Pierre Nantel, député du Nouveau parti démocratique dans Longueuil–Saint-Hubert depuis 2011, vient d’annoncer son ralliement au Parti vert du Canada, quelques jours après avoir été exclu de son parti d’origine suite à l’ébruitement de ces discussions. Les accusations sont arrivées assez vite : Pierre Nantel a toujours été franc-tireur, il roule pour lui, il va au plus offrant, car il risquait d’être battu et que les verts sont en hausse sondagière alors que le NPD est en décrue. De fait, les projections de divers instituts synthétisées par 338Canada indiquent le NPD troisième, largement distancé par le Bloc et les libéraux… Mais les verts sont données cinquièmes ! Certes ces synthèses de scores nationaux projetées sur les circonscriptions ont une forte marge d’erreur, mais enfin, on peut parler d’un pari pour le moins risqué.
Sur le plan des convictions oui Nantel est un franc tireur. Il s’est démarquéde son parti en expliquant que les signes religieux trop voyants de son chef causeraient des problèmes avec l’électorat québécois et a pris position pour une déclaration de revenus unique gérée au Québec plutôt que d’en faire une fédérale et une provinciale. Cela allait contre la vision du NPD, défendant les positions des syndicats, mais il paraît là aussi difficile d’en faire un point de clivage suffisant.
Par ailleurs ces deux distinctions auraient amené plus logiquement Nantel vers le Bloc québécois. Ce d’autant que le parti lui a tendu la main en début d’année, assez fort pour que les choses fuitent, et le député n’avait pas fermé la porte. Le parti indépendantiste étant bien mieux positionné pour gagner l’élection dans cette circonscription, un pur opportuniste aurait logiquement fait ce choix plutôt que le pari risqué du parti vert. Certes, dans les dernières projections les écologistes quadruplent leur score de 2015, mais ça ne les fait que passer à un peu moins de 10 %, pas vraiment un fief. Pour certains, c’est parce qu’il s’est fait finalement fermer la porte au Bloc que Nantel serait aller voir les verts, pourquoi pas, mais cela reste curieux alors que le NPD (toujours mieux placé que les verts) lui accordait encore l’investiture.
On peut aussi porter crédit à M. Nantel de plusieurs engagements forts liés à l’écologie : il a porté très fortement le dossier de l’électrification des transports (non nucléaires au Québec), avait écrit en décembre 2018 une lettre ouverte à tous les chefs de partis pour s’engager dans un « un front commun pour sauver notre climat », en s’engageant sur des objectifs massifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il a aussi été le premier député à avoir ajouté le respect des traités avec les autochtones à son serment, un acte symbolique important, l’intérêt sincère pour la question des premières nations est cependant commun au NPD et aux Verts.
Juger sur la sincérité du ralliement de M. Nantel au parti vert est donc bien difficile, hormis sans doute pour lui. À tout le moins ses actions passées comme les conditions de son départ rendent ce ralliement moins absurde que celui de José Nuñez-Melo en 2015. Le député NPD de Laval avait lui aussi été exclu du NPD, parce qu’il refusait d’avoir des adversaires dans une investiture, adversaires soutenues par beaucoup au parti car la présence de Nuñez-Melo avait été pour le moins fantomatique durant son mandat1. Il avait alors rejoint le Parti vert, sans être pour autant le premier député vert reconnu, la Chambre étant déjà dissoute2. Son ralliement était clairement celui d’un homme voulant sauver son siège et les électeurs ne s’y étaient pas trompé : il avait obtenu 2,36 %, résultat assez négativement exceptionnel pour un sortant.
Pierre Nantel n’est clairement pas dans la même situation. L’avenir seul saura nous dire s’il restera fidèle au parti vert ou si ça n’est qu’une passade, plus ou moins sincère. Mais en tous les cas son ralliement n’est pas incohérent, même s’il est certain que la forte tête qu’il est saura s’en distinguer par moment – comme il l’a fait au NPD ou l’aurait fait s’il avait rejoint le Bloc –, en suivant ses convictions. Il y a plus déshonorant.
1 Il n’avait pas pris la parole en Chambre avant plus d’un an et demi de mandat et ne siégeait dans aucune commission à part… celle de la bibliothèque du Parlement, qui a une fonction purement symbolique !
2 Ce n’est pas le cas de M. Nantel, qui aurait put être le premier député vert du Québec, mais il a fait le choix de rester siéger comme indépendant jusqu’à la dissolution.
Crédit Photo : Facebook de Pierre Nantel / Daniel Green, Elizabeth May et Pierre Nantel le 20 août 2019.