son parti. Ça en dit long sur l’état du mouvement indépendantiste actuellement. Je pense qu’il est en voie de tenir ses promesses, ce qui est bon signe.
Depuis votre création, beaucoup soulignent des similitudes entre votre programme et celui de Québec Solidaire. S’il y a des différences, plusieurs initiatives ont eu lieu pour que les partis travaillent ensemble, il y a même eu des « pactes de non-agressions » ponctuels en 2012 (pas de candidat ON face à Mme David, pas de QS face à M. Aussant). Êtes-vous favorable, ou au moins ouvert, à des genre de « primaires d’indépendantistes » dans certaines circonscriptions ou la division du vote peut être fatale aux positions de la majorité des citoyens ?
Nous avons toujours été ouverts à la collaboration avec n’importe quel parti qui déciderait de prendre l’engagement clair de faire l’indépendance. C’est même inscrit dans nos statuts. Le problème c’est que le manque de confiance s’est installé profondément dans le mouvement indépendantiste depuis 1995 et les partis ont développé des stratégies complexes et tordues qui rendent hypothétique l’engagement à faire du Québec un pays. Lorsqu’ils sortiront de cette confusion, nous serons ravis de travailler avec eux.
Plus largement, le système électoral vous satisfait-il dans sa forme actuelle et que proposez-vous pour rapprocher le citoyen du politique, au-delà même de la question indépendantiste ?
Il est évident que notre mode de scrutin archaïque, non-proportionnel et hérité de la monarchie britannique favorise un bipartisme conservateur malsain. Il faut vite inclure une dimension de proportionnalité dans notre mode de scrutin. Cela favoriserait l’émergence d’idées nouvelles et aiderait en enrayer le cynisme ambiant. Pour ce qui est de revaloriser la politique, il n’y a pas de solution miracle, il faut que les politiciens fassent preuve d’un authentique courage. Et s’ils n’y arrivent pas, c’est aux citoyens de s’impliquer et de montrer l’exemple.
Entretien réalisé par courriel
en août/septembre 2014
Pour aller plus loin
– Site d’Option Nationale
– Entretien avec Catherine Dorion
Crédit photo : photos officielle issue du facebook de M. Zanetti