Les partielles en question

La rentrée politique au Québec a été marquée par de nombreux débats, parmi eux c’est curieusement un sujet un peu technique qui m’a interpellé : celui des démissions des députés et de leur remplacement. En effet, en à peine un mois deux députés de l’opposition ont démissionné, imposant la tenue d’élections partielles.

Il y a d’abord eu le caquiste Christian Dubé, élu dans Lévis depuis 2012, qui est devenu premier vice-président de la Caisse de dépôt et placement du Québec le 15 août. Pour l’économiste, un poste de haut-fonctionnaire de très haut niveau est bien plus intéressant qu’un siège de député, même vedette, de la deuxième opposition du Québec. Celui qui se rêvait ministre des finances a donc quitté son poste et l’élection pour lui succéder a lieu en ce moment.

Le 29 septembre ce fut au tour de la députée péquiste de Richelieu Élaine Zakaïb, elle aussi députée depuis 2012, de jeter l’éponge. Elle s’était présentée auréolée de son statut de femme d’affaire, d’administratrice efficace venue de l’entreprise et avait aussitôt récolté le siège de ministre déléguée à la Politique industrielle. Visiblement, revenir dans l’opposition lui semblait trop difficile et elle a préféré aller prendre la tête de l’entreprise de lingerie Jacob. Ce poste n’a rien d’une sinécure puisque l’entreprise est proche de la faillite et que Mme Zakaïb, qui y a travaillé, a affiché la volonté de sauver cette entreprise. Un vrai défi, mais il reste que pour cela elle abandonne sa circonscription.


Christian Dubé & Élaine Zakaïb

Plusieurs voix se sont levées pour dénoncer ces députés de l’opposition, candidat vedettes débauchés qui, une fois élu, préfèrent quitter l’Assemblée que de siéger sans avoir de pouvoir. On leur reproche leur peu de respect des électeurs, la mise en difficulté de leur parti1 ou, et c’est l’argument qui revient le plus, le coût d’une élection partielle. S’il est un peu triste que ce soit encore une question financière qui pousse les gens à s’interroger, il est vrai que ce n’est pas anecdotique : autour de 600 000 $ par élection !

Les trois arguments me semblent recevables en soit, l’idéal serait de partir de ce constat pour réfléchir autrement la gouvernance : plus de pouvoir pour l’opposition, instauration d’une proportionnelle forçant des majorités concertées etc. Mais bizarrement personne ne propose ce genre de chose, à peine Agnès Maltais ose-t-elle demander une réflexion sur le statut de l’opposition et, indirectement, un meilleur choix des candidats.

Sans faire de grande réforme, le code électoral français peut apporter une solution. En effet en France chaque élu au scrutin uninominal a obligatoirement un suppléant. Ainsi un député élu qui est nommé au gouvernement (inconciliable en France avec un statut de parlementaire), pour une mission longue, ou qui décède est automatiquement remplacé par son suppléant. Bizarrement cela de fonctionne pas en cas de démission, alors que le suppléant d’un autre type d’élu – le conseiller départemental – suppléé en toute circonstance.

Mais dans l’idée, on peut aller plus loin que la règle française, comme toujours bourrée d’exceptions et de bizarreries administratives et imaginer un système simple : chaque député se présente avec un suppléant pouvant le remplacer en cas de départ du poste, quelle qu’en soit la raison (démission, décès, maladie, etc.). L’idéal serait même que le suppléant puisse travailler effectivement durant des période d’absence prédéfinies, par exemple lors d’un congé maternité, une proposition de loi en ce sens a d’ailleurs été proposée et rejetée à l’Assemblée Nationale française – haaa, le pouvoir du patriarcat.

Le Québec aurait tout intérêt à se doter d’une loi de ce type, outre qu’elle évite des partielles coûteuse, elle permet de fournir une première expérience politique au suppléant – qui combat réellement au côté du titulaire –, voir de construire un véritable passage de relais entre un élu et son successeur. Cela aurait par ailleurs l’avantage d’être simple à comprendre et peu coûteux à appliquer… en attendant la véritable réforme démocratique qui se fera sans doute attendre encore quelques trop longues années…

Pourquoi s’intéresser à la politique québécoise?

C’est une vraie question, d’ailleurs nombreux sont les amis dans mon entourage qui ne comprennent pas cet étrange intérêt, qui n’a à leurs yeux rien de rationnel.

De nombreuses raisons plus où moins objectives me donnent pourtant envie de m’y mettre, parmi elles :

1) J’aime la politique, j’aime le Québec, il était logique que ces deux sujets qui me passionnent se retrouvent. Certains me diront « Tu es aussi passionné de BD, pourquoi ne pas plutôt parler de la BD québécoise en ce cas ? ». Et bien je le fais, mais ailleurs (par exemple , ou ). Quand à la BD politique je l’étudie par ailleurs mais j’en parlerai plus tard. Et je ne m’interdis pas de parler de BD politique québécoise sur ce blog.

2) Il y a une effervescence. Le Québec c’est évidemment la question indépendantiste, mais ce n’est pas la seule, et elle évolue depuis des années en se complexifiant. Il y a notamment la création et l’affirmation de différents partis de gauche (indépendantistes aussi d’ailleurs) qui réussissent à obtenir des élus, une certaine résistance au bipartisme et aussi un grand brassage permettant à certains partis alors minoritaires de prendre leur envol… et parfois de s’écraser rapidement, c’était le cas de l’ADQ, mais il y a quelque chose de stimulant, comme si des choses s’essayaient. Au-delà des partis, cette effervescence s’est largement ressentie lors du Printemps érable, qui fut un moment bien plus intéressant que de nombreuses élections, et qui a sans doute été trop vite enterré.

3) Il y a quelque chose de réjouissant dans cette parcelle francophone d’Amérique du nord (même si ce n’est pas la seule), il y a une nation qui électoralement joue une partition très différente du Canada et qui s’en distingue pour plein de raisons, il y a d’incroyables réserves de ressources naturelles, un questionnement qu’il m’intéresserait de creuser sur les premières nations, etc. Ce n’est certainement pas par chauvinisme que le Québec doit nous intéresser, mais parce qu’il y a au Québec une culture propre, aux confluences de nombreuses identités (et pas un simple mix de culture française, anglaise et américaine comme on pourrait paresseusement le croire).

4) Soyons vendeurs, il y a de l’actu. Le gouvernement péquiste étant minoritaire il y aura sans doute des élections cette année, ou en tous cas sous peu. La campagne sera en tous cas très courte, certains évoquant même des élections avant Noël.

Ce blog se voudra donc à la fois espace pédagogique, pour vous faire découvrir les arcanes de la politique québécoise dont le mode de fonctionnement est très différent du nôtre, mais aussi espace d’analyse et de parole. J’ai en effet bon espoir de vous présenter des articles de fonds sur des partis ou faits méconnus, et aussi (surtout ?) des entretiens, que j’espère nombreux, avec des personnalités québécoises où françaises pouvant vous éclairer et nourrir votre intérêt.

Ce blog s’adresse aux français, notamment dans ses volontés pédagogiques, mais aussi à mes amis québécois qui pourront sans doute y trouver un intérêt et que j’encourage à enrichir les articles dans les commentaires, voire à corriger si nécessaire (en espérant que ça n’arrive pas trop souvent).

Photo : L'Assemblée Nationale du Québec, par Christophe.Finot (wikipédia).