PKP : Fin du « suspens »… et après ?

Après des mois de campagne dont les seuls points saillants ont été le retrait de trois candidats pour des raisons diverses, Pierre-Karl Péladeau est donc devenu chef du Parti Québécois hier. Avec 57,58% et une forte participation, sa légitimité est totale. Même si ses équipe visaient au départ de la campagne un score au delà des 70%, son résultat est conforme aux attentes des derniers sondages qui, cette fois, ont été globalement fiables pour tout le monde (29,21% pour Cloutier et 13,21% pour Ouellet).

Maintenant que le PQ s’est doté d’un chef, quel avenir ? Quelles perspectives ? Je suis de ceux qui ne comprennent pas que la clinquant médiatique d’un PKP ai pu à ce point emballer un PQ à la recherche d’un sauveur suprême. De fait, faute de passé politique, les seuls faits d’armes du nouveau leader sont à charge : patron voyou responsable d’un lock-out historique, dons financiers au Parti Libéral et à l’ADQ1, gaffes multiples quasiment à chaque expression publique… Mais PKP a levé le poing, parlé d’indépendance (tout en conservant un flou total sur le processus) et emballé les foules.

Je ne crois pas une minute aux envolées sociales démocrates du nouveau leader – les promesses n’engageant que ceux qui les croient -, son accession à la tête du PQ sonne la rupture définitive avec ce qui fut le parti de l’a-priori positif aux travailleurs et est d’abord la victoire des médias de masse. Mais curieusement, contrairement à beaucoup d’observateurs horrifiés, cela me semble plutôt une bonne nouvelle.

Pas une bonne nouvelle pour la pensée politique, définitivement battue par le bling bling, mais pour le spectre politique, en ce qu’elle clarifie les choses. Il y a désormais un PQ clairement de droite et de centre-droit, lorgnant sur la CAQ et son électorat, qui agitera la « crédibilité économique » et la question identitaire comme axes centraux. Très bien, c’était déjà ce qu’avait fait le gouvernement Marois dans les faits, dans la droite ligne de la gouvernance libérale de Lucien Bouchard, sauf que tout ça ne s’actait pas, on trouvait encore des gens sincèrement progressistes au PQ, un peu comme on en trouve encore au sein du Parti Socialiste Français….

Beaucoup on imaginé que la victoire de PKP effrayait Québec Solidaire et que c’est pour ça que le parti attaquait le magnat de la presse. Sauf que les études d’opinions montrent bien que ce n’est pas du tout sur les solidaires que le PQ-libéral rogne en majorité, la gauche aurait même tendance à en profiter. Il faut alors admettre que c’est simplement deux visions du monde qui s’affrontent, entre une gouvernance-Québécor marqué par l’autoritarisme (que l’on retrouve en politique contre ses concurrents ou les journalistes) et une vision globalisante et inclusive de l’indépendance, pensant aussi bien en terme de mieux-être social que d’environnement ou de redistribution.

À cet effet, si le choix des péquistes m’attriste il ne me surprend pas et à le mérite de poser les choses. Aux prochaines élections, dans trois ans, on verra si la bulle PKP s’est dégonflée (comme tant d’autres avant elle) ou s’il aura réussi à surprendre et gagner une crédibilité à ce jour absente. En tous les cas les projets s’affronteront clairement et sans confusion possible ce qui, malgré un scrutin vicié, c’est toujours une bonne chose.

On me criera qu’il s’agit encore de division du vote indépendantiste, je suis très sceptique à ce sujet. Si demain PKP arrive au pouvoir et veut faire l’indépendance, deux choses hypothétiques, il trouvera nécessairement tous les indépendantistes derrière lui, de gauche comme de droite, de la même manière que les indépendantistes républicains écossais ont soutenu l’indépendance monarchiste du SNP.

Pour le reste, heureusement, être indépendantiste ne veut pas dire uniforme et il reste des gens pour croire que l’indépendance est aussi (avant tout ?) celle montrée face aux lobbies, aux minières, aux puissances financières… sans lesquels elle ne restera qu’une incantation creuse et sans fondement.

1. Ses défenseurs mettent en avant qu’il donnait aux « trois partis » par principe de neutralité. Outre qu’il n’y a pas que trois partis, cela montre bien l’image qu’à de la politique un entrepreneur trouvant nécessaire de financer tout potentiel parti de pouvoir « au cas où »... Ce qui n'a rien de rassurant !
2. Sur ce sujet lire l’excellent billet de Sébastien Sinclair « Passer l’arme à droite ».

Crédit image : wikimédia

L’insoutenable légèreté du bulldozer

Lorsque la fin de l’année est arrivée tous les médias ont fait leur classement des ministres. La pratique est contestable et montre vite ses limites : ainsi un ministre se retrouve mauvais élève dans l’un et révélation dans l’autre. Plus que sur la politique en général, ce genre d’article informait sur les positionnements politiques des médias les publiant. Cependant, parmi tous, il y avait un consensus, un que personne ne voulait sauver, et qui permettait en plus de faciles jeux de mots. Yves Bolduc, ministre de l’Éducation Nationale, est unanimement dernier de la classe.

Faut-il hurler avec les loups ? Il y a tout de même de quoi, surtout que l’enfant terrible est toujours en place et continue ses joyeuses bourdes avec la légèreté du bulldozer. Sa nomination à ce poste était déjà une surprise : ancien ministre de la Santé (il avait d’ailleurs succédé à l’actuel premier ministre), il n’avait pas brillé mais était dans son champ de compétence. Pas de chance le poste avait été promis au transfuge de la CAQ Gaétan Barrette en échange de son retournement de veste… Qu’importe on a donc mis Bolduc à l’Éducation. Surprenant mais bon, il y a parfois des personnes qui se révèlent en poste.

Pour ce qui est du docteur Bolduc, outre l’affaire scandaleuse des primes incitatives qu’il a obtenu comme médecin alors qu’il siégeait à l’Assemblée, c’est avant tout la vision politique portée qui est désastreuse. On n’attendait pas particulièrement les libéraux sur ce sujet, mais sa collègue de la Culture Hélène David, si elle pratique de dures coupes budgétaires, semble le faire avec un minimum de connaissance du sujet. Là, on nage dans le grotesque permanent.

Que restera-t-il de son mandat ? Son étrange pas de deux sur les élections dans les commissions scolaires? Après avoir déclaré que le gouvernement voulait les supprimer, ils les ont finalement maintenus, mais en conditionnant leur survie à la participation (dérisoire, comme d’ordinaire). Peut-être retiendra-t-on le courage politique de celui qui vient d’annuler en dernière minute sa présence au Forum étudiant à l’Assemblée Nationale, par crainte de se faire chahuter ? Ou bien retiendra-t-on son incroyable citation proposant d’économiser le budget de l’éducation en n’achetant plus de nouveaux livres dans les bibliothèques scolaires, celle-ci en possédant déjà beaucoup ? C’est sans doute celle-ci qui marquera l’histoire, collant aux bilan du ministre comme le sparadrap aux doigts du capitaine Haddock

Ces déclarations montrent autant une bêtise et une lourdeur qu’un total mépris des interlocuteurs. Assuré d’être largement au dessus de tous, Bolduc aligne gaffe sur gaffe et reste en place, soutenu par un gouvernement que l’on peine à comprendre.

Cette légèreté de tractopelle me fait également penser à un autre gaffeur en chef qui, lui, a aujourd’hui une grande popularité auprès des médias comme des citoyens. Il s’agit de Pierre-Karl Péladeau, le futur sauveur du PQ, que l’on est obligé de croire sur parole tant son bilan est maigre. En effet, il ne s’est révélé que gaffeur et peu charismatique pour le moment. Après avoir tenter d’intercéder auprès d’acteurs d’un dossier dans l’intérêt d’une de ses entreprises il a fait amende honorable, expliquant découvrir le métier et avoir simplement voulu assurer que la société en question reste québécoise.

Par la suite il a violemment attaqué un journaliste qui s’était permis de l’appeler sur son portable, oubliant qu’en choisissant un mandat public il donnait de fait une autorisation de disponibilité et – surtout – que la pratique n’avait rien d’anormale. On peut condamner un paparazzi, mais il parait difficile d’étendre ce terme à des journalistes voulant donner la parole au sujet de leur papier et l’appelant poliment.

Qu’importe, se réclamant d’un rapport direct aux citoyens, s’exprimant avant tout par facebook, il refuse de s’excuser et rappelle qu’il est libre et ne laissera personne lui dicter sa conduite. Le discours pourrait être intéressant s’il n’était profondément hypocrite. Outre que que Quebecor, société de PKP comporte nombre de médias-poubelles, il détruit aussitôt – et toujours avec la même légèreté – son argumentaire en ne se gênant pas pour publier les coordonnés privées du Premier Ministre…

 Cela fait mal au coeur, mais j’en viens à citer un ministre libéral en diffusion. Difficile en effet de ne pas être en accord avec Jean-MarcFournier quand il déclare « C’est curieux qu’il s’époumone devant vous [les journalistes] lorsque vous utilisez son téléphone cellulaire mais il semble prêt à donner le numéro de téléphone de bien du monde… »

Image : Photo officielle d'Yves Bolduc

1. Je combat la CAQ, mais au moins sa position est lisible - suppression -, celle du PLQ est insensée et Bolduc n’aide pas à la clarifier.

Entretien avec Pierre Céré, candidat à la chefferie du PQ

Pierre Céré est avant tout un militant associatif et syndical, particulièrement actif dans la défense des précaires. Coordonnateur du Comité Chômage de Montréal depuis 1997 et porte-parole du Conseil National des Chômeurs et Chômeuses, il a fait le saut en politique pour le Parti Québécois dans Laurier-Dorion en 2014. Sèchement battu, il n’a pas renoncé, a repris son bâton de pèlerin et s’est porté candidat à la chefferie du PQ, défendant un indépendantisme social et inclusif.

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Vous êtes actif dans le milieu communautaire depuis des années, particulièrement auprès des chômeurs dont vous défendez les droits au niveau local et provincial depuis plus de vingt ans. Comment vous êtes vous retrouvé à travailler pour cette population souvent rejetée à la marge ?

En fait, je suis actif dans les mouvements de chômeurs depuis 1979 quand, avec d’autres camarades, nous avons créé le Regroupement des chômeurs et chômeuses de l’Abitibi-Témiscamingue, une région du nord du Québec. Ce sont les circonstances qui m’ont amené là. L’Abitibi est une région minière où le chômage a toujours été très élevé. J’étais déjà actif dans les milieux militants, il y avait ce besoin de créer une organisation de défense des droits des travailleurs en chômage. Nous l’avons fait. Mes appartenances sont là, elles sont toujours demeurées là, avec les travailleurs et les travailleuses, avec leurs problèmes, à défendre leurs droits.

Vous êtes entré en politique lors des élections de 2014, présenté comme un candidat vedette par le Parti Québécois. Comment se lance-t-on en politique quand on est issu du milieu communautaire, n’y avez-vous pas vu un risque ? Comment cette candidature a-t-elle été accueillie par vos collègues, votre environnement et, de l’autre côté, comment vous êtes-vous senti dans l’arène médiatique avec cette autre casquette ?

J’ai acquis cette conviction, au fil des années, que la société que nous avons bâtie au Québec, au cours des dernières décennies, est une société qui vaut la peine que l’on se batte pour elle. On parle du modèle québécois comme d’un modèle de développement économique et social qui nous est propre et qui est fondé en quelque sorte sur la solidarité et le partage d’une partie de la richesse créée. C’est ce qui explique ces outils de développement économique décentralisées et de proximité, réunissant les différentes forces qui animent la société (patrons, syndicats, mouvements sociaux, coopératives, etc.), accordant un rôle accru à l’État; c’est ce qui explique aussi bon nombre de programmes sociaux qui sont propres au Québec, et qui n’ont parfois aucun équivalent dans le reste de l’Amérique. De façon globale, on peut même dire que le Québec a mis en place son propre modèle de développement, souvent à contrecourant du modèle dominant en Amérique du Nord.

En ce moment, avec le nouveau gouvernement élu au printemps dernier, nous avons affaire à une véritable entreprise de démolition de ces acquis. Ce gouvernement, celui du Parti libéral du Québec, dirigé par Philippe Couillard, manifeste une réelle détermination de s’inscrire dans les grands courants conservateurs cherchant à réduire la taille et la portée de l’État.

Est-ce que j’ai vu un risque à me lancer en politique ? Non. Qui n’ose pas, ne risque pas, qui s’enferme dans une certaine routine, se contentant d’un rôle défini et arrêté, participe peu aux changements. La politique devient le prolongement de notre action. Pourquoi laisser la politique aux professionnels de la politique, aux carriéristes et autres « arrangeurs » ? Un célèbre syndicaliste disait que si tu ne t’occupes pas de la politique, c’est elle qui va s’occuper de toi.

Comment ma candidature a-t-elle été accueillie? Par mes collègues d’organisation, très bien. Ils comprenaient le sens de mon engagement. Par d’autres milieux sociaux, portés par d’autres visions politiques? Avec respect je crois. Comment me suis-je senti dans l’arène médiatique avec cette autre casquette? À l’aise, et sans langue de bois.

Avec 15,93% dans Laurier-Dorion, vous êtes largement battu, devancé par le sortant libéral  Gerry Sklavounos (46,19%) et le solidaire Andrés Fontecilla (27,69%). Plusieurs mois après cette défaite, quel regard portez vous sur votre campagne et que feriez-vous différemment ?

Je demeure très fier de la campagne que nous avons menée, des gens qui se sont regroupées autour de ma candidature, du travail que nous avons fait sur le terrain. Il me serait difficile de faire les choses autrement, sinon peut-être de chercher à mieux nous organiser structurellement dès le départ. Sinon, nous avons été emportés par une forte mobilisation de la peur, celle d’un possible référendum sur la souveraineté du Québec, et celle aussi, qui a joué un rôle déterminant dans nos résultats, du projet de charte de laïcité.

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Avec un tel résultat, on aurait pu penser que vous seriez retourné au militantisme, dégoûté de l’action politique. Vous avez pourtant décidé de vous lancer dans la difficile course à la chefferie du Parti Québécois, alors que les candidats ne manquent pas. Quelles raisons principales vous ont poussé à vous engager dans l’arène politique? Par ailleurs, les conditions d’inscription ont évolué mais restent complexes, notamment financièrement; à ce jour pouvez-vous effectivement vous présenter ?

Je suis retourné au militantisme ! J’ai repris mes activités au Comité Chômage de Montréal ainsi qu’au Conseil national des chômeurs (CNC).

Ma candidature à la chefferie s’explique surtout par le fait qu’un groupe de militants et de militantes s’est réuni autour de moi avec cette ferme intention de participer au débat des idées qui animerait le Parti québécois. Et il est devenu clair, au fil des semaines, que participer à ce débat impliquait nécessairement de présenter ma candidature à la direction du Parti québécois. Nous avons réfléchi, écrit, débattu et bâti littéralement nos idées et nos propositions. C’est devenu notre programme. Il est progressiste, il est de justice sociale, il s’inscrit dans ce grand modèle que nous appelons le « modèle québécois ». Nous sommes audacieux, refusons la vieille (comme la petite) politique et croyons que le Parti québécois pour mieux se reconstruire doit impérativement se redéployer dans le mouvement social, se reconnecter sur la population, sur la jeunesse, sur les idées émergentes, finalement sur ce que le Québec est devenu et ce qu’il sera demain.

Notre programme est en ligne : www.pierrecere.org

Les conditions menant à la validation du statut de « candidat » ne sont pas simples. Il nous faut recueillir 2000 signatures en provenance d’au moins 50 circonscriptions et 9 régions du Québec, avec chacune au moins 10 signatures. Cela, sans compter un premier dépôt 10 000$ qui doit être versé avec les signatures au plus tard le 30 janvier.

Je le répète : nous n’avons ni fortune, ni personnel salarié. Nous fonctionnons à l’énergie de l’espoir. Et ça marche ! Nous sommes partout et maintenant confiants d’atteindre la barre des signatures. Pour l’argent, nous lancerons bientôt une campagne citoyenne, 100%, c’est-à-dire 100 personnes donnant chacune 100 $.

Vous êtes un candidat  « surprise » mais vous avez été l’un des premiers à sortir un programme détaillé. Vous y développez une vision d’un Parti Québécois inclusif et socialement juste, ce qui peut paraître s’opposer à la gouvernance passée. Comment jugez-vous la gestion de la Charte des valeurs et de la laïcité, vous qui aviez dénoncé dès 2007 une dérive identitaire du PQ ?

Il est vrai de dire que je suis un candidat « surprise », et je l’assume. Je ne suis pas député, je n’ai jamais fait de la « politique professionnelle ». Je viens des milieux sociaux et je me fais un point d’honneur de rappeler que je viens d’un milieu ouvrier et que mes appartenances sont toujours restées là.

Le projet de société que nous avançons en est un de justice sociale et d’inclusion. C’est aussi un projet indépendantiste qui se conjugue à la diversité culturelle.

Par ailleurs, il est vrai que nous portons un regard très dur sur cette stratégie identitaire qui a animé le Parti québécois depuis 2007. Cette stratégie visait à récupérer à la droite (Action démocratique du Québec) le sentiment identitaire. En faisant du « nous » et du « eux », on a fini par créer ce clivage avec les communautés immigrantes, leur faisant porter le poids d’une menace : celle de notre survie, celle du projet de pays, celle du fanatisme religieux.

Au lieu de travailler à transformer, là où il le faut, nos institutions, nous avons ostracisé. Au lieu de rassembler, nous avons divisé. Le projet de charte de la laïcité aurait pu avoir une approche rassembleuse, on a fait le contraire. Le problème n’était pas d’avancer avec un projet de laïcisation de l’ensemble des institutions d’État, d’établir des balises, mais plutôt dans la forme, dans la façon.

Le Parti Libéral du Québec élabore en ce moment une énorme casse sociale, cependant l’ère Bouchard, puis le mandat de Pauline Marois, ont semblé s’opposer parfois au « principe favorable aux travailleurs » de René Lévesque. D’abord progressiste, on sent aujourd’hui une grande tentation au PQ de séduire les électeurs de la CAQ, partisans de coupes sociales et de l’austérité. Vous vous posez en garant de la justice sociale, que répondez-vous à ceux qui vous disent qu’elle coûte trop cher ou qu’elle est inefficace et comment envisagez vous la redistribution des richesses dans un Québec où vous seriez Premier Ministre ?

Le Parti québécois demeure un parti fondé sur le projet de faire du Québec, un jour, un pays. Il regroupe, sur cette base, des sensibilités plus à gauche, d’autres plus à droite. Il est vrai qu’à l’intérieur du PQ, un courant aimerait un rapprochement avec la CAQ, et donc un alignement marqué à droite. Cela fait partie des tensions normales qui animent un parti politique comme le PQ. Briser l’équilibre existant lui serait fort dommageable.

La redistribution de la richesse, à tout le moins d’une partie de la richesse créée, les instruments économiques et les programmes sociaux que nous avons mis en place comme société demeurent les grands piliers de notre développement. Je poursuivrais clairement dans cette direction : une économie bâtie pour la population, pour ses besoins, construite dans un modèle de développement durable, l’amélioration des conditions de vie. Des propositions comme les « quatre semaines de vacances obligatoires » seraient mises en chantier, d’autres aussi (voir notre programme). Nous nous engagerions de façon très marquée dans une phase de transition visant à nous départir du pétrole, en accélérant le pas pour l’électrification de nos transports. Il y a beaucoup à faire, de nombreux chantiers à mettre en place. Nous formerions un fabuleux gouvernement !

Aux oiseaux du malheur qui nous prédisent toujours les pires cataclysmes, aux idéologues qui préfèrent une réduction de la taille de l’État plutôt qu’un État fort au service de sa population, à ceux qui nous proposent « d’avancer par en arrière », je leur dis : « nous connaissons vos histoires, nous connaissons vos recettes, elles sont sornettes pour l’une et indigestes pour l’autre ».

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Pour ce qui est de l’indépendance, vous proposez de d’abord tenter de négocier un nouveau partenariat avec le Canada, pour plus de dévolution (notamment fiscale), avant de lancer un référendum en cas de refus. N’avez-vous pas peur d’effrayer les plus « pressés », d’autant que rien n’indique que le futur premier-ministre canadien souhaite donner une quelconque autonomie supplémentaire au Québec ?

Notre proposition se résume à l’idée suivante : Souveraineté-association ou Indépendance !

En 1980, nous avons cherché par voie référendaire le mandat de négocier une nouvelle entente fondée sur l’égalité de nos deux peuples (Québec-Canada), par laquelle le Québec devenait le seul responsable de percevoir les impôts et les taxes sur son territoire, acquérant le pouvoir exclusif de faire ses lois et d’établir ses relations extérieures. Nous partons de là, allant chercher ce mandat dans le cadre d’une élection plutôt que par voie référendaire, en d’autres mots, nous éliminons une étape. Une fois élus, nous ouvrons cette négociation à deux, d’égal à égal, de nation à nation. Deux chaises, celle du Québec, celle du Canada. Nous ne négocions pas avec l’ensemble des provinces, comme ce fut le cas lors de l’Accord du lac Meech. Seulement avec Ottawa. L’objectif étant d’en arriver à une entente établissant notre souveraineté dans un cadre associatif. Est-ce que la classe politique à Ottawa aurait suffisamment évolué pour exprimer cette ouverture et mettre en place ce nouveau pacte entre nos deux peuples ? Nous verrions bien.

Mais à défaut de négociation, ou d’en arriver à si peu, devant une possible mauvaise foi, nous fermerons cette avenue après une période d’une année, et engagerons tous nos efforts, toute notre créativité, dans une mobilisation totale vers un référendum appelant à notre indépendance. La question serait simple : « Voulez-vous que le Québec devienne un pays? » Faudrait-il ajouter à pays, le qualificatif « indépendant » ou « souverain » ou tout simplement s’arrêter à « pays » ? Nos militants trancheront !

Notre proposition est claire, notre stratégie se déploiera à visage découvert, au vu et au su de notre population. Nos idées seront exprimées, le chemin que nous voulons prendre sera indiqué. Nous sommes en mode solution et nous comptons arriver à bon port au cours du premier mandat suivant notre élection.

Dans votre programme vous liez fondamentalement emploi et environnement, alors qu’on les oppose souvent. Alors que l’on parle de plus en plus de privatisation de l’électricité et que le gouvernement péquiste de Pauline Marois avait autorisé l’exploration du pétrole de schiste dans l’île d’Anticosti, quelle est votre position sur ces débats ? Et qu’elle vous semble la priorité en terme de protection de l’environnement ?

L’ensemble de nos sociétés se retrouve au même carrefour, et il nous faut choisir : poursuivre ce même développement économique, en bout de ligne irresponsable et assassin de notre environnement et de notre qualité de vie, ou chercher des alternatives qui s’inscrivent dans un développement durable. Le Québec doit de façon solennelle et irrémédiable s’engager dans une phase transitoire pour se départir des énergies fossiles, et poser des gestes concrets, et importants, dans cette direction. Cela implique de mettre en place les structures de recherche, les mécanismes, l’industrie pour assurer à terme que notre transport, l’ensemble de nos moyens de transport, soient électrifiés. En même temps, sachons que cette transition se fera sur plusieurs décennies (trois, quatre, plus ?).

Pendant cette période, si nous continuons d’utiliser du pétrole et autres énergies fossiles, il nous faudra néanmoins en consommer toujours moins. Il faudra tout de même faire des choix : nous le prendrons où ce pétrole au cours de cette transition ? De l’Algérie ? Du Kazakhstan ? Celui des sables bitumineux de l’Ouest canadien ? Pourrions-nous envisager exploiter un pétrole québécois ? Encore faudrait-il connaître ses qualités, ses quantités, la qualité du sol, les impacts environnementaux et ceux possiblement sur la population, les méthodes d’extraction, etc. Et, surtout, ne jamais improviser sur ces questions. Jamais.

Enfin, ce dernier espace vous est laissé libre afin de développer une mesure phare sur laquelle vous n’avez pas été interrogé et que vous aimeriez développer.

La jeunesse québécoise du printemps 2012 a lancé un immense cri sur l’état de notre démocratie, sur nos pratiques. Elle a questionné les frontières peut-être trop étroites de cette démocratie, questionné nos pratiques, les formes de leadership. Il est de toute première importance de lancer un vaste chantier cherchant une refondation de notre culture et de nos mœurs politiques. En la matière, comme en d’autres, nous avons besoin d’une véritable révolution. Le Québec sait les faire « tranquilles » et à la fois systémiques. Allons-y !

Entretien réalisé par courriel 
en novembre 2014

Pour aller plus loin
Site officiel
Tribune : « Ce que le PQ pourrait être »

Crédit photos : Pierre Céré par Dominic Morissette, site officiel du candidat.

Le futur premier ministre…

Depuis la démission de Pauline Marois les jeux sont faits. Pierre-Karl Péladeau, magnat de l’industrie devenu député de Saint-Jérôme, sera le futur premier ministre du Québec. Tout le monde est d’accord à ce sujet et, d’ailleurs, un sondage qui vient de paraître affirme que PKP est le seul à pouvoir battre Philippe Couillard lors des prochaines élections générales. Attendez… Les prochaines élections générales ? J’ignorais que le gouvernement libéral était minoritaire et qu’il y aurait des élections sous peu.

Ha, que me dit-on dans l’oreille ? Les prochaines élections auront normalement lieu le 1er octobre 2018 ? Faut-il donc que les médias et les commentateurs aient perdu tout sens politique pour centraliser la plupart de leurs articles sur une « vague PKP » qui n’existe pour l’instant que de manière fictive, l’intéressé n’étant pas encore candidat à l’élection (ce qui, il est vrai, est un secret de polichinelle).Je pourrai ici parler de PKP, détailler ma pensée sur le décalage flagrant entre son discours se voulant gauchisant et sa réalité de patron-voyou, ou sur ses dons réguliers au Parti Libéral du Québec jusqu’à ce que le vent tourne et qu’il se sente puissamment indépendantiste et se mette à contribuer à la caisse du PQ – sa fougue gênant au passage un parti de plus en plus attentiste. Je pourrai aussi expliquer en quoi ça ne serai pas forcément si mal, ancrant définitivement le PQ à droite et laissant une place claire pour la gauche indépendantiste, tout en ne comprenant pas comment certains peuvent voir une menace en PKP pour les solidaires.

Mais je n’ai pas envie de faire ça. D’abord parce que tout ça se trouve déjà dans tout un tas d’articles, même si les trois-quarts sont példeau-béats, mais aussi parce que tout ça est fondamentalement absurde.

N’y a-t’il pas plus urgent à penser quand le gouvernement Couillard tente une dangereuse réforme de la santé ? Que le Ministre de l’éducation dit n’importe quoi très régulièrement jusqu’à proposer de ne plus financer les bibliothèques ? Que l’environnement est de plus en plus menacé par les velléités légèrement différentes mais toutes destructrices des conservateurs fédéraux et des libéraux provinciaux ? Que le Québec ferme un nombre énorme, de manière totalement inconséquente, de ses représentations diplomatiques ?

Alors, parce que les sondages c’est bien beau, c’est même formidable, mais qu’ils sont comme les promesses et ils n’engagent que ceux qui les croient je vais juste me permettre quelques rappels.

En janvier 2012 Pauline Marois était sensée être définitivement coulée, incapable de gèrer son parti. C’était bien simple, il n’y avait qu’une solution pour que le PQ ne sombre pas : qu’elle démissionne et que Gilles Duceppe la remplace. Quelques mois plus tard elle devenait premier ministre.

En mars dernier la même a, de manière très opportuniste d’ailleurs, déclenché une élection à une date choisie, afin d’obtenir le gouvernement majoritaire que tous les sondages lui prédisaient. Las, cette tentative s’est soldée par un échec cuisant et une des plus dures défaites connues par le parti, ouvrant la voie à un gouvernement libéral largement majoritaire.

Remontons en février 2011, à l’époque il était acquis pour tous les médias que François Legault serait le prochain premier ministre. Deux élections générales plus tard, il n’est toujours que le chef de la deuxième opposition.

Mieux encore, vous souvenez-vous d’André Boisclair ? Celui qui, en 2007, mena le PQ à sa pire débâcle, le parti terminant derrière le PLQ et l’ADQ. Unanimement décrié pour son leadership défaillant, ses gaffes et ses difficultés, il était pourtant l’un des homme politiques les plus populaires du Québec en 2005, en somme juste avant d’être élu chef du PQ. On trouvait même 71% des électeurs se disant prêt à voter pour lui même s’il était avéré qu’il avait « consommé de la cocaïne alors qu’il était ministre ? », une véritable love story.

On continue ? Je suppose que vous aurez compris l’idée. Je ne sais pas si PKP sera chef du PQ, premier ministre, s’il retournera à son entreprise ou créera un club de majorettes, mais ce qui est certain c’est qu’il est au coeur d’une bulle médiatique qui l’adule et en fait automatiquement le candidat à élire. C’est sans doute agréable mais c’est très fragile et, mis à part l’opinion, il n’y a pas plus versatile amant que les médias.

Alors posons nous, regardons ce que fait le gouvernement actuel, ce que diront les candidats à la course à la chefferie du PQ quand toutes les données seront connues, et cherchons le débat d’idées plutôt que des chiffres qui ne veulent rien dire. Allons bon, on peut bien rêver…

Crédit image : Wikimédia