La multiplication des partis

Lundi 30 juillet, un article de La Presse Canadienne largement repris a expliqué que le Directeur général des élections du Québec avait enregistré 20 partis officiellement pour l’élection, et qu’un 21ème pourrait même être habilité d’ici la clôture le 15 septembre. En tous les cas c’est déjà un record : « Jamais, dans l’histoire récente du Québec, on n’a atteint la vingtaine de partis » écrit La Presse Canadienne. Et de rappeler qu’en 2012 les 18 partis accrédités battaient déjà l’ancien maximum.

Hasard de calendrier, cette annonce sort en même temps qu’un site français lancé par Tris Acatrinei, du Projet Arcadie, visant à recenser tous les partis politiques français – actuels mais aussi passés – et leur date de création, adresse, dirigeant etc. Ce site vient de naître, il offre une base de donnée utile et prendra sans doute en ampleur au cours des ans. Là où le rapport avec le Québec est intéressant est qu’il recense… 541 partis en activités.

Pourquoi une telle distorsion entre le Québec et la France ? Il y a bien sur plusieurs biais :

  • La population, la France a plus de huit fois plus d’habitants (est 8 fois plus importante), avoir plus de partis peut sembler logique ;

  • En France des partis servent à tous les échelons (municipal, régional, national, européen, etc.) mais il existe aussi des partis strictement municipaux ou régionaux, alors qu’au Canada chaque échelon (fédéral, provincial, municipal) est distinct et à ses partis. Il faudrait donc ne comparer les partis provinciaux qu’au nombre de partis se  présentant aux élections législatives, par exemple – ce qui n’exclurait pas des partis locaux, comme les autonomistes Bretons où les indépendantistes Kanaks ;

  • Le nombre d’échelons territorial est plus important en France qu’au Canada, on y retrouve pas moins de 35300 communes, plus des départements, des régions, l’État (en deux chambres) et le parlement européen.

Cependant, s’il faudrait réduire un peu le chiffre de 541 partis français pour avoir une comparaison parfaite, cette liste présente bien les partis reconnus comme tels auprès des institutions compétentes, et ne prend pas en compte les multiples associations politiques, par exemple créés pour porter une candidature aux municipales. Cette reconnaissance comme parti entend des démarches particulières rigoureuses et permet des déductions fiscales plus importantes. Elle permet aussi d’être déclaré pour avoir droit au financement public.

La création de ces multiples partis est une astuce souvent utilisée pour permettre de fragmenter ses dons, par exemple si le parti d’un élu que l’on aime bien ne nous plaît pas, ce dernier peut créer un parti pour recevoir des dons qu’il pourra utiliser de manière plus performante. On l’a vu lors de la présidentielle où l’argent ramassé lors de la primaire de droite est allé à Force Républicaine, le parti de François Fillon, et pas au parti organisateur. S’ils ont finalement trouvé un accord financier le micro-parti permettait de « capter » des sommes et d’avoir une sécurité financière en ne dépendant pas d’une structure moins personnelle.

L’inexistence de ces multiples structures au Québec tient sans doute tant à une histoire politique différente – avec un poids historique du bipartisme anglo-saxon, même s’il est aujourd’hui plutôt un tri voir quadripartisme dans la plupart des parlements du Canada – qu’à des règles aussi bien de constitution que d’existence bien plus strictes.

Pour ce qui est des dons, la France autorise 7500 € de dons par ans et par personne (avec une limite au double par foyer), auquel peuvent s’ajouter 4600 € de dons à un candidat ou pour une élection précise, le tout déductible à 66 % des impôts (jusqu’à 20% du total). Si les dons sont vérifiés, les noms sont indisponibles au public. Au Québec un électeur peut donner au maximum 100 $ par parti par an, somme qu’il peut doubler en cas d’élection. Un site dédié permet de voir le nom de chaque donateur associé à sa la ville, son code postal et au détail des sommes versées sur plusieurs années.  Les partis ne peuvent a priori pas se financer entre eux, comme c’est le cas en France, ce qui évite des jeux de transit entre différente caisses (la tradition de l’accord politique avec plusieurs logos sur une affiche est aussi inexistante), on note enfin que les sommes sont bien plus modestes, suite à un changement de loi en 2014, d’autant que cette modification a aussi supprimé le crédit d’impôt pour les dons.

Au-delà des dons, qui sont certes une ressource (et la seule de la grande majorité des 541 partis français puisque seuls 16 d’entre eux ont accès au financement public), la manière de créer un parti diffère aussi. En France, il suffit de créer une  association loi 1901 à caractère politique. Pour cela il suffit de deux personnes, d’une adresse et de régler le coût de la publication au Journal officiel, puis de créer une deuxième association loi 1901 dédiée, elle, au financement du parti. Une fois cela fait, l’agrément arrive simplement et il est très facile de jouer sur les micro-partis pour amasser des sommes et les transvaser entre partis (une pratique que je ne crois pas autorisée au Québec, sauf en cas de fusion stricte).

Au Québec, les choses sont plus radicales : un parti peut au minimum avoir cent adhérents, que le DGEQ va contacter un par un pour vérifier leur volonté d’appartenance (quitte à demander une liste complémentaire), déposer 500 $ de caution (remboursée après le premier rapport financier valide) et présenter des candidats aux élections. Après plusieurs années sans présenter de candidats aux élections générales ou partielles, les partis sont radiés d’office. Ainsi, les partis ont une « obligation d’existence » et ne peuvent bien longtemps rester des coquilles vides servant à épargner pour des jours meilleurs ou au possible lancement d’une carrière personnelle.

Dans la plupart des articles, on note une analyse expliquant que des partis plus nombreux ne sont pas forcément le signe d’une meilleure démocratie, les participations aux élections baissant en parallèle. S’il me semble un peu spécieux de faire une corrélation directe entre ces éléments, il semble cependant que le système québécois et ses 21 partis gagne le combat de la transparence et de la clarté sur un système français où tout semble fait pour pouvoir réussir à bidouiller malgré des lois de régulations de plus en plus fermes (et c’est heureux) depuis les années quatre-vingt.

Entretien avec Alexandre Boulerice, député NPD de Rosemont – La Petite-Patrie

D’abord journaliste syndiqué, Alexandre Boulerice devient rapidement employé du Syndicat Canadien de la Fonction Publique, où il élaborera les stratégies de communication durant neuf ans. Militant néodémocrate depuis les années 90, il est élu député de Rosemont-La Petite-Patrie en 2011 lors de la vague orange. Construit idéologiquement, habitué à la joute orale, il prend rapidement des fonctions au sein du Caucus : d’abord porte-parole de l’opposition officielle pour le Conseil du trésor, il est aujourd’hui porte-parole en matière de Travail, en matière d’Éthique et pour le dossier Postes Canada.

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Lors d’une manifestation de soutien à Radio-Canada

Pour débuter, pouvez-vous revenir sur l’origine de vos engagements dans le syndicalisme et au NPD avant d’être député ? Vous avez déjà été candidat dans les années 90, ça remonte à loin…

J’ai toujours été sensible aux questions de justice sociale et de redistribution de la richesse. Je crois profondément que tout être humain devrait vivre dans la dignité. Cela a toujours influencé mon implication qu’elle soit syndicale ou politique. En effet, après avoir été représentant des journalistes pour notre syndicat local, j’ai découvert le monde des travailleurs non-syndiqués avec l’Union des travailleurs et des travailleuses de Montréal, d’où mon envie de participer à l’élaboration d’un bon filet social et d’un marché de l’emploi qui garantit des conditions décentes de travail. Cela m’a d’abord conduit à mon engagement au SCFP puis à la politique, pour qu’un réel changement se produise grâce au NPD.

Cette expérience vous a permis de prendre rapidement des responsabilités au sein du caucus. Pouvez-vous présenter des mesures fortes portées dans chacun de vos trois porte-parolats successifs (Conseil du Trésor, Éthique, Travail) ?

En ce qui concerne le Conseil du Trésor, j’ai dénoncé les coupures massives dans les services publics et les pertes d’emplois.

Au niveau de l’Éthique, le NPD a dévoilé et questionné les scandales des dépenses du G-20 détournées ainsi que les scandales des sénateurs conservateurs et du chef de cabinet du Premier Ministre, Nigel Wright.

Enfin étant porte-parole du NPD pour le Travail et porte-parole adjoint en matière d’éthique, nous avons lutté contre les projets de lois 377 et également déposé un projet de loi pour que, sous la juridiction fédérale, les travailleuses aient accès aux programmes provinciaux de retrait préventif de la femme enceinte.

Vous vous êtes particulièrement fait entendre sur la question des postes, où le NPD mène une lutte acharnée depuis le début du projet conservateur. Pouvez-vous rappeler à notre lectorat en quoi ce combat est crucial et ce que propose votre parti pour assurer la modernisation des postes sans attaquer le service public ?

La fin unilatérale de la livraison à domicile n’est pas justifiée financièrement et va heurter de plein de fouet les personnes âgées et les personnes handicapées. Les gens tiennent à ce service postal chez eux, nous avons les moyens de le préserver et il n’y a aucune raison d’être le seul pays du G7 à être incapable de livrer le courrier chez les gens. En plus, c’est 800 bons emplois qui risquent de disparaître.

Le combat continue puisque nous recevons tous les jours des pétitions de mécontentement de la position prise par les conservateurs sur le dossier de Postes Canada. Le NPD a d’ailleurs annoncé le 21 mai 2015 qu’il s’engage à remettre en place ce service après son élection.

On vous a également beaucoup entendu sur lors de la Guerre de Gaza de 2014, vous avez marqué largement votre solidarité, parfois plus que votre leader. Quelle position voudriez-vous voir prise par le Canada dans le conflit israélo-palestinien ?

Nous voulons une résolution de ce conflit où les peuples palestiniens et israéliens pourront vivre en paix et en sécurité. Nous favorisons des négociations, la fin des colonies illégales et la création d’un État palestinien basé sur les frontières de 1967. En effet, les deux États doivent être viables afin d’avoir une sécurité à long terme d’où la nécessité de les aider à négocier un réel processus de paix pour régler cette situation de crise durable.

Votre statut de membre de l’opposition vous empêche de pouvoir faire passer beaucoup de lois, il y a cependant un long travail de commission et, parfois, des compromis. Pouvez-vous citer deux exemples de projets que vous avez portés et qui vous tenaient particulièrement à cœur, qu’ils aient échoué ou aient été adopté ?

Comme vous l’indiquez, le fait d’être dans l’opposition permet surtout de montrer notre désaccord envers les mesures injustifiées que prennent les Conservateurs. Toutefois, nous avons réussi à faire adopter un projet de loi rendant obligatoire le bilinguisme pour les « agents du parlement » dont les Commissaires. C’était une grande victoire pour la place du français à Ottawa. En outre, nous avons aussi amendé le projet de loi 525 en écartant les pires règles prévues au départ, notamment pour compter les votes lors d’un processus de syndicalisation. Cependant, mon projet de loi sur le retrait préventif des femmes enceintes a été battu par les conservateurs et les libéraux.

Comme de nombreux députés néodémocrates votre élection a été une surprise. Quel est votre regard sur ces 4 ans de mandat inattendu, n’avez-vous jamais regretté votre vie d’avant et quelles mesures souhaiteriez-vous particulièrement porter si vous êtes réélu en 2015 ?

Ouf ! Oui!  Bien-sûr que l’on peut parfois regretter car la vie familiale souffre avec le travail de député. En effet, cette fonction n’avait pas été pensée au départ pour des parents avec des jeunes enfants. C’est pourquoi je considère que c’est la partie la plus difficile et ingrate de ce travail prenant, qui est par ailleurs formidable. Ainsi, j’apprécie de pouvoir représenté au mieux les gens de ma circonscription ainsi que de me faire le porte-parole d’enjeux si importants !

Si l’on gagne en 2015 ? Mes priorités sont une hausse des impôts des grandes compagnies, un service de garde public universel, le rétablissement d’un salaire minimum, la bonification des pensions et la fin de l’imposition des boites postales communautaires.

Entretien réalisé par courriel
entre avril et juin 2015

Pour aller plus loin
Site officiel

Crédit photos : Site officiel du député.

Les partielles en question

La rentrée politique au Québec a été marquée par de nombreux débats, parmi eux c’est curieusement un sujet un peu technique qui m’a interpellé : celui des démissions des députés et de leur remplacement. En effet, en à peine un mois deux députés de l’opposition ont démissionné, imposant la tenue d’élections partielles.

Il y a d’abord eu le caquiste Christian Dubé, élu dans Lévis depuis 2012, qui est devenu premier vice-président de la Caisse de dépôt et placement du Québec le 15 août. Pour l’économiste, un poste de haut-fonctionnaire de très haut niveau est bien plus intéressant qu’un siège de député, même vedette, de la deuxième opposition du Québec. Celui qui se rêvait ministre des finances a donc quitté son poste et l’élection pour lui succéder a lieu en ce moment.

Le 29 septembre ce fut au tour de la députée péquiste de Richelieu Élaine Zakaïb, elle aussi députée depuis 2012, de jeter l’éponge. Elle s’était présentée auréolée de son statut de femme d’affaire, d’administratrice efficace venue de l’entreprise et avait aussitôt récolté le siège de ministre déléguée à la Politique industrielle. Visiblement, revenir dans l’opposition lui semblait trop difficile et elle a préféré aller prendre la tête de l’entreprise de lingerie Jacob. Ce poste n’a rien d’une sinécure puisque l’entreprise est proche de la faillite et que Mme Zakaïb, qui y a travaillé, a affiché la volonté de sauver cette entreprise. Un vrai défi, mais il reste que pour cela elle abandonne sa circonscription.


Christian Dubé & Élaine Zakaïb

Plusieurs voix se sont levées pour dénoncer ces députés de l’opposition, candidat vedettes débauchés qui, une fois élu, préfèrent quitter l’Assemblée que de siéger sans avoir de pouvoir. On leur reproche leur peu de respect des électeurs, la mise en difficulté de leur parti1 ou, et c’est l’argument qui revient le plus, le coût d’une élection partielle. S’il est un peu triste que ce soit encore une question financière qui pousse les gens à s’interroger, il est vrai que ce n’est pas anecdotique : autour de 600 000 $ par élection !

Les trois arguments me semblent recevables en soit, l’idéal serait de partir de ce constat pour réfléchir autrement la gouvernance : plus de pouvoir pour l’opposition, instauration d’une proportionnelle forçant des majorités concertées etc. Mais bizarrement personne ne propose ce genre de chose, à peine Agnès Maltais ose-t-elle demander une réflexion sur le statut de l’opposition et, indirectement, un meilleur choix des candidats.

Sans faire de grande réforme, le code électoral français peut apporter une solution. En effet en France chaque élu au scrutin uninominal a obligatoirement un suppléant. Ainsi un député élu qui est nommé au gouvernement (inconciliable en France avec un statut de parlementaire), pour une mission longue, ou qui décède est automatiquement remplacé par son suppléant. Bizarrement cela de fonctionne pas en cas de démission, alors que le suppléant d’un autre type d’élu – le conseiller départemental – suppléé en toute circonstance.

Mais dans l’idée, on peut aller plus loin que la règle française, comme toujours bourrée d’exceptions et de bizarreries administratives et imaginer un système simple : chaque député se présente avec un suppléant pouvant le remplacer en cas de départ du poste, quelle qu’en soit la raison (démission, décès, maladie, etc.). L’idéal serait même que le suppléant puisse travailler effectivement durant des période d’absence prédéfinies, par exemple lors d’un congé maternité, une proposition de loi en ce sens a d’ailleurs été proposée et rejetée à l’Assemblée Nationale française – haaa, le pouvoir du patriarcat.

Le Québec aurait tout intérêt à se doter d’une loi de ce type, outre qu’elle évite des partielles coûteuse, elle permet de fournir une première expérience politique au suppléant – qui combat réellement au côté du titulaire –, voir de construire un véritable passage de relais entre un élu et son successeur. Cela aurait par ailleurs l’avantage d’être simple à comprendre et peu coûteux à appliquer… en attendant la véritable réforme démocratique qui se fera sans doute attendre encore quelques trop longues années…

Entretien avec Sol Zanetti, chef d’Option Nationale

Fondé en 2011 suite à la rupture du député Jean-Martin Aussant avec le Parti Québécois, Option nationale (ON) a pour volonté de rompre avec la « gouvernance souverainiste » pour remettre l’indépendance au cœur. Loin de se limiter à cette ligne, le parti adopte une ligne progressiste, accompagne les manifestations étudiantes, prend des engagements environnementaux… Lors des élections de 2012, Aussant échoue de peu à se faire réélire quand le parti obtient 1,89% au niveau provincial. L’année suivante, le chef démissionne pour se consacrer à sa famille, laissant ses troupes orphelines. Suite à une course à la chefferie, Sol Zanetti, enseignant en philosophie, a été élu pour lui succéder. Partisan d’un discours assumé, il incarne aussi une certaine jeunesse et une volonté débattre et de réfléchir qui a sans doute manqué ces derniers temps sur la scène partisane.

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Avant d’entrer dans le vif du sujet, pourriez-vous vous présenter, à travers votre parcours et ce qui vous a mené à rejoindre Option nationale, puis à candidater à sa chefferie ?
Je m’y suis impliqué parce que j’avais confiance en M. Aussant et en ceux qui l’entouraient. Ça faisait longtemps qu’on n’avait pas vu au Québec un homme politique mettre sa tête sur le billot pour l’indépendance. M. Aussant, en quittant la finance pour la vie de député, avait prouvé qu’il n’était pas là pour l’argent. En rompant avec le PQ qui se dérobait devant sa mission indépendantiste et en fondant un nouveau parti, il mettait son siège et sa carrière politique en jeu. L’engagement clair en faveur de l’indépendance, le discours intelligent et les positions audacieuses d’Option nationale en matière de progrès social et d’environnement m’ont enthousiasmé.

Avant de parler de fonds, parlons résultats électoraux. Malgré un enthousiasme réel (médiatique et militant) Option nationale a subi un rude échec en 2012 avec la défaite de M. Aussant. Le score, faible mais prometteur (1,89%) du parti a encore diminué en 2014 en tombant à 0,73%. Vous êtes connu pour une parole sincère, est-ce que ça a été une déception ? Quelle est votre analyse de ce scrutin ?
On ne s’attendait pas à avoir moins de 1 %, c’est clair. On a été déçus par la faible couverture médiatique de notre parti. Alors que durant la campagne 2012 nous n’avions eu que 1,5% du poids médiatique de la campagne, notre couverture est descendue à 0,21% durant la campagne de 2014. Suite au départ d’Aussant, tous les médias annonçaient notre disparition depuis un an et ça a laissé des traces dans la perception publique. Certains médias avaient pris la décision de ne pas nous couvrir. Ça a été dur, ça nous a mis à l’épreuve, mais ça a forgé notre persévérance. Le lendemain matin de l’élection, j’étais dans une école secondaire pour faire la promotion de l’indépendance devant 200 élèves. Option nationale, c’est comme Rocky Balboa, ça se relève toujours.

Vous êtes enseignant en philosophie, Option nationale a justement mis au cœur de son travail la réflexion sur l’indépendance et la pédagogie. Quel travail mettez-vous en place, où vous semble-t-il nécessaire, pour transmettre l’idéal d’indépendance ?
C’est assez simple. En démocratie, lorsqu’on veut augmenter les appuis à notre projet, on doit en faire la promotion. On doit rendre l’argumentaire accessible, s’adresser à l’intelligence des gens et être fier des idées pour lesquelles on se bat. Et il faut le faire même lorsque les sondages sont contre nous. Ça paraît peut-être évident, mais au Québec, ça faisait un moment que le mouvement indépendantiste dérivait. Il essayait de se faire élire pour d’autres raisons que celle qui devait être sa raison d’être, comme quelqu’un qui tente de plaire en se travestissant pour être plus populaire. Option nationale, c’est le début d’un retour aux sources pour tous les indépendantistes.

Option nationale est un mouvement jeune : parce qu’il a été fondé récemment, mais aussi parce que la moyenne d’âge des militants est très basse. Ce à tel point qu’on a vu le Bloc ou l’aile jeunesse du PQ dire vouloir s’inspirer de vos méthodes. Comment parler à cette jeunesse d’après-95, qui n’a jamais eu à choisir sur le sujet de son avenir ?
Il y a un jeune en chacun de nous. Pour le réveiller chez autrui, il faut soi-même faire preuve de courage. Il faut parler franchement, prendre des risques quand on s’adresse au public, prendre des risques lorsqu’on prend position, se mettre en jeu, montrer qu’on n’a pas peur de perdre. Il faut prendre le risque de l’authenticité. La prise de risque, c’est ce qui suscite la confiance du jeune qui parfois sommeille en chaque citoyen.

À mes yeux, une chose qui distingue Option nationale est sa grande ouverture au monde, à rebours des clichés présentant les indépendantistes comme des sectaires xénophobes. Pouvez-vous développer cette idée d’indépendance inclusive qui vous semble chère ?

Le Québec, à l’image de l’Amérique, a toujours été une terre d’accueil pour les immigrants. Nous sommes un peuple fortement métissé. Métissé avec les Autochtones, mais aussi avec les Irlandais, les Écossais, les Italiens, les Allemands, les Grecs, les Vietnamiens, les Haïtiens, les peuples du Maghreb, de l’Afrique, de l’Amérique du Sud, etc. Par exemple, 50% des Québécois ont du sang autochtone. C’est par la force de notre culture que nous parviendrons à faire en sorte que les enfants d’immigrants reconnaissent le Québec comme leur patrie et qu’ils veuillent participer à construire son histoire.

Cette ouverture au monde se manifeste notamment par une attention accrue à ce qui se passe en dehors des frontières du Québec, notamment au sein des mouvements indépendantistes européens (Catalogne & Écosse) ou récemment en Palestine…
Bien sûr, nous suivons de près les démarches de tous les peuples en lutte pour leur liberté. Les avancées de chacun sont pour nous un encouragement et une source d’espoir. Nos situations sont différentes, mais l’enjeu démocratique fondamental est le même : toutes les nations ont le droit d’avoir leur pays, de prendre elles-mêmes entièrement les décisions qui vont façonner leur avenir. C’est fondamental. Le nationalisme est souvent mal vu par la gauche des nations qui ont déjà leur État. Le nationalisme y est associé, souvent avec raison, à la droite conservatrice. Mais le nationalisme des résistants, de ceux qui se battent pour préserver leur différence et accéder à une plus grande démocratie, est au contraire très progressiste.

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Option nationale s’affirme aussi comme progressiste. Au-delà de l’indépendance, vos positions sur l’éducation, l’économie ou l’environnement sont également en rupture avec le Parti québécois. Pourquoi ce besoin d’affirmer un axe politique au-delà de la seule indépendance ?
Nous sommes avant tout un parti de coalition, mais il faut tout de même proposer des projets de société emballant aux Québécois, des projets susceptibles de mobiliser les citoyens. Le programme d’Option nationale est centré sur l’intérêt national. Les mesures qui y sont proposées visent à la fois la prospérité et la protection de l’environnement, de la culture et de nos intérêts stratégiques. C’est un programme qui se défend bien du point de vue de l’intérêt collectif des Québécois. Bien sûr, il n’existe pas de programme qui parvienne à plaire à tout le monde. L’essentiel, c’est d’être clair sur notre objectif principal, qui est de faire un pays.

Vous vous êtes engagé, avec de nombreux militants d’Option nationale, dans la course à la chefferie du Bloc Québécois en soutenant activement Mario Beaulieu. À la surprise de nombreux cadres et journalistes, il a été élu. Pourquoi cet engagement à ses côtés et comment regardez-vous ses premiers mois de direction ?
Nous l’avons appuyé parce qu’il voulait faire du Bloc Québécois, qui est pourtant un parti fédéral, un véhicule de promotion de l’indépendance au Québec. Il incarnait cette volonté de retour aux sources qui anime le mouvement indépendantiste depuis quelques temps. J’ai été surpris de voir à quelle résistance il a dû faire face au sein même de son parti. Ça en dit long sur l’état du mouvement indépendantiste actuellement. Je pense qu’il est en voie de tenir ses promesses, ce qui est bon signe.

Depuis votre création, beaucoup soulignent des similitudes entre votre programme et celui de Québec Solidaire. S’il y a des différences, plusieurs initiatives ont eu lieu pour que les partis travaillent ensemble, il y a même eu des « pactes de non-agressions » ponctuels en 2012 (pas de candidat ON face à Mme David, pas de QS face à M. Aussant). Êtes-vous favorable, ou au moins ouvert, à des genre de « primaires d’indépendantistes » dans certaines circonscriptions ou la division du vote peut être fatale aux positions de la majorité des citoyens ?
Nous avons toujours été ouverts à la collaboration avec n’importe quel parti qui déciderait de prendre l’engagement clair de faire l’indépendance. C’est même inscrit dans nos statuts. Le problème c’est que le manque de confiance s’est installé profondément dans le mouvement indépendantiste depuis 1995 et les partis ont développé des stratégies complexes et tordues qui rendent hypothétique l’engagement à faire du Québec un pays. Lorsqu’ils sortiront de cette confusion, nous serons ravis de travailler avec eux.

Plus largement, le système électoral vous satisfait-il dans sa forme actuelle et que proposez-vous pour rapprocher le citoyen du politique, au-delà même de la question indépendantiste ?
Il est évident que notre mode de scrutin archaïque, non-proportionnel et hérité de la monarchie britannique favorise un bipartisme conservateur malsain. Il faut vite inclure une dimension de proportionnalité dans notre mode de scrutin. Cela favoriserait l’émergence d’idées nouvelles et aiderait en enrayer le cynisme ambiant. Pour ce qui est de revaloriser la politique, il n’y a pas de solution miracle, il faut que les politiciens fassent preuve d’un authentique courage. Et s’ils n’y arrivent pas, c’est aux citoyens de s’impliquer et de montrer l’exemple.

Entretien réalisé par courriel
en août/septembre 2014

Pour aller plus loin
Site d’Option Nationale
Entretien avec Catherine Dorion

Crédit photo : photos officielle issue du facebook de M. Zanetti

Entretien avec Alexandre Leduc, ancien (et futur) candidat solidaire dans Hochelaga-Maisonneuve

Historien de formation, ancien militant étudiant, Alexandre Leduc travaille aujourd’hui comme organisateur syndical à l’Alliance de la fonction publique du Canada. Très impliqué dans les luttes sociales, c’est aussi un fervent indépendantiste, ce qui l’amène assez naturellement à rejoindre Québec solidaire. En 2012 et du haut de ses 27 ans, il se jette dans l’arène politique. Candidat dans Hochelaga-Maisonneuve, un fief péquiste de Montréal, il emporte un des plus hauts scores du Québec (23,69 %), terminant deuxième et devenant « l’opposition officielle » locale.

En 2013 il est candidat au poste de porte-parole-président de Québec solidaire mais est battu par Andrès Fontecilla, son voisin de Laurier-Dorion. Loin d’être démotivé par cette défaite, il repart à l’assaut d’Hochelaga-Maisonneuve en 2014, augmentant son score de près de 10% et manquant de peu l’élection. Bien parti pour venir augmenter le caucus orange à l’Assemblée dans quatre ans, il profite du temps donné pour quadriller le terrain et réfléchir à l’action politique.

campagnePhoto de la campagne de 2014

Avant de commencer l’entretien peux-tu présenter ton parcours et ce qui t’as amené à t’investir au sein de Québec Solidaire jusqu’à en porter les couleurs ?

Je suis issu d’une famille de la classe ouvrière qui a pu survivre en partie grâce au filet social de l’État (frais de scolarité bas, éducation gratuite, santé publique, salaire minimum, etc). Je ne viens pas d’une famille à tradition militante quoiqu’elle avait des valeurs de partage et de solidarité très fortes basées sur le vieux fond judéo-chrétien qui caractérise encore une partie de la social-démocratie québécoise contemporaine.

C’est vraiment à l’université que je me suis réalisé politiquement, à travers mes études en histoire (au cours desquels j’ai été en contact avec les théories marxistes) et le mouvement étudiant (où j’ai développé des pratiques militantes). J’ai approfondi ces apprentissages dans le mouvement syndical par la suite où j’ai pu militer ouvertement à Québec solidaire, le seul parti qui représentait l’ensemble de mes valeurs : progressisme, indépendantisme, écologisme, féminisme.

Vu de l’extérieur, le tissu syndical a encore l’air solide au Québec, pourtant les gouvernements successifs ont pris des mesures très violentes. Dans la fonction publique, on sabre des emplois de manière drastique. Je pense notamment à Hydro-Québec où le PQ a fait des coupes très violentes. Toi qui es à leur contact tous les jours, comment le vivent les salariés ? Et y a-t-il des impacts sur les services ressentis par les usagers ?

Au Québec, environ 40% des travailleurs sont syndiqués. C’est le plus haut taux de syndicalisation en Amérique du Nord. Pour la gauche, c’est la raison pour laquelle nous avons au Québec une des sociétés les moins inégalitaires de cette région du monde. C’est d’ailleurs au Québec que la contestation contre la réforme du gouvernement fédéral sur l’assurance-emploi est la plus forte.

Le démantèlement de l’État est un projet partagé autant par le PLQ, la CAQ et le PQ. Bien sûr, ces trois partis savent qu’ils ne peuvent pas le mettre en pratique de manière frontale, donc ils utilisent la technique du goulot d’étranglement. En prenant comme excuse l’austérité, vous réduisez substantiellement le financement des services publics, rendant presque impossible le maintien de leurs services et l’accomplissement de leur mission, ce qui frustre les citoyens et l’opinion publique. Le fruit est mûr pour les privatisations partielles et encore plus de coupures.

Les salariés du secteur public livrent bataille. Les centrales syndicales développent des solidarités dans le cadre d’un Front commun qui donne des résultats inégaux. En ce moment, une très grosse bataille se prépare sur le front des fonds de retraite que le gouvernement veut charcuter, notamment à cause de quelques maires de municipalités en manque d’attention médiatique.

Cela dit, un des principaux défis du mouvement syndicat dans les prochaines années sera de s’assurer une relève et d’intégrer des travailleurs issus de l’immigration dans ses structures.

Une critique constante faite à Québec Solidaire serait d’être, dans le meilleur des cas, totalement utopiste voire, dans d’autres cas, violemment opposé à l’entrepreneuriat. Que réponds-tu à ces assertions et quelles propositions portent QS pour l’entreprise ?

C’est le lot de plusieurs partis de gauche en Occident. Dès qu’on parle de mieux redistribuer la richesse, on se fait accuser de ne pas être sensible au fait de devoir en créer d’abord. Pour QS, il est possible de faire les deux en même temps.

Nous avons des propositions intéressantes dans notre programme à ce sujet, notamment en matière de délocalisation d’entreprise. C’est un non-sens économique complet de laisser une entreprise rentable fermer ses portes dans un quartier ou dans une ville et de la regarder partir ailleurs les bras croisés. Après une étude économique qui démontre la rentabilité de l’entreprise, QS propose de mettre en place un cadre législatif qui faciliterait la reprise d’entreprise en la transférant à une coopérative de travail.

Nous voulons également soutenir les PME via l’augmentation du pouvoir d’achat de l’ensemble des citoyens. Que ce soit en augmentant le salaire minimum ou en facilitant l’accès à la syndicalisation, nous croyons être en mesure de stimuler la consommation et ainsi augmenter les revenus des PME.

Avec son plan de sortie du pétrole, QS vise à stabiliser le huard (dollar canadien), qui est en ce moment complètement dopé par l’exploitation et l’exportation du pétrole sale albertain. Les économistes appellent ce phénomène le « mal hollandais » Il nuit fortement à ce qu’il reste du tissu industriel québécois qui doit, en matière d’exportations internationales, composer avec une devise trop forte par rapport à l’économie réelle.

Un de tes axes de combat pour le porte-parolat de Québec Solidaire était de mettre en avant la question d’indépendance. Malgré un programme clairement indépendantiste, on reproche en effet souvent à QS sa tiédeur sur le sujet. Comment l’expliques-tu et comment souhaites-tu le combattre ?

C’est en effet un constat que je mettais de l’avant durant la course interne à QS. S’il faut reconnaître que QS a un problème sur le sujet, il faut également reconnaître que c’est un problème de perception. Si on analyse le discours et les textes émanant du parti depuis sa création, il faut vraiment être de mauvaise foi pour plaider que QS n’est pas vraiment indépendantiste. La nuance est la suivante : QS n’est pas SEULEMENT indépendantiste. Il est également de gauche, écologiste et féministe. Pour certaines personnes, ces valeurs sont de trop et viennent déclasser l’indépendance dans leur hiérarchie des luttes à mener. À notre avis, une telle hiérarchie n’existe pas et en créer une est contre-productive.

L’arrivée du multimillionnaire Pierre-Karl Péladeau comme candidat péquiste durant l’élection de 2014 aura été l’occasion pour notre formation de préciser notre pensée à ce sujet. Bien sûr, lors du prochain référendum, nous allons faire campagne pour le « oui » avec tous les souverainistes, ce qui inclut Péladeau, Lucien Bouchard et autres conservateurs. Mais non, nous n’allons pas travailler avec eux sur le reste des sujets. Bien au contraire, nous allons nous opposer vertement à leur austérité, leur politique antisyndicale, à leur pétrophilie.

À ce propos, as-tu observé la course à la chefferie du Bloc Québécois ? Le moins que l’on puisse dire est que l’indépendance est revenue au cœur de leurs débats.

Oui, mais de loin. Je ne suis pas membre d’aucun parti politique fédéral et mon exécutif local m’a demandé de demeurer neutre sur la question. La seule chose que je dirai est qu’il est agréable de constater que la question de l’indépendance est en effet revenue au devant de la scène. De plus, j’ai été agréablement surpris de voir que les débats avaient également porté sur la place des autres partis politiques au sein du Bloc. Cela fait longtemps que le Bloc est accusé de n’être rien d’autre que l’aile fédérale du PQ, alors que les militants de QS et d’ON étaient laissés de côté. À chaque élection provinciale, il était coutume de voir le chef du Bloc faire une conférence de presse conjointe avec le chef du PQ pour dire qu’ils allaient appuyer le PQ. En tant que militant de QS, le message était : on ne veut pas de vous. Il sera intéressant de voir ce que sera l’attitude de Mario Beaulieu en 2018.

Sur l’indépendance, tu mets souvent en avant un travail auprès des communautés culturelles étrangères, qui sont souvent hostiles à un projet vu comme excluant. Le même processus était à l’œuvre lors du débat sur la Charte des valeurs, à laquelle Québec Solidaire s’est opposé. Une laïcité d’état paraît pourtant un vrai enjeu mais le débat a semblé étouffé par des postures avant tout stigmatisantes. Quelles sont les propositions du parti et ta position sur ces sujets ?

On entend parfois de la part de certains Canadiens anglais que les Québécois seraient plus racistes et moins ouverts à la diversité culturelle. C’est bien sûr une immense fausseté. L’histoire de la société québécoise est traversée par l’immigration depuis la fondation de la colonie par la France au 17e siècle. La plus récente immigration arabo-musulmane a généré son lot de défis et de tensions que le PQ a tenté d’exploiter politiquement avec son projet de charte des valeurs.

Mon parti a développé une position nuancée basée sur les résultats de la commission Bouchard-Taylor qui s’était penchée sur le phénomène des accommodements raisonnables. Partisans d’une approche interculturelle plutôt que multiculturelle, nous avons proposé notre propre projet de Charte dont on peut résumer l’essence par : laïcité des institutions de l’État, liberté des individus.

Malheureusement, la manipulation grossière de l’enjeu identitaire par le PQ a fait en sorte d’éloigner considérablement la communauté arabo-musulmane de la souveraineté, alors que c’était la communauté la plus proche de ce projet. Sur ce plan, tout est à reconstruire et QS doit jouer un rôle important car la réputation du PQ est foutue pour au moins une bonne décennie.

 ledAlexandre Leduc en avril 2014 avec Manon Massé et Amir Khadir

Tu étais candidat dans une circonscription potentiellement gagnable, et le score final a été réellement serré. Si Québec solidaire voit ses scores progresser partout on ne peut nier que son centre électoral se trouve à Montréal, les trois députés du parti sont dans des circonscriptions voisines de la tienne et de Laurier-Dorion, où vous obtenez aussi un très bon score. Si avoir un fief n’est pas un mal, comment faire pour décupler l’influence de QS en région ?

Le fait que les votes progressistes soient plus concentrés dans les grands centres urbains n’est pas un phénomène propre à QS ou au Québec. On observe la même chose au Canada, en France ou ailleurs. Ce n’est donc pas surprenant que QS ait fait élire ses premiers députés dans les quartiers centraux de Montréal. La droite a exactement le même problème, mais à l’inverse. Il n’y a en effet aucun député de la CAQ dans les nombreuses circonscriptions montréalaises.

Cependant, il est faux de dire que QS ne croît pas en dehors de Montréal. Une analyse plus pointue des données électorales démontre une croissance importante, notamment à Rimouski.

Le défi de QS repose plutôt dans sa capacité à faire résonner sur la scène nationale les bons discours que ses candidats ont déjà développés dans leurs régions respectives. Par exemple, les candidats de la région de Québec avaient développé une plateforme régionale très précise. De plus, l’équipe dans Rimouski a fait de Marie-Neige Besner une candidate au rayonnement régional et même national.

Cela étant dit, des réflexions ont lieu en ce moment sur la possibilité de cibler une circonscription hors Montréal et d’investir plus de temps et d’énergie pour y faire élire un ou une nouvelle solidaire. Rimouski pourrait être ce terrain propice. La ville est réputée plutôt progressiste et est le lieu de résidence de plusieurs étudiants (cégep et université) qui sont, en général, plus susceptibles d’être sympathiques aux idées de Québec solidaire.

Finalement battu, tu as annoncé vouloir te représenter en 2018. Tu as forgé le concept d’« opposition officielle locale », peux-tu nous dire ce que cela signifie pour toi et ce que tu comptes mettre en œuvre pour obtenir ton entrée à l’Assemblée nationale dans quatre ans ?

À peine 1000 voix nous séparaient de la victoire dans Hochelaga-Maisonneuve. J’ai pris la décision de me représenter en 2018 au courant de la dernière semaine de campagne pour différentes raisons : 1) j’avais beaucoup apprécié mon expérience de 2012 et de 2014, 2) j’étais très fier du travail accompli par notre équipe, 3) je crois qu’il est important d’avoir une certaine stabilité dans les candidatures, 4) j’avais le goût de continuer à incarner une certaine relève dans le parti. J’en ai donc fait l’annonce le soir même du vote ce qui a été, je le souhaite, un léger baume pour les militants.

Nous avons développé le concept d’opposition officielle locale après l’élection de 2012 ou nous sommes arrivés bons deuxièmes. Le PQ règne sans partage sur Hochelaga depuis 1970. Il n’y a jamais eu de force politique organisée qui, entre les élections, remette en question le travail de la députée dans le quartier. Nous avons voulu incarner cette opposition officielle entre 2012 et 2014 et j’estime que cela a relativement bien fonctionné. Nous avons réussi à critiquer publiquement la députée Carole Poirier sur les dossiers du transport en commun et des écoles contaminées. Cela a tellement bien fonctionné que, durant cette période, nous avons eu plus de couverture médiatique que la députée elle-même.

Dans l’immédiat, mon équipe et moi-même allons prendre du repos et un peu de recul, mais ce ne sera que pour revenir en force dans quelques mois avec la ferme intention de mener des dossiers de front, de faire du bon travail de terrain et de construire maintenant notre victoire de 2018.

Entretien réalisé par courriel
en août 2014

Pour aller plus loin :
Blog d’Alexandre Leduc
Page facebook d’Alexandre Leduc
Québec solidaire

Entretien avec Audrey Boisvert, militante multi-fonctionnelle

Si elle s’est fait discrète depuis quelques années, Audrey Boisvert reste ancrée dans la mémoire des électeurs de Laval et du Québec. En 2005, à 18 ans, elle se présente face à l’inamovible Gilles Vaillancourt et obtient 18% des voix, les médias suivent de près cette jeune femme aux convictions bien accrochées qui n’a pas peur de se jeter dans l’arène. Une seconde étape est franchie quand elle est candidate, en 2008, pour Québec Solidaire dans Vimont en 2008 (4,3 %). Puis elle s’en va vers la Gaspésie et quitte la vie publique pour se consacrer à l’écologie concrète, une autre forme de politique. Entretien avec une militante qui n’a cessé de se battre.

Avant de parler strictement politique, peux-tu te présenter à nos lecteurs, expliquer d’où-tu viens, quelle est ta formations, quelles sont tes valeurs clefs, ce que tu fais aujourd’hui, etc. ?

Tout d’abord, je suis native de Laval, la troisième plus grande ville au Québec. Sa caractéristique principale est qu’elle est la banlieue de Montréal. Jusqu’à 16 ans, je ne me suis pas trop questionnée sur mon environnement ayant grandie dans une famille bienfaisante.

C’est entre 16 et 18 ans que j’ai premièrement acquis un esprit critique face à ma ville et à la société en général. Je me suis impliquée dans un organisme qui s’appelle le Forum Jeunesse de Laval et qui gérait de grosses sommes d’argent pour des projets jeunesses. C’est grâce à eux, entre autres, que je me suis de plus en plus intéressés à la vie politique municipale. À peu près au même âge, je suis entrée au Cégep Ahuntsic pour faire deux ans d’études en sciences humaines. J’ai participé à recréer le comité d’environnement étudiant.

En 2005, une grève étudiante s’est déroulée partout au Québec et ce fût une expérience super enrichissante qui m’a permis de rencontrer des gens ayant les mêmes valeurs que moi et aussi de participer de façon active aux événements militants. Nous avons fait la grève pendant 10 jours, dormant au cégep et participant à des manifestations tous les jours. C’était le début d’une conscience sociale et d’un devoir de participer à l’amélioration des conditions de vie pour tous et toutes.

Ensuite, en 2007, je suis allée à l’université en travail social. Ces études allaient dans le sens d’une plus grande justice sociale, d’une meilleure compréhension des enjeux sociaux actuels et d’une augmentation des outils pour réussir à faire une différence. Après mon BAC, en 2010, direction Gaspésie, région éloignée du Québec. Je me suis installée et j’ai travaillé pour le gouvernement et pour un organisme sans but lucratif. J’y ai rencontré de fabuleuses personnes! Je me suis impliquée dans plusieurs projets et organismes dont le centre de femmes de mon village Femmes en Mouvement et les soirées de slam/poésie.

Pendant mon séjour à Bonaventure, avec des amis, nous avons démarré un projet de communauté intentionnel qui s’appelle le Manoir. ( www.triple-brain.org/manoir)

Présentement, après avoir voyagé un peu partout au Québec au début 2014, je me suis installée depuis le mois de mai aux États-Unis, en Virginie, dans une communauté intentionnelle vivant et partageant mes revenus avec 100 autres personnes. Cette communauté s’appelle Twin Oaks et a des valeurs d’égalité, de féminisme et de non-violence.

Tu as dit que ta candidature en 2005 avait « marqué l’imaginaire collectif », ce qui est indéniable. Au delà de ton âge, le fait de n’avoir pas d’expérience politique et d’être une femme étaient autant de handicap dans un monde politique macho, vieillissant et peu ouvert, et pourtant tu as obtenu un score très honorable. Comment est-née cette candidature, et comment as-tu décidé d’y aller ?

Cette candidature est née surtout à cause d’un excellent momentum entre ma vie, mes implications, mes amiEs et la politique de ce temps-là. Avec des amis, au printemps 2005, nous étions allés à une simulation du conseil municipal lavallois organisé par le forum jeunesse de Laval (dont je faisais partie) Après cette scéance, nous nous étions amusés à imaginer les prochaines élections municipales (en novembre 2005) en présentant 200 candidatEs. Vu qu’il faut seulement 200 signatures pour se présenter aux élections, on pensait que chaque personne pourrait signer pour les 199 autres! C’est de là qu’est partie l’idée.

Donc, on arrive en septembre où j’obtiens facilement 200 signatures de personnes de mon cégep. Je me suis donc présentée au greffier de la ville qui recevait les candidatures. Rendue là-bas, le monsieur m‘a dit: es-tu certaine de vouloir faire cela? Ça engendre des coûts aux lavallois!! Dans ma tête, je pensais :  »Oui, oui, la démocratie, ça l’a un coût monsieur, vous avez raison. » Lui, il prenait pour Gilles Vaillancourt. Je me demande ce qu’il est devenu maintenant!

Quelques heures après être allée porter ma candidature, je me demandais: Mais comment je vais faire pour que les lavalloisEs sachent que Gilles Vaillancourt n’est plus la seule option? Je me disais que j’allais peut-être organiser une conférence de presse à un moment donné. Dans tous les cas, je ne devais pas dépenser d’argent puisque j’avais un budget 0. Finalement, un journaliste m’a contacté la journée même pour me poser des questions sur ma candidature. Le lendemain, plus de journalistes m’ont contactés. Finalement, quand je revenais de l’école, j’avais souvent des messages d’une dizaine de journalistes.

Je trouvais important de répondre aux journalistes, pour permettre aux gens de savoir qu’il y avait une alternative. Je n’ai jamais pensé gagner et je ne voulais pas être mairesse de Laval non plus. Mais, c’était primordial de militer en faveur d’un meilleur urbanisme, d’une démocratie saine ainsi que d’une meilleure protection de l’environnement.

Ta candidature a soulevé l’intérêt de tes concitoyens, puisque tu as obtenus 18% des voix, mais aussi des médias. Comment as-tu géré cette soudaine « célébrité », ne t’es-tu pas souvent sentie réduite au rôle de « candidate la plus jeune du Québec » ? Aujourd’hui quel bilan tires-tu de cette campagne ?

En fait j’ai eu 16% des voix. Ce qui équivaut à environ 12 600 personnes.

On peut donc dire que j’ai marqué l’imaginaire de mes concitoyen-nes, des médias et aussi des habitant-e-s du Québec. Cette campagne électorale n’en était pas vraiment une. Je n’ai pas serré de mains, je ne suis pas allée dans un centre de personnes âgées, j’avais 0$ de budget. Dans le fond, je participais activement à ce qui m’était proposé par les journalistes.

Sérieusement, depuis cette expérience, je pense que les médias influencent à au moins 16% les votes. Les gens ne me connaissaient pas, ils auraient pu voter pour les 4 autres candidats qui se présentaient en même temps que moi, mais les médias parlaient surtout de moi. Il était donc plus simple, si on ne voulait pas du maire sortant, de voter pour la personne qui avait le plus de visibilité.

En repensant à la campagne, je pense aussi à tous les mauvais articles de journaux qui sont sortis sur moi avec plein d’erreurs à l’intérieur. C’est un peu troublant d’avoir une conversation avec un journaliste qui, par après, écrit un article avec des phrases que je n’ai pas dites ou des informations fausses. Ça me questionne vraiment sur la véracité de ce qui sort dans les journaux ou à la télévision !

2010-05-19-10-09-10-4bf3f1066da34AngBoisvert_-Audrey en 2008 lors de la campagne provinciale
(Article sur le site du 
Courrier de Laval)

En 2008, tu rejoins Québec Solidaire pour les élections provinciales et te présentes dans Vimont, une décision commentée et vue comme une « belle prise ». Mais au-delà de cette réduction médiatique, qu’est-ce qui t’as fait rejoindre QS et où en es-tu avec ce parti aujourd’hui ?

En 2008, j’habitais encore à Laval et le parti de Québec Solidaire n’était pas un parti très connu. Avant les élections, aucun député n’avait été élu. C’est en 2008 que le parti a reçu environ 5% des votes et a eu son premier député: Amir Khadir. Dans le fond, je m’intéressai à ce parti dès sa formation, puisque c’était celui-ci qui me rejoignait le plus dans mes valeurs. Étant à Laval, je savais que je n’avais aucune chance d’être élue et c’était tant mieux parce que je ne voulais pas rester 4 ans de plus à la banlieue !

Encore aujourd’hui, QS est le parti qui est le plus prêt de moi. Avec son plan de sortie du pétrole, ses prises de décisions humanistes, féministes et pour un Québec plus égalitaire, c’est aussi dans ce sens-là que j’ai le goût d’aller pour la société. C’est sûr que le système électoral tel qu’on le connaît a fait ses preuves quant à son incapacité à résoudre la crise environnementale et à répondre aux besoins fondamentaux de tous et toutes. Québec Solidaire participe à ce système lui aussi, mais il est surtout une petite roche dans l’engrenage bien huilée.

Présentement, en 2014, 3 députés de QS ont été élus et je suis sûre que leur travail sera bénéfique pour la société en général. Pendant les élections en mars 2014 j’étais en Gaspésie et j’ai aidé la candidate de QS, Patricia Chartier, dans sa campagne. Notamment à écrire ses discours pour les débats publics. J’étais contente d’aider une telle candidate, très à gauche dans le parti. Après avoir eu les résultats des élections qui indiquaient que les libéraux étaient majoritaires, Patricia mentionnait qu’on devrait retourner dans la rue pour faire valoir nos intérêts, parce que c’est comme ça que les libéraux nous avaient habitués. J’ai aimé ce discours et oui, il faut s’organiser entre les élections !

Au delà-de cet engagement politique, ta vie en Gaspésie est aussi au plus près de tes convictions, notamment écologistes. Peux-tu nous expliquer ce qui a décidé ton départ de Laval et ce que tu construis à Bonnaventure ?

Mon départ de Laval s’est fait graduellement. C’est en 2008 que je suis partie de Laval pour déménager à Montréal dans un collectif (coop sur généreux). Ensuite, après mes études en travail social, j’ai décidé d’aller vivre en campagne puisque c’était un rêve que je chérissais depuis plusieurs années. Pour moi, la banlieue (Laval est le paroxysme de ce concept) n’est pas fait pour moi puisque c’est un endroit où l’individualisme, la culture de consommation et la non-valorisation de l’environnement dominent l’espace. J’avais le goût que mon mode de vie soit plus ancré avec mes valeurs.

La Gaspésie m’attirait particulièrement, tout le monde y passe ses vacances, pourquoi je ne passerais pas un bout de ma vie là-bas? Alors, depuis 2010, mon domicile stable (quand je ne suis pas en voyage) est situé dans le village de 3000 habitants de Bonaventure. J’ai pu créer un jardin, avoir des poules, cueillir des champignons sauvages, aller à la pêche, fabriquer une toilette compostable chez moi. Toutes ces choses et même plus encore sont possibles puisque j’habite en campagne.

À Bonaventure, j’ai travaillé comme travailleuse sociale et intervenante pour les jeunes. J’ai aussi vécue avec plusieurs personnes dont 8 à l’été 2013. J’ai toujours aimé vivre en commun et je pense que le faire peut être un acte politique. Vivre ensemble, c’est éloigner un peu plus l’individualisme de ma vie et nous rendre tous et toutes plus fort-e-s. Je ne me suis pas impliquée beaucoup en politique dans les quatre dernières années. Mais je ne suis pas restée indifférente à ce qu’il se passait autour de moi et même plus loin, à Montréal pour la grève étudiante de 2012 par exemple.

Bien que retirée des affaires publiques, tu y es brièvement revenue l’an dernier, quand Gilles Vaillancourt et une grande partie de son conseil sont tombés pour corruption. Par un slam et un entretien au Devoir tu as appelé les citoyens de Laval à se réveiller. Pourquoi as-tu ressenti le besoin de sortir ainsi de te réserve ? Et penses-tu un jour revenir en politique active ?

Lorsque Gilles Vaillancourt a été accusé de gangstérisme, j’étais très contente qu’enfin il se passe quelque chose sur ce sujet. Les lavallois-e-s en parlaient depuis plusieurs années. Jusqu’à maintenant, il n’y a pas eu de comparution, mais j’ai très hâte de voir comment cela va se passer. Avec tout l’argent qu’il s’est fait, on peut facilement croire qu’il pourra se payer les meilleurs avocats pour se défendre !

Pour moi, cette histoire d’élection municipale de 2005 est chose du passée et c’est un journaliste du Devoir qui m’a contacté pour une entrevue. Je trouve ça important de répondre aux journalistes, ça donne une voix à une autre façon de voir la politique, du moins à Laval ! Par hasard, quelques semaines avant cette entrevue, j’avais écrit un slam sur Laval, ma ville natale pour nos soirées de slam à Bonaventure. Je l’ai proposé au journaliste qui a tout de suite voulu le publier. (vous pourrez bientôt visionner un court extrait de mon slam dans le film l’Espouère de Moïse Marcoux-Chabot)

Outre cet événement médiatique anecdotique, je ne pense pas vraiment retourner en politique-électorale- active. Je vois la politique avec un œil différent où les citoyen-ne-s ont aussi du pouvoir sur les décisions des députés et ministres. Je suis politisée, active dans mes réflexions et essayant de mettre à l’avant des manières alternatives de vivre. Je pense pouvoir aider parfois le parti de Québec Solidaire puisqu’eux seuls peuvent être une roche dans l’engrenage si bien huilée du système électoral québécois. (je veux enlever la dernière phrase.)

Personnellement, je ne pense pas me représenter comme candidate pour bon nombre d’années encore. Néanmoins, je ne veux pas mettre de côté la possibilité d’être un jour candidate dans mon village avec une équipe de gens voulant vivre différemment.

Entretien réalisé
en mai-juin 2014

Pour aller plus loin :
– Slam et rencontre avec Audrey après la démission de Gilles Vaillancourt ;
Lespouère, film de Moïse Marcoux-Chabot où l’on croise la communauté où Audrey vit actuellement.

Crédits photos : Audrey Boisvert en 2013 et Courrier de Laval

Solidaire de toutes les nations sans état, j’ai fait mon choix pour le Bloc

Après avoir interviewé les deux candidats à la course à la chefferie du Bloc Québécois, il était désormais de mon devoir d’adhérent du parti (et oui) de faire mon choix. J’ai soupesé leurs réponses, mais aussi beaucoup regardé et lu leurs autres interventions, cherchés quelles étaient leurs priorités pour le parti comme pour le Québec. Vous trouverez ci-après une tribune publiée parallèlement sur le Huffington Post Québec expliquant mon choix.

Cela fait des années que je m’intéresse au Québec, d’abord en tant que critique de bande dessinée, puis comme visiteur acharné, et enfin comme analyste politique sur un blog dédié. C’est un peu étrange, sans doute, de voir un français prendre part au débat politique québécois, mais je le fais en camarade et non en colon. Quand j’ai choisi de rejoindre Québec Solidaire en 2008 c’était pour soutenir un projet global – mettant à égalité social, écologie et indépendance – pour un Pays que je rêve de voir exister, quand bien même je n’y résiderai pas. Je voulais aider un petit parti qui n’avait alors qu’un député, et je ne le regrette pas.

J’ai pris ma carte au Bloc plus tardivement, parce que je voyais mal l’utilité de députés fédéraux indépendantistes, parce que l’attitude méprisante du parti envers d’autres formations que le PQ me déplaisait. Aussi parce que le parti était ultra-dominant, et n’avait pas besoin de moi. En 2011 la sonnette d’alarme a été tirée, la sévère défaite du Bloc – pour tout un tas de raisons déjà bien analysées – m’a poussé à m’y intéresser, jusqu’à rejoindre le parti en 2013. Car quand on se penche sur les travaux des députés bloquistes on voit l’importance qu’ils ont eu pour le Québec, on voit le sérieux de leur travail, leur volonté progressiste, et que la violence du rejet était assez injuste. J’avais donc envie de soutenir ce Bloc là.

La course à la chefferie créé par la démission surprise a longtemps failli ne pas avoir lieu. André Bellavance, ultra-favoris, voyait ses concurrents potentiels se désister et semblait courir droit vers le poste. Ses qualités sont indéniables et il les prouve chaque jour, à l’Assemblée comme ailleurs. Mais après de nombreux événements douloureux – du départ de Mme Mourani au retour des libéraux après un an de péquisme –, le débat semble plus que jamais nécessaire. Pas un débat histoire de brasser de l’air, mais un vrai débat, stratégique, mettant en valeur les propositions du Bloc et certaines divergences qui existent en son sein. Accepter des opinions différentes à partir d’un corpus commun n’est pas un défaut, c’est signe de sanité démocratique, pas de division, et c’est ce qu’a offert la candidature de Mario Beaulieu.

Militant de longue date de la cause indépendantiste M. Beaulieu a expliqué s’être lancé dans la course pour éviter que le Bloc ne fasse la même erreur que le PQ : celui de la « bonne gouvernance ». Et ce ne sont pas des paroles en l’air, le risque est là, et l’on trouve d’étonnant parallèle à ce sujet entre le Québec et la France.

Au Québec le PQ a décidé depuis longtemps de ne pas porter haut l’indépendance, se cachant derrière une politique du petit pas, excluant avec frayeur tout référendum, préférant créer les conditions d’un pays. Pourquoi pas ? Mais outre que cela semble dire que les conditions ne sont pas là – or, elles y sont – , force est de constater que la recette de fonctionne pas. Élue sur la détestation de Jean Charest en 2012, Pauline Marois n’a pas réussi à transformer l’essai dans une campagne qui s’est transformée en jeu de massacre quand les candidats péquistes ont commencé à expliquer qu’ils voulaient un pays. Mais n’est-ce pas normal quand on est dans un parti indépendantistes ? Loin d’attirer les personnes réticentes quand à l’indépendance, cette position tiède ne fait qu’en repousser les militants.

On trouve un peu la même chose en France ou le Parti Socialiste s’est fait élire en 2012 sur un programme de lutte contre la finance et de réorientation de l’Europe, sans oublier là aussi une détestation du sortant. À peine élu le président Hollande enterra ses promesses, se posant en gestionnaire face aux marchés financiers, en solitaire de gauche dans une Europe de droite ne pouvant rien faire d’autres que de suivre une ligne libérale en acceptant du bout des doigts quelques réformes sociétales. Bref, en impuissant, en tiède. Le résultat ne s’est pas fait attendre : aux municipales les socialistes ont subit une défaite historique, pas tant que la droite ait progressé en voix, mais les électeurs de gauche ne voyaient pas pourquoi voter pour un parti menant la même politique que le précédent gouvernement, tandis que ceux de droite préféraient l’original à la copie.

La réponse d’Hollande à cette sanction du peuple de gauche fut de nommer premier ministre le plus à droite de ses cadres, accentuant encore ce fossé, confirmant la chute aux européennes ou le PS obtint le pire score de son histoire et le Front National, parti d’extrême droite xénophobe, se pavana en première place.

Quand j’entends M. Bellavance appeler les non-indépendantistes à voter pour le Bloc car c’est pour lui le meilleur moyen de servir le Québec je ressens le même non-sens. Alors que les électeurs ont sévèrement sanctionné le flou de madame Marois sur la question du référendum, André Bellavance prône la même stratégie. Mais nous connaissons son résultat : on ne peut qu’échouer en reniant son ADN.

Mario Beaulieu, alors que tous les sondages montrent un décrochage de l’option souverainiste, propose de remettre ce débat au cœur. « Hérésie ! » crient certains, mais c’est pourtant ce qui semble la seule solution logique. Si les partis indépendantistes renoncent à porter fièrement ce combat, qui pourra le faire ? Si l’option souverainiste baisse, n’est-ce pas justement parce que plus personne ne la porte fièrement, en expliquant pourquoi c’est non seulement possible, mais aussi souhaitable ? Mario Beaulieu propose d’investir sur l’avenir, en reprenant le grand travail de réflexion et de pédagogie sur le sujet. Il souhaite faire du Bloc le porte-voix des nombreuses initiatives citoyennes sur l’indépendance, fructueuses, riches, mais peu audibles. Il souhaite tout simplement mettre les moyens du parti au service de son but premier. Une évidence me direz-vous ? Je suis d’accord, mais ce n’est malheureusement pas ce que propose son adversaire.

C’est d’abord dans l’Imaginaire collectif qu’un pays s’impose, c’est en s’affirmant peuple qu’on le devient et ce n’est pas en cachant ses convictions qu’on peut les partager. J’ai décidé de soutenir Mario Beaulieu dans la course à la chefferie du Bloc Québécois parce que je veux pas voir le pays Québec disparaître des esprits, et que je veux revoir des citoyens de tous âges porter avec enthousiasme cet espoir. Français mais solidaire de toutes les nations sans état, en amour du Québec depuis des années, mon choix est fait pour que le Bloc et ses idées résonnent à nouveau.

Entretien avec André Bellavance, député de Richmond-Arthabaska, candidat à la chefferie du Bloc Québécois

Le premier déclaré des candidats à la chefferie du Bloc Québecois en est aussi l’un des rares élus. Journaliste de carrière, qu’il émaille de quelques postes de collaborateur parlementaire, il a principalement officié à la radio, notamment autours de Victoriaville. En 2004, il réussit à prendre des mains des conservateurs la circonscription de Richmond-Arthabaska. Député apprécié, il est réélu en 2006, en 2008 et est un des quatre survivant des élections de 2011.

Porte-parole du parti en matière d’agriculture et d’agroalimentaire et leader parlementaire depuis décembre 2011, il a rapidement annoncé ses ambitions lors de la démission de Daniel Paillé. Longtemps seul en lice, il mène campagne depuis des mois, a le soutien des trois autres parlementaires et fait figure de favoris. Premier à nous avoir répondu, nous publions donc son entretien avant celui de Mario Beaulieu, qui paraitra la semaine prochaine.

En 2011, le Bloc a subi sa plus sévère défaite. Comment avez-vous analysé cette défaite et avec quels objectifs souhaitez-vous aborder les élections de 2015 ?

Après l’élection de 2011, nous avons entamé une analyse sérieuse des résultats de la campagne électorale. Nous avons fait ce travail avec rigueur et sans complaisance. Cela nous a conduit à lancer un grand chantier de réflexion auprès de toutes les militantes et de tous les militants afin de redéfinir en profondeur ce qu’est le Bloc Québécois et ce à quoi nous aspirons. Cet exercice audacieux culminera les 23 et 24 mai prochain à Rimouski.

Quant à l’aspect plus technique, avant d’être contraint de quitter pour des raisons de santé, Daniel Paillé a fait un travail important pour moderniser l’organisation et nous donner les moyens d’atteindre notre objectif : montrer aux Québécoises et aux Québécois que seul le Bloc Québécois porte l’ensemble de leurs valeurs, l’ensemble de leurs aspirations et l’ensemble des consensus québécois.

Beaucoup d’électeurs ont de la sympathie pour le Bloc mais se questionnent sur l’utilité d’un parti fédéral qui ne peut pas avoir de majorité. Comment justifiez-vous le sens du Bloc ?

Le Bloc Québécois est le seul parti sur la scène fédérale qui a défendu, et qui défend encore, chacun des consensus de l’Assemblée nationale.

Au sein des partis fédéralistes, même quand l’Assemblée nationale parle d’une seule voix, il s’en trouve toujours pour dire qu’ils connaissent mieux ce qui est bon pour le Québec que le seul Parlement contrôlé par la nation québécoise !

Cependant, ce ne sont pas seulement les partis fédéralistes qui sont à la source du problème. C’est le système fédéral lui-même. Le fossé entre les intérêts du Québec et les intérêts du Canada s’élargit jusqu’à les rendre souvent inconciliables. Pourtant, aucun parti fédéraliste n’est prêt à permettre au Québec de faire ses propres choix, de prendre ses propres décisions.

Vous n’avez jusqu’ici jamais été candidat-e à la chefferie d’un parti, qu’est-ce qui vous a motivé à y aller cette fois-ci ? Et quels sont les axes majeurs de votre candidature ?

Mon ambition a d’abord été d’être un bon député.

Je me considère comme un joueur d’équipe. J’ai appuyé Gilles Duceppe, j’ai appuyé Daniel Paillé, et j’ai toujours cru sincèrement qu’ils étaient en mesure de faire avancer le Québec.

Mais comme dans toute équipe, il faut prendre ses responsabilités, ne pas reculer quand c’est à notre tour de prendre le leadership, quand ce sont nos forces et nos qualités qui sont requises. J’estime avoir la rigueur, l’écoute, l’humilité et la ténacité pour conduire le Bloc Québécois aux prochaines élections.

Dès le 22 avril, j’ai dévoilé les trois axes majeurs qui fondent ma candidature et qui découlent des nombreuses rencontres et discussions tenues avec les militantes et militants depuis les dernières élections fédérales. J’entends démontrer que ce ne sont pas seulement les partis fédéralistes qui sont à la source du problème, mais le système fédéral lui-même ; faire du Bloc Québécois une coalition au sein de laquelle les souverainistes et tous ceux et celles qui croient que le Québec mérite d’être respecté pourront contribuer et favoriser l’implication des élus du Bloc Québécois dans les débats qui touchent directement la population.

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Vous êtes élu depuis 2004, avez-été vice-président du caucus et êtes leader parlementaire, dans ce laps de temps quelle sont les projets de lois qui vous ont particulièrement tenus à cœur ? Pourriez-vous présenter des victoires législatives à nos lecteurs ?

Outre les batailles et les victoires du Bloc Québécois sur la reconnaissance de la nation, le déséquilibre fiscal, les commandites, la loi antigang et les mesures contre les fraudeurs, je suis particulièrement fier d’avoir fait adopter à l’unanimité une motion pour la protection de la gestion de l’offre qui empêche encore aujourd’hui le gouvernement de sacrifier les agriculteurs lors des négociations de libre-échange.

Je suis aussi très heureux d’avoir déposé un projet de loi visant à abolir la Loi sur la clarté qui octroi au gouvernement fédéral le dernier mot sur un référendum tenu au Québec. Même si le projet a été battu, cela a été l’occasion pour le Bloc Québécois d’accueillir un nouveau député, Claude Patry, et ça nous a permis de démontrer que tous les partis fédéralistes refusent à la nation québécoise le droit de choisir librement son avenir.

Vous avez-vécu la sévère défaite de 2011, l’exclusion de Mme Mourani, la démission de M. Paillé, la chute de Mme Marois et du PQ… Si vous êtes-élus à la chefferie du Bloc, quelles seront vos premières actions ?

Ce n’est pas parce que le chemin apparaît difficile qu’il est infranchissable, au contraire. Je suis prêt, dès le jour 1, à mettre les efforts qu’il faut pour redonner aux Québécoises et aux Québécois une alternative aux partis fédéralistes.

D’abord, je fais en sorte que le Bloc Québécois se rapproche encore davantage des Québécois, qu’il défende leurs intérêts dans tous les dossiers. Je m’assure que le Bloc Québécois se rebranche sur les préoccupations des citoyens.

Ensuite, je compte faire élire des députés pour qu’on se redonne la force du nombre, les moyens de nos ambitions et pour faire la différence pour les gens, en travaillant pour le Québec, au quotidien.

Parallèlement à notre travail de députés de tous les Québécois, je veux lancer l’idée d’une vaste réflexion sur l’avenir du Québec. Si je deviens chef du Bloc Québécois, je vais initier de nouveaux chantiers de réflexion sur l’avenir du Québec et la souveraineté en 2015.

 

Pour aller plus loin :
Site de campagne d’André Bellavance
Site officiel (hors-campagne) d’André Bellavance
Page facebook d’André Bellavance

Crédits photos : http://www.andrebellavance2014.com

Entretien avec Clément Laberge, ex-candidat PQ dans Jean-Talon

Depuis le début de ce blog, je souhaite interviewer des militants et élus péquistes. Mes positions sont souvent sévères pour ce parti, comme en atteste mon dernier article, mais ils rentrent encore à mes yeux dans l’arc progressiste québécois que je veux défendre ici. Voici donc un premier entretien d’un militant de valeur, dont l’engagement culturel m’a interpellé.

Considéré dans un article récent comme un « pionnier du web québécois », Clément Laberge est un entrepreneur passionné de technologie et de culture. Fondateur (Septembre média en 1997, Opossum en 2003) ou cadre dirigeant (iXmédia, chargé de développement numérique chez Éditis) de nombreuses sociétés d’éditions, il est actuellement vice-président principal de De Marque, société leader dans la production de contenus et dans la distribution de livres numériques. Très engagé dans le débat sur le prix unique du livre, il a porté les couleurs du Parti Québécois dans Jean-Talon (Québec la ville) lors des dernières élections générales. Il a terminé deuxième dans ce fief libéral, 7824 voix (22,48 %), distancé par le député sortant Yves Bolduc, qui a obtenu 15492 voix (44,5%).

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Vous êtes un acteur reconnu du milieu culturel au Québec. Expert du milieu du livre et particulièrement de sa transition numérique on vous a récemment entendu à propos de la loi sur le prix unique du livre ? Craignez-vous qu’avec l’élection de libéraux le projet soit abandonné ?

J’ai fait tout ce qui était possible depuis quatre ans pour expliquer et plaider la nécessité d’une intervention de l’État dans ce sens. Un projet de loi a finalement été préparé par le ministère de la Culture, mais n’a pas pu être déposé à l’Assemblée nationale avant le déclenchement de la campagne électorale… et je crains qu’il ne soit finalement jamais déposé.

Je pense qu’il n’y aura pas de réglementation du prix des livres neufs au Québec à court ou moyen terme. Il faudra donc trouver des moyens alternatifs pour soutenir le travail des libraires et l’écosystème éditorial dans son ensemble.

Vous avez décidé d’être candidat pour le Parti Québécois aux dernières élections. C’est une prise de risque notable. Qu’est-ce qui vous a donné envie, alors que vous êtes un acteur institutionnel, de vous engager dans la politique active ? D’autant que vous vous engagiez dans un fief libéral, difficile à remporter même en cas de vague péquiste.

J’aurais évidemment souhaité être élu le 7 avril, mais si cela avait été ma seule motivation en me portant candidat, j’aurais été bien candide de me présenter dans la circonscription de Jean-Talon. Mais, pour moi, la politique c’est d’abord et avant tout un moyen d’agir, concrètement, dans son milieu de vie – il était donc normal de me présenter dans la circonscription que j’habite. Je n’ai jamais considéré cela comme une prise de risque, plutôt comme une opportunité.

Je considère que quand on se porte candidat dans une élection, c’est d’abord et avant tout pour avoir l’occasion de faire avancer quelques idées au sein de la population – dans un contexte privilégié pour le faire. Et, de ce point de vue, je n’ai pas été déçu, bien au contraire! Malgré le résultat, je suis très fier de mon expérience, et ravi de toutes les rencontres que cela m’a donné l’occasion de faire, dont plusieurs auront assurément des suites d’ici la prochaine élection… et une éventuelle deuxième expérience comme candidat.

Une question qui amène la suivante : pourquoi avoir choisi le Parti Québécois ? Cela tient-il à de vieilles convictions, à une foi indépendantiste, au bilan de Pauline Marois… ou à un peu de tout ça ?

Le Parti Québécois est depuis toujours une large coalition de personnes qui ont essentiellement en commun le projet de faire du Québec un pays.

C’est une coalition qui a connu depuis quarante ans des périodes plus « centre-gauche » et d’autres plus « centre-droit », mais qui a toujours été guidée par des valeurs sociales-démocrates – et qui a toujours vécu avec les incessants débats et rapports de force qui accompagnent cette nature de coalition.

Je suis souverainiste et je crois profondément dans cette idée qu’un parti politique doit être un creuset dans lequel diverses tendances présentes dans la société doivent se confronter… Dans le but de faire émerger des propositions concrètes qui pourraient être mise en œuvre rapidement et de façon pragmatique. Il était donc naturel que je milite au sein du Parti Québécois et que j’en porte les couleurs comme candidat.

La présence de Pauline Marois comme chef du parti était certainement une raison de plus pour être candidat. Il s’agit d’une femme extraordinaire, avant-gardiste et généreuse. Son bilan marquera l’histoire du Québec, malgré la cruelle défaite du 7 avril.

Parlons de culture, puisque c’est votre sujet de prédilection. On a assez peu entendu Maka Kotto, l’actuel ministre de la culture québécois, ce qui ne veut pas dire qu’il n’ait rien fait. Pourriez vous, vous qui fréquentez ce monde de l’intérieur, décrypter ce qui différencie l’approche culturelle des péquistes et des libéraux ? C’est un sujet qui n’a pas été abordé durant la campagne.

Maka Kotto n’a été ministre de la Culture que pendant 18 mois – c’est bien peu pour déployer d’ambitieuses politiques.

Il est clair que les enjeux culturels ont depuis toujours une résonance particulière pour le Parti Québécois – notamment parce qu’ils s’inscrivent le plus souvent dans une perspective d’affirmation nationale. Il faut d’ailleurs souligner que la plate-forme électorale du Parti Libéral ne comportait absolument rien concernant la culture, ce qui m’apparaît absolument invraisemblable pour un parti politique qui prétend gouverner le Québec.

Quoi qu’il en soit, tout le monde a bien constaté que les questions culturelles n’intéressaient que bien peu de gens pendant cette élection, que les médias n’y accordait aucune importance… et que tout cela n’aura probablement eu aucun effet sur les résultats.

En dépit de cela, je pense qu’il faut aussi faire preuve d’autocritique et se dire que cette indifférence apparente trouve son origine dans un manque de différenciation dans les approches culturelles des différents partis, vus somme toute comme « interchangeables » par une partie importante de la population. Il faut probablement se questionner sur cela et voir à clarifier dans les prochaines années ce qui distinguera, de façon évidente, l’approche proposée par le Parti Québécois de toutes les autres.

Si vous évoluez dans le milieu culturel, vous vous présentez dans votre CV, sur votre site, avant tout comme un entrepreneur. Le PQ se revendique progressiste, même si depuis Lucien Bouchard il a connu un tournant social-démocrate (voire social-libéral) les profils d’entrepreneurs restent rares dans ce parti ouvert, mais fondé en partie sur l’idée d’un État fort. Que pensez-vous y apporter et pensez-vous avoir de la place pour vos idées ?

Je pense que la perspective entrepreneuriale n’est pas assez présente dans la pensée et le discours politique. Et que si on veut changer cela il faut qu’un plus grand nombre d’entrepreneurs s’engagent en politique, pour témoigner de cette réalité – qui n’est en rien contradictoire avec la sociale démocratie et la nécessaire solidarité qui l’accompagne.

Je crois qu’un des plus grands défis de la politique aujourd’hui est de bâtir chez les citoyens une meilleure confiance individuelle et collective, d’ancrer dans la population la conviction que nous ne sommes pas à la merci de forces économiques ou politiques qui nous dépassent, et que nous maîtrisons notre destin collectif. Et, pour cela, la valorisation de l’attitude entrepreneuriale me semble déterminante – bien au delà, d’ailleurs, des simples enjeux économiques associés.

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À ce titre l’arrivée de Pierre-Karl Péladeau a été un moment fort de la campagne, qui a eu l’effet inverse de celui escompté. Revivifiant les anti-référendum, il a aussi servi de repoussoir à de nombreux électeurs de gauche, PKP n’étant pour le coup pas connu pour son progressisme. Quel est votre regard sur cette candidature ?

Je me suis réjoui de la candidature de Pierre-Karl Péladeau et je me réjouis de son élection.

Je réitère que dans la perspective où le Parti Québécois est – et doit demeurer – une très large coalition, sa présence vient enrichir nos débats et pourra contribuer à renouveler les propositions que nous formulerons aux Québécois lors de la prochaine élection (et d’ici-là, d’ailleurs!).

Plusieurs ont voulu faire de M. Péladeau un épouvantail (pour la gauche, pour les fédéralistes, etc.). Je pense que c’est une simplification inutile et trompeuse. Les causes de l’échec électoral sont plus complexes.

Les fédéralistes ont beaucoup caricaturés les souverainistes en petit groupe reclus sur lui même, se refusant au monde. Vous qui avez vécu en France, été employé par l’un des plus gros groupe d’édition européen et dirigez aujourd’hui une structure qui est clairement tournée vers l’international, que leur répondez-vous ?

Je n’ai pas envie de répondre à cela. C’est un portrait grossier et malveillant qui ne résiste à aucune analyse un tant soit peu sérieuse. Il faut tout de même admettre que nous nous sommes inutilement exposés à être décrits de cette façon et que nous n’avons pas su réagir adéquatement. Il faudra savoir éviter ce piège dans l’avenir.

La redéfinition du projet souverainiste et la façon de le présenter – dans un environnement médiatique qui a dramatiquement changé depuis quarante ans – constitue assurément un des plus grands défis auxquels nous sommes confrontés dans les prochaines années. Un des plus stimulants aussi

Ce « souverainisme ouvert » que vous défendez a semblé pour beaucoup de gens en décalage avec le projet de Charte des valeurs portée par M. Drainville. Si une charte de la laïcité semble une bonne idée, comprenez-vous les critiques sur la manière dont le débat a été porté ? Le PQ a été très clivant, stigmatisant diront certains, et a refusé en bloc la plupart des amendements de compromis. Après les élections, la discipline de parti se relâche et les langues se délient un peu, quelle est votre position sur ce sujet sensible ?

Je pense que le projet de Charte répondait à des enjeux bien réels et qu’il soulevait des questions importantes pour l’avenir de la société québécoise. S’il y a un mea culpa à faire à cet égard, ce n’est effectivement pas tant sur le fond que sur la manière dont le débat a été porté.

Pour cette raison, je crois que ce n’est pas tant le projet de Chartes en lui-même qui était en décalage avec un « souverainisme ouvert », mais bien l’intransigeance (au moins apparente) dont les porteurs du dossier ont fait preuve.

La large défaite du PQ ne peut se limiter à la Charte ou à PKP. Même si cela a sans doute joué, ce serait simplifier à outrance. Quels sont vos autres éléments d’analyse ? Sur quoi pensez-vous que le PQ doit travailler dans les mois à venir et vous y investirez-vous ?

Comme je l’ai dit précédemment, je crois effectivement que la défaite ne peut s’expliquer par une ou deux causes aussi faciles à identifier.

Il est encore un peu tôt pour identifier précisément les principaux éléments d’analyse pour la suite. Je pense que chacun fait individuellement ses propres constats et que nous devrons mettre cela en commun dans les prochaines semaines et les prochains mois.

Néanmoins, il m’apparaît d’ors et déjà évident qu’un des défis important qui nous attend est de combattre l’ambiguïté sur tous les fronts pour arriver à formuler des propositions beaucoup plus claires, à tous égards : sur la souveraineté et la démarche pour éventuellement y arriver, sur l’éducation, la culture, sur ce qui concerne les questions environnementales, etc.

Il faudra accepter l’idée que s’il est vrai – comme certains le prétendent – qu’une partie de la population a voté pour le Parti Libéral surtout pour voter contre nous, c’est peut-être surtout parce qu’on ne lui a pas offert de raisons suffisantes pour avoir le goût de voter pour nous…

Nous aurons aussi des questions à se poser sur la manière de mener une élection – et sur la pertinence (efficacité) de mener des campagnes aussi fortement dirigée vers les chefs (surtout quand celui-ci est sensé représenter une coalition). Une bonne réflexion aussi sur l’environnement médiatique dans lequel nous évoluons.

Et bien sûr que je m’investirai dans ces réflexions essentielles!

Quelques semaines après l’élection la stupeur est retombée, c’était votre première candidature, dans une circonscription difficile, et elle se solde par un échec. Vous avez cependant menée une campagne active, qu’en retenez-vous ?

J’ai déjà pas mal répondu à ces questions…

Je ne regrette rien. Je suis très fier de ce que j’ai réalisé, malgré les résultats (cela n’a rien à voir avec les résultats, en fait !). J’ai beaucoup appris (encore plus que je n’aurais pu le croire). J’ai aussi acquis une connaissance et une compréhension de ma région, que je pense que je n’aurais pas pu obtenir autrement. J’ai finalement développé une expérience de campagne électorale – avec des personnes absolument extraordinaires.

À l’évidence je pense rééditer l’expérience à l’avenir.

Je pense même que la probabilité d’être élu sera encore un peu moins importante la prochaine fois – parce que le processus démocratique et les débats auxquels une candidature donne lieu, me semblent valoir, en eux-mêmes, tous les efforts qu’il faut y consacrer.

Entretien réalisé par courriel
entre le 24 et le 27 avril 2014

Pour en savoir plus :
Blog personnel de Clément Laberge et notamment ses 1ère réflexions post-électorales ;
Site « Nos Livres à juste prix » sur le Prix Unique ;

Crédit photo : PQ Jean Talon / Le Soleil, Yann Doublet