Entretien avec Xavier Barsalou Duval, président du Forum jeunesse du Bloc Québécois

Seul parti indépendantiste sur la scène fédérale, le Bloc Québécois a longtemps été le parti majoritaire au Québec. Arthimétiquement incapable de prendre le pouvoir (il faut 141 sièges et le Québec en pourvoit 75), il a cependant toujours tourné entre 30 et 50 députés, devenant même l’opposition officielle du Canada en 1993 ! En 2011, à la surprise générale, le Bloc a été balayé par le Nouveau Parti Démocratique (NPD) de Jack Layton, ne réussissant à faire élire que quatre députés alors qu’il avait 49 sortants. Une claque sévère qui a durablement secoué le mouvement indépendantiste.

Trois ans après cette lourde défaite, alors que d’autres crises ont traversé le mouvement – exclusion d’une députée, démission du chef de parti pour raison de santé, lourde défaite du Parti Québécois le mois dernier – le Bloc se prépare aux élections de 2015, avec la ferme intention de refaire entendre sa voix à Ottawa. Un nouveau chef sera désigné en juin et portera la responsabilité d’un parti historique affaibli, mais au nombre de militants encore très élevé et à la présence forte dans l’imaginaire collectif. Pour en parler, j’ai le plaisir de recevoir Xavier Barsalou Duval, président du Forum jeunesse du Bloc Québécois depuis 2012, qui a activement participé à la « reconstruction » du Bloc.

En 2011, le Bloc a connu le plus gros revers de son histoire, perdant la plupart des députés et son groupe parlementaire. Vous avez été élu en 2012 à la tête du forum jeunesse, quelles ont été les priorités que vous avez voulu traiter en cette période de reconquête ?

À mon arrivée à la tête du Forum jeunesse du Bloc Québécois, tout était à reconstruire. Nous avions subi une raclée en 2011, les démissions avaient étés très nombreuses par la suite et lors de la course à la direction s’étant terminée en décembre 2011, nous n’avions pas appuyé le chef victorieux. Nous étions donc dans une situation très difficile.

Nous avons accompli un travail herculéen de recrutement en parcourant le Québec et en prenant contact avec des ex-militants, d’autres organisations indépendantistes existantes, les différentes associations étudiantes, etc. Nous avons bien sur bénéficié du printemps québécois de 2012 au cours duquel de nombreux jeunes ont eu un éveil politique. Nous avons organisé un nombre incroyable d’activités dont certaines de très grande envergure, dont le Sommet de la Relève indépendantiste en novembre 2012 ainsi que le congrès national des jeunes en janvier 2014.

Notre message était simple :
1) Le Bloc Québécois est le seul parti indépendantiste sur la scène fédérale et nous n’avons pas le droit de laisser toute la place à nos adversaires.
2) Sur la scène fédérale, contrairement à la scène provinciale, il n’y a qu’un seul parti indépendantiste où nous avons l’occasion d’être tous unis.

Ce travail a porté fruit à un point tel que nous pouvons affirmer sans gêne que nous sommes l’aile jeunesse fédérale la plus forte au Québec et nous en sommes très fiers.

En tant que groupe jeunesse du Bloc vous portez leurs positions, mais vous participez aussi au débat. Quelle est l’utilité d’un tel mouvement et vous sentez-vous écouté au sein du bloc ?

Les jeunes du Bloc regroupent les jeunes membres de 16 à 30 ans. Lorsqu’on a 16, 18 ou même 20 ans, cela peut paraître intimidant de faire valoir son point de vue sur un exécutif local où les autres membres ont souvent des dizaines d’années d’expérience. L’aile jeunesse permet alors à ces jeunes militants d’acquérir rapidement de l’expérience et de gagner en assurance.

En militant chez les jeunes, on développe aussi un large réseau de contacts et nos congrès permettent de frayer un chemin à des propositions qui n’auraient probablement jamais pu se rendre au congrès senior autrement. Même si ce n’est pas toujours évident, je crois que nous avons le devoir de faire avancer les débats et nos idées.

forum jeunesse

Malgré sa situation difficile le Bloc a quand même pu défendre des sujets qui lui sont chers, et réussi à porter des projets de lois au-delà de ses simples élus. Avez-vous des exemples concrets d’apports du Bloc depuis 2011 ?

Depuis mai 2011, le Bloc Québécois a mené de nombreux combats pour les intérêts du Québec. C’est notamment le Bloc qui a fait battre la motion d’appui à la loi 78, une loi digne d’un régime dictatorial visant à restreindre les droits des individus de manière éhontée qui a depuis été abrogée par le gouvernement du Parti Québécois, puisqu’une telle motion requérait l’unanimité de la chambre.

Nous avons fait en sorte que le gouverneur général, représentant de la couronne britannique au Canada, soit désormais assujetti à l’impôt canadien comme tout autre citoyen.

Nous sommes le seul parti fédéral à avoir pris position en faveur du rapatriement de l’assurance emploi au Québec suite aux nombreuses coupures du gouvernement conservateur.

Nous avons ramené le débat sur la loi sur la clarté référendaire, une loi qui laisse notamment sous-entendre qu’un vote pour l’indépendance à 50%+1 pourrait ne pas être reconnu.

Nous avons décrié le soutien au projet du Bas-Churchill qui vient aider Terre-Neuve à faire compétition à Hydro-Québec avec l’argent des Québécois alors que le Québec n’a jamais reçu d’argent du fédéral pour développer Hydro-Québec.

Nous sommes le seul parti fédéral ayant appuyé le gouvernement du Parti Québécois dans sa démarche en faveur d’une Charte de la laïcité au Québec

Nous avons joint notre voix à la campagne «Uni-e-s contre la francophobie» qui visait à dénoncer le «Québec-bashing» et les propos antis-francophones que l’on retrouve trop souvent dans les médias.

Plus récemment, nous avons été les seuls sur la scène fédérale à militer en faveur du vote à visage découvert.

Cela constitue une banque d’exemples, mais il serait facile de mentionner de nombreuses autres situations où le Bloc Québécois a été le seul porte-parole des Québécois au parlement du Canada.

Le NPD est un parti fédéraliste, mais plus progressiste que les conservateurs et les libéraux, avez-vous pu travailler avec eux sur certains projets ? Ce parti étant majoritairement représenté au Québec, on imagine qu’il y a des convergences possibles.

Contrairement à ce que l’on retrouve en Europe, au Québec, la division des partis se fait davantage sur un axe fédéraliste-indépendantiste que sur l’axe gauche-droite. Cependant, il nous arrive effectivement de mener des batailles aux côtés d’autres partis fédéraux.

Depuis 2011, tant le Bloc Québécois que le Parti Libéral et le NPD ont dénoncé les trop nombreuses attaques idéologiques du gouvernement conservateur à l’égard des travailleurs. Nous avons aussi dénoncé ses positions primitives sur la question environnementale et sur l’opacité de ce gouvernement.

Un an après la défaite du Bloc, un gouvernement souverainiste était élu à Québec, prouvant que cette ambition n’avait pas quitté les Québécois. Mais la sévère défaite du PQ renverse cette analyse, que faut-il faire selon vous pour « réveiller la flamme » ?

Aux dernières élections québécoises, le Parti Libéral du Québec (PLQ) et la Coalition avenir Québec (CAQ) ont sans cesse martelé que le Parti Québécois déclencherait un référendum sur la souveraineté du Québec s’il obtenait un mandat majoritaire de la part de la population. Le vote s’est donc polarisé sur cet enjeu davantage que sur les enjeux de gouvernance.

Malheureusement, le Parti Québécois a préféré demeurer le plus flou et le plus ambigu possible sur sa démarche, ce qui n’a évidemment pas plu à son électorat. Je crois que si le Parti Québécois avait assumé sans honte son option, nous aurions probablement obtenu un résultat différent.

Entretenez-vous des liens avec la branche jeune du PQ, et si oui quels sont-ils ?

Même s’il nous arrive parfois d’avoir des divergences, nous entretenons une relation constante avec le Comité national des jeunes du Parti Québécois (CNJPQ). Ayant tous deux une raison d’être et des objectifs semblables (faire entendre la voix des jeunes au sein de nos partis respectifs et faire la promotion de l’indépendance auprès des jeunes) les liens entre les deux organisations sont très forts et nous sommes très régulièrement appelés à travailler ensemble.

Cela dit, tous les membres du FJBQ ne sont pas membres du CNJPQ et l’inverse est aussi vrai. Nous sommes donc également appelés à collaborer avec d’autres partis politiques ainsi qu’avec des organisations de jeunes indépendantistes comme le Conseil jeunesse de la Société Saint-Jean Baptiste (CJSSJB), le Regroupement des mouvements indépendantistes collégiaux (RMIC) ou encore l’organisme Génération Nationale (GN).

Vous indiquez avoir des relations avec d’autres partis que le PQ, ce qui est normal vu que le Bloc est le seul parti indépendantiste fédéraliste. Quels liens entretenez-vous avec Québec solidaire, Option Nationale et le Parti Indépendantiste ? Les représentants du Bloc ont souvent eu des mots durs à leur égard.

Le lien que le Bloc Québécois entretient avec les autres formations politiques est en constante redéfinition. Le Bloc Québécois a une longue histoire de collaboration avec le Parti Québécois. Toutefois, depuis quelques années, on constate qu’il y a un nombre important de jeunes militants qui décident de s’impliquer ailleurs.
Même si la plupart des militants du Bloc Québécois sont affiliés au Parti Québécois sur la scène provinciale, étant donné que le Bloc québécois est le seul parti indépendantiste sur la scène fédérale, il est en quelque sorte un point de convergence naturel pour tous les indépendantistes. Pour cette raison, il est donc normal que les militants ayant une affiliation politique autre que le Parti Québécois soient très nombreux au Bloc Québécois et qu’il s’y crée ainsi de nombreux liens.

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Même après le choc de l’élection de 2011, une page que l’on imagine tournée, il y a eu d’autres crises : l’exclusion de Mme Mourani, la démission pour raison de santé de M. Paillé. Quel est votre regard sur ces deux événements abondamment commentés et quel regard portez-vous sur l’avenir ?

Nous ne pouvons pas cacher que ces deux événements ont porté un coup dur à notre formation politique. Madame Mourani avait malheureusement des positions irréconciliables avec celles du parti concernant la charte des valeurs québécoise. Le Canada et le Québec proposent deux modèles complètement différents qui sont incompatibles.

L’un propose la ghettoïsation des individus ainsi que l’inversion du devoir d’intégration et l’autre propose de définir des bases communes pour encadrer la vie en société. Quand un pays a comme première phrase de sa constitution « que le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu », il est difficile de prétendre ensuite à la neutralité de cet État et surtout de dire qu’il n’y a pas de hiérarchie des droits en ce pays. Alors, quand le Québec propose d’établir une véritable neutralité de l’État et surtout quand le principe fondateur de la Charte priorise l’égalité entre les hommes et les femmes par rapport à la liberté religieuse, on comprend que la symbolique de cette charte est extrêmement forte.

Pour ce qui est du départ de Daniel Paillé, il est tout aussi regrettable, mais quand la maladie s’abat sur nous, on ne peut pas toujours y faire grand-chose. Daniel Paillé a travaillé très fort pour le parti et il nous a notamment laissé des finances et une organisation en bon état. Toutefois, nous pouvons aussi voir le déclenchement de la course à la direction du Bloc Québécois comme une opportunité pour le parti de débattre sur les orientations que nous voulons nous donner en vue des élections de 2015.

Il y a quelques jours un nouveau candidat s’est lancé dans la course à la chefferie du bloc : Mario Beaulieu, président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal. Après un débat, le forum jeunesse a appuyé sa candidature. Comment avez-vous pris cette décision, pourquoi et comment le forum va-t-il s’investir dans cette candidature ?

L’exécutif élargi du Forum jeunesse du Bloc Québécois (FJBQ) a constitué une liste de demandes afin de mieux cerner la vision des candidats en lice. Le FJBQ a par la suite annoncé qu’au terme de l’échéancier, le lundi 28 avril à 22h, il prendrait position en faveur du candidat ayant le mieux répondu aux revendications formulées.

Mario Beaulieu, président de la Société St-Jean-Baptiste de Montréal et du Mouvement Québec français, a transmis ses réponses au FJBQ quelques minutes avant l’heure de tombée. En plus de partager le désir de placer l’indépendance au cœur de l’action politique du Bloc Québécois, M. Beaulieu a soutenu et défendu le rôle du FJBQ au sein des instances du parti ; a exprimé son appui aux travailleurs et aux syndicats québécois dans leur lutte contre le projet de loi C-38 du gouvernement Harper ; s’est dit ouvert au principe de ne pas prêter serment à reine tout en ne définissant pas de modalité d’action précise ; partage le sentiment d’injustice quant à l’annexion du Labrador à Terre-Neuve, mais invite à la prudence dans ce dossier et surtout, au dialogue avec les autochtones ; fait le constat que l’idée républicaine fait son chemin chez beaucoup de Québécois en soutenant que l’indépendance nationale pose la question du régime politique dont le Québec voudra se doter ; croit qu’il doit y avoir un débat de société sur la légalisation de la marijuana ; s’oppose à tout entreposage de déchets nucléaires canadiens sur le territoire du Québec et, finalement, souscrit au consensus québécois concernant le protocole de Kyoto en soulignant que la situation provinciale du Québec l’empêche de participer aux décisions internationales en matière d’environnement. Ces réponses ont été considérées très satisfaisantes par le FJBQ.

Quant au candidat briguant le poste depuis plusieurs semaines déjà, André Bellavance, député de Richmond-Arthabaska et leader parlementaire du Bloc Québécois, il a signifié ne pas vouloir répondre à la demande soumise par le FJBQ. Ainsi, il n’a formulé aucune réponse aux revendications lui ayant été transmises par l’aile jeunesse.

Dans ces circonstances, après avoir tenu un vote sur la question, le FJBQ a pris la décision d’appuyer Mario Beaulieu dans la course à la direction du Bloc Québécois. Cette décision a été rendue à la majorité des voix exprimées.

Entretien réalisé par courriel
entre le 1er et le 4 mai

Pour aller plus loin :
Forum jeunesse du Bloc Québécois

Crédits photos : Facebook de Xavier Barsalou Duval / Page de soutien à Mario Beaulieu