Imagex, une bibliographie

Imagex est un auteur météore, avec une brève carrière, que j’aime beaucoup et qui a fortement marqué la BD alternative. Depuis plus d’une décennie, je cherche à remettre en avant son travail, avec de faibles moyens. Grâce à Jean-François Biguet, nous l’avons un jour retrouvé et L’Égouttoir a pu republier de vieilles pages, ou publier des bandes inédites dans Gorgonzola. J’ai aussi réalisé une série d’articles sur Du9 pour développer l’intérêt et l’analyse sur son œuvre, autour des albums Mauvais rêves, Colonie de vacanses (septembre 2013) et de Jalousie, un album annoncé mais jamais paru (février 2014). Dans ce corpus, le dossier sur Viper du Gorgonzola n° 18 paru en octobre 2012 (désormais en ligne sur Du9) peut aussi être pris en compte. Si l’on veut un état de l’art complet, notons l’article du blog de Mitchul sur Mauvais Rêves, dès juillet 2009, avec intervention d’Imagex lui-même en commentaire. Par la suite il publiera une interview sur un sujet curieux et plutôt intrigant (les bibliothèques des interviewés), au résultat modérément intéressant dans ce cas précis (Imagex venait de déménager). Notons que je m’étais aussi prêté à l’exercice, je redécouvre même que je l’avais inauguré avec les bibliothèques de ma maison d’enfance.

Logiquement, avec ce travail de réédition comme d’écriture, une envie de réédition était là depuis le début. Mais bon, L’Égouttoir n’en avait pas les moyens. Nous avons travaillé, cherché, et finalement, après des années, The Hoochie Coochie va sortir une grande et belle anthologie, dans laquelle je signe un texte au côté de Jean-Pierre Mercier, coéditeur d’un des deux livres de l’artiste. Dans mes recherches, en bon bédéphile à l’ancienne, j’avais tenté de réaliser une bibliographie complète, sachant que la plupart de ses publications sont dans des fanzines ou magazines peu étudiés (et encore, depuis bulledair propose les sommaires complets de Viper, du Krapö et de Zoulou, en plus de bdoubliées pour d’autres magazines).

Évidemment, ce genre de liste n’a plus vraiment d’usage dans des ouvrages imprimés aujourd’hui, surtout qu’on oublie toujours des choses, mais c’est parfait pour ce site, comme ça si vous trouvez d’autres strips, dessins ou articles d’Imagex, je pourrai mettre à jour cette liste ! Donc n’hésitez pas pour des ajouts, corrections ou compléments (notamment pour les dates imprécises), d’autant qu’il y a des planches non identifiées à la fin. Par ailleurs quand l’anthologie sortira, je pourrai ajouter les republications nouvelles. Vivement !

Carte postale accompagnant Viper, 1983. Ce dessin inspirera le
personnage de Mister Vrö à Mattt Konture.

« Sommaire » (illustration), 1 page, dans le Krapö n° 8, avril 1979.

« Voilà !» (illustration), 1 page, dans le Krapö n° 9, septembre 1979.

« Je parle pas », 2 pages, publié dans Sandwich n° 55, supplément au Libération du 13 décembre 1980, republié dans le Gorgonzola n° 19 en octobre 2013.

« Le Vélo », Viper n° 3, juin 1982, 2 pages, repris dans Mauvais rêves (Artefact, coll. « Contagion », 1983).

« Bord de mer », (À suivre…) n° 58, novembre 1982, 6 pages, repris dans Colonie de vacanse (Futuropolis, coll. « X », 1986).

Viper n° 4, octobre 1982 :
« Papa Goldorak », 6 pages, repris dans Mauvais rêves (Artefact, coll. « Contagion », 1983).
« Tchaï Shop (la petite boutique de thé) », scénario de Gérard Santi, 2 pages.
« Niouzes », illustration d’une rubrique d’actualité (½ page).
« Les aventures de Viper et Ganja », illustration, une page.
Carte postale offerte avec le numéro, ½ page.

Viper n° 5, décembre 1982 :
« Sommaire », illustration, 1 page.
« Dura lex, sed lex.. », illustration d’un texte signé Flo et Andy, 1 page.
« Le V. Pire : De Lorean coulé par la neige », illus d’un article d’Anita Jolijoint, ½ page.
« Grand-père est mort », 2 pages, repris dans Mauvais rêves (Artefact, coll. « Contagion », 1983).

Mauvais rêves (Artefact, coll. « Contagion », janvier 1983) :
« La Vie Débile », 13 pages.
« Le Cri », 2 pages.
« Un mauvais rêve », 8 pages.
+ les récits prépubliés dans Viper et indiqués comme tels.

« Colonie de vacanse », (À suivre…) n° 64, mai 1983, 4 pages, repris dans Colonie de vacanse (Futuropolis, coll. « X », 1986).

Viper n° 6, février 1983 :
« Dans les tours », 6 pages, repris dans Mauvais rêves (Artefact, coll. « Contagion », 1983).
« L’Ami indien », scénario de Gérard Santi, 2 pages.

« Dans les tours », très beau récit annonçant le virage de
science-fiction fantasy, Viper n° 6, février 1983.

Viper n° 7, avril 1983 :
« Sa gueule de con dans Calcutta bondé », scénario de Gérard Santi, 2 pages.
Carte postale offerte avec le numéro, ½ page.

Viper n° 8, juillet 1983 :
« “Fabienne” et les bêtises que j’ai faites… », 3 pages.
« Les Beedies en vente libre », illustration d’un rédactionnel non-signé, ½ page
« Jalousie », (À suivre…) n° 71, décembre 1983, 5 pages.

Viper n° 9, octobre 1983 :
« 1989 », 3 pages.
« 1984 », 1 page.
« Boeing sud-coréen vol 007, Que s’est-il vraiment passé ?, 1ère partie », illustration d’un texte de Marylin Hobeau, 1 page.
« De Paris à Kathmandu : Joyeuse années 84 », illustration, 1 page.

Viper n° 10, janvier 1984 :
« Sommaire », illustration, 1 page.
« Change culturel », 2 pages.
« Les Aventuriers du subconscient », illustration, ½ page
« Point de vue », illustration, 1 page.

Point de vue, Viper n° 10, janvier 1984, p. 102.

Illustration, Tam-Tam n° 1, spécial têtes, 1 page, graphzine auto-édité par Lagautrière, 1984.

« Fendar le pétard », strip publié dans Zoulou n° 3, juin 1984.

Viper n° 10, juillet 1984 :
« Sur les chemins, carrément mou ! », scénario de Gérard Santi, 2 pages.
« Souhaits », illustration, 1 page.
« Mémoires », scénario sous le pseudonyme de Chardot, dessin de Mattt Konture, publié dans le Zoulou n° 4/5 de juillet 1984, repris dans les Archives Mattt Konture (L’Association, 2006). 4 pages.

« Classique mais efficace », strip publié dans le dossier « Évite l’armée ? Les dessinateurs donnent leurs trucs efficaces », Zoulou n° 8, novembre 1984.

« La Peau de l’ours », scénario sous le pseudonyme de Chardot, dessin d’Emmanuel Moynot, publié dans le Circus HS n° 10 de novembre 1984. 5 pages.

Illustrations, 3 pages, dans le Nerf n° 1, A.A.N.A.L., 1985.

« Le petit homme qui regardait », (À suivre…) n° 89, juin 1985, 9 pages.

« La Dernière femme », Pilote Mensuel n° 136, octobre 1985, 4 pages.

Le Carré n° 5, octobre 1985 (repris en pages de gardes du Gorgonzola n° 24, 2019)
« Le Glome », illustration d’une fausse notice de roman, 1 page.
« Détruire Paris », illustration d’une fausse notice de roman, 1 page.

Colonie de vacanse (Futuropolis, coll. « X », 1986). Reprends les deux récits indiqués précédemment.

« Pas d’papa », 3 pages, inédit réalisé en 1986, dernière BD d’Imagex. Publiée dans le Gorgonzola n° 21 en octobre 2015.

Un texte et une illustration dans Récits où l’auteur s’exprime par 3 images dans 1 carré, supplément au P.L.G.P.P.U.R. n° 22 dirigé par Emmanuel Moynot (sous le pseudo de Yatmul), janvier 1988.

Couverture et de nombreuses illustrations, Amstrad cent pour cent n° 5, juin 1988. Alors qu’Imagex à cessé la bande dessinée, une jonction avec son travail dans le jeu vidéo (tout le numéro ici).

Baby Jo in Going Home, graphisme du jeu, dessin de la pochette et du manuel, Loriciel, 1991.

« Les éditions Artefact », reprise d’un strip de Mauvais rêve en en changeant les texte pour le dossier sur l’éditeur du Gorgonzola n° 22, janvier 2017.

Illustrations, 3 dessins contemporains illustrant l’éditorial et les crédits, Gorgonzola n° 25, mars 2022.

Extrait du manuel de Baby Jo in Going Home, 1991.

Non datés (mais dans les 80’s) :

« Happening », 2 pages, publié dans un zine américain non identifié, republié dans le Gorgonzola n° 17 en octobre 2011.

« War game », BD à quatre mains avec Mattt Konture, inédite puis publié dans Manga Table, La Table, 2016.

« Les Cinq “dernières” minutes », 4 pages, inédit acheté par Métal Hurlant publié dans le Gorgonzola n° 19 en octobre 2012.

Réalisation sans doute unique d’un un micro-fanzine dédié à Étienne Robial, aperçu lors de l’expo « futuropolis 1972-1994 : un éditeur aux avant-gardes de la bande dessinée » à la CIBDI en 2019 et de l’expo « étienne + robial » aux Musée des arts décoratifs (2022-23).

Nerf p.19, 1985. Imagex y expérimente le dessin sur
ordinateur qui marquera sa carrière suivante, dans le jeu vidéo.

Autour d’une case de « La Synagogue » de Joann Sfar

J’ai terminé hier l’album La Synagogue, de Joann Sfar (Dargaud, 2022). Comme beaucoup de gens, j’ai beaucoup aimé Sfar, puis j’en ai fait un peu une overdose quant aux tics énervants. Et puis régulièrement je relis ses albums qui m’ont marqué, et apprécie de nouveaux albums, notamment les derniers Chats du Rabbin. Globalement, mes albums favoris restent le Petit monde golem, les Chats et les Grands vampire, Pascin aussi. Globalement je constate que je suis généralement touché par ses titres abordant, d’une manière plus ou moins directe, son rapport au judaïsme, mêlé à l’intime, souvent foisonnant et beau.

J’ai un avis mitigé sur La Synagogue, car un certain nombre d’incartades de l’auteur (comme la première case du bandeau, ou celle sur la tragique affaire Halimi) me semblent assez contestables (Paris est quand même une des dernières grandes villes PS, si l’antisémitisme du meurtre de Sarah Halimi est évident c’est un sujet important de droit que l’irresponsabilité, etc.), elles sont cependant très anecdotiques dans le récit central, même si la construction de l’album est fondée sur des incartades, des allers-retours… C’est assez plaisant dans la majorité des cas, l’album brasse des choses intéressantes sur ce juif qui ne croit guère et se retrouve à garder la synagogue pour échapper aux offices, alors que le terrorisme antijuif se développe.

Mais c’est sur la deuxième case du bandeau que je veux revenir, celle-ci :

p. 125, case 4.

Elle est en partie logique et en partie étonnante. Logique car on y voit un jeune Sfar adorer Rahan, comme tous les enfants de sa génération, et l’acheter à un vendeur militant lors d’une fête locale. Nous avons déjà un peu exploré cette diffusion ici. Le vendeur lui évoque Raymond Poïvet, ce grand dessinateur qui a notamment illustré l’iconique série de Science-Fiction Les Pionniers de l’Espérance, qui paraît de décembre 1945 à août 1974 dans le magazine. Il est assez connu que la série n’était plus très populaire dans les 1970, que le jeune Sfar ne connaisse pas Poïvet est donc normal (de toute façon Sfar est né en 1971, donc il devait acheter des magazines d’occasion), et cette case a sans doute une vocation humoristique montrant comment le jeune dessinateur ne reconnaît alors pas le « grand » dessinateur par excellence du réalisme français.

Ce qui est plus surprenant, c’est de voir le vendeur parler de Marijac. Grand prix de la ville d’Angoulême 1979, il est sans doute le moins connu des lauréats, c’est pourtant quelqu’un de réellement important. Auteur de bande dessinée, résistant, autour des Trois mousquetaires du maquis, Marijac a une activité de scénariste et d’éditeur, à travers l’important journal Coq hardi. Et justement, si Coq hardi est un journal clairement résistant, comme Vaillant, il est aussi clairement gaulliste, et financé à sa création par le MNL.

Puisqu’il s’agit a priori d’un vendeur d’occasions, pourquoi pas, on peut imaginer qu’il fasse découvrir à ce grand ado fan de BD un tas de vieux papiers dessinés des années 60. Donc pourquoi pas Marijac, et tant pis pour l’idéologie ! On dira qu’il y a prescription pour ce bouquiniste qui amenait les idées gaullistes au sein des fêtes communistes, cela reste amusant de se dire que Sfar s’amuse de la licence d’aller chez les coco, ce qui énerve son père, pour qu’on lui parle d’un auteur gaulliste par excellence.

Cela étant, en termes de flexibilité idéologique, Poïvet n’était pas le dernier. Outre sa participation au journal collabo Le Téméraire (avec des planches a priori peu idéologisées contrairement à Liquois ou Erik – dont la série sera pourtant reprise sous un autre nom dans Coq hardi !), et sa participation très active à Vaillant puis Pif Gadget, il a aussi participé à Coq hardi en dessinant Colonel X, scénarisé par Marijac, en 1947 Médioni nous apprend même que l’atelier de Poïvet se trouvait au-dessus des locaux de Coq hardi. C’est sans doute ce héros, qui reste un Résistant, un homme porteur de valeurs qu’un communiste peut apprécier, l’attache étant moins sensible des années après la mort du Général, que notre vendeur présentait au jeune Sfar. On lui pardonnera donc son incartade.

Coq Hardi n° 54, avril 1947. Début d’une aventure du Colonel X…

PS : la possibilité que Sfar ait mis un mot de grand auteur ancien un peu hasard, par réminiscence de la collaboration Poïvet/Marijac, est aussi envisageable. C’était l’occasion un peu de tout ça.

PS2 : Je serai ce dimanche au Mémorial de la Shoah a 14h30 pour une table ronde autour de la bande dessinée sous l’occupation, j’y parlerai évidemment de Vaillant/Pif (et de son ancien nom, Le Jeune patriote).

Un méchant de BD ?

Au détour d’un intéressant article du Devoir (le grand quotidien plutôt pro-indépendance et de gauche au Québec) sur la surreprésentation des ultra-riches dans les séries télévisées, où la sociologue Julia Posca (qui travaille pour l’IRIS, passionnante structure anti-orthodoxie libérale) donne de pertinentes analyses, cette sentence, de la plume du rédacteur Stéphane Baillargeon :

« Glass Onion ou Squid Games noircissent le trait au possible et donnent aux milliardaires des allures de méchants de bande dessinée. »

On a lu bien pire sur la bande dessinée, pourtant ça m’a un peu chiffonné. L’auteur parle d’actes immoraux, souvent accompagnées de postures et de faciès qu’on imagine bien, j’ai en tête les masques de Squid game d’ailleurs. Rien de bien violent pourtant, il s’agit là de parler des méchants caricaturaux à la Olrik, M. Choc ou Pat Hibulaire, de ceux qui vont détruire le monde d’un grand rire. Encore que M. Choc a un casque alors on ne sait pas, et Olrik est plutôt séduisant, César dans Astérix n’étant pas laid non plus.

A vrai dire, un des méchants les plus iconiques dans mes lectures (je ne prétends pas que ce soit universel) est sans doute Angel face, dans Blueberry, mais certes [SPOIL] il s’enlaidit à la fin.

Jean Giraud, couverture d’Angel Face (Blueberry T17), Dargaud, 1975.

Dans les comics je vois bien les méchants monstrueux – salut à Double face –, je comprends bien l’image choisie. Et en vrai, il y a plein de méchants Franco-belges au faciès repoussant aussi, pas de soucis. Des méchants vraiment caricaturaux, vilains et tout – supers-vilains est d’ailleurs le nom donné aux adversaires des super-héros tiens.

Ce qui m’étonne n’est pas un problème de fond plutôt qu’une surprise. Fondamentalement la bande dessinée n’a rien inventé, elle a repris les faciès et usages graphiques des méchants de l’illustration pour enfants, de la caricature politique, du dessin d’opinion, etc. Ce sont de vieux procédés pas tant liés au « méchant de bande dessinée » qu’à la représentation imagée du méchant – avec ce que ça a d’ailleurs de problématique avec le mix qu’il peut exister entre une imagerie iconographique du méchant et une imagerie antisémite du juif, mais autre sujet.

Une représentation commune, historique, ancrée, qu’on retrouve dans la « culture populaire » à laquelle appartiennent généralement bien plus les séries à succès que les BD à succès (hors Astérix une BD franco-belge à succès touche toujours un public relativement modeste comparée à un film à succès). Ces riches caricaturaux et méchants de séries (aux physiques plus ou moins agréables, comme ceux de BD) ressemblent donc à des méchants de séries avant tout, puisant aux mêmes sources de la bande dessinée.

Spécifier ici la « bande dessinée » a donc sans doute malgré tout un usage dépréciatif, des méchants pas très sérieux, pas très finement observé, contrairement à ceux habituels dans les séries ? Mmouais. De toute manière Squid Game n’a jamais prétendu raconter une histoire vraie ni faire du reportage sociologique.

Bon, rien de grave là-dedans, mais un micro-énervement : en 2022 était-il bien nécessaire d’aller chercher la bande dessinée pour dire ça ?

Bandeau : Tim Sale et Jeph Loeb, Batman: The Long Halloween, DC comics, 1996.

Quand Mickey et Dingo poétisent

En train, je lis souvent des magazines Disney, fidèle à cette phrase du futur Goncourt Didier Decoin(coin) déclarant dans Haga « Savoir lire, parfois, c’est aussi oser grimper sur le dos d’un canard qui porte un béret de marin. »

Si Picsou magazine a ma préférence je me laisse parfois aller à Mickey Parade, devenu Mickey Parade Géant, j’imagine par rapprochement avec Super Picsou Géant, le « parade » étant désormais minuscule entre les deux autres mots. Cela me rappelle un peu Vaillant devenu Vaillant le journal de Pif avant sa transformation en Pif Gadget, disons que je ne serai pas surpris qu’un jour l’épais magazine devienne Mickey Géant tout court.

Un Vaillant de mars 1965 peu avant sa transformation en Vaillant le journal de Pif (ici n° d’août 1966) puis en Pif Gadget (ici le n°1, février 1969)
Le premier Mickey Parade (1966), un de mon enfance (1998) et celui dont je vais parler (septembre 2022)

Étudier Mickey Parade, et les productions presse Disney en général, serait un sujet passionnant, encore trop peu défriché, laissant souvent l’étude du catalogue et de son patrimoine aux journaux eux-mêmes (via des hors-séries, voire des ouvrages anniversaires, etc.). On oublie souvent en étudiant la presse de bande dessinée combien ces titres restent parmi les plus vendus – d’où le « Top vente » un peu surprenant dans le coin haut gauche des Mickey Parade Géant récents. La chose est aisément vérifiable puisque les tirages et ventes du journal est certifiée par l’ACPM, qui nous montre que malgré une petite baisse le magazine reste vendu à plus de 46 500 exemplaires, ce qui en fait le 139e titre le plus vendu tous genres confondus dans le palmarès 2021-2022. Pas mal du tout et une belle position en jeunesse Picsou magazine est 81e, Super Picsou Géant 94e, Le Journal de Mickey 103e et Mickey junior (méconnu) 116e. Bayard devant un peu en presse jeunesse mais ça reste une très belle performance pour le groupe Héritage (qui possède les titres Disney).

Si je m’emballe à regarder ces chiffres, ce n’est pas du tout le sujet de ce post. Profitant d’un voyage en train j’achète et entame donc le Mickey Parade Géant n° 390 dont le récit central, annoncé en couverture, est « L’Odyssée du Dingo-Tiki » (Ivan Bigarella et Sergio Cabella). J’avance dans cette aventure et tombe soudain sur cette page :

Page 60 du numéro

Il s’agit assez évidemment d’une annotation de rédacteur indiquant un oubli dans la traduction, chose assez courante quand on gère l’édition d’un journal. Le voir imprimé l’est un peu moins. Si cette erreur, qui reste sans gravité, se repère, je m’amuse de sa curieuse place. Alors que Dingo regarde l’immensité du ciel, il discute avec Mickey qui le trouve poète. La dénégation de Dingo résonne étonnamment juste avec la réponse « Manque traduction », comme si la poésie lui était définitivement cryptique, incompréhensible, dans une langue étrangère. Il manque à Dingo la langue poétique nous dit Mickey Parade Géant, en donnant un bel exemple d’une erreur créant du sens. On imagine que le secrétaire de rédaction s’est fait tancer pour ça, j’aimerais pour ma part saluer cette personne qui, par cette bourde qui n’a au fond fait de mal à personne, a multiplié le potentiel poétique de la page.

PS : Montrant cette page à mon ami Jean-Paul Jennequin, traducteur régulier de récits Disney, et notamment dans ce numéro, il m’indique ne pas l’avoir traduit. Je le savais, le traducteur crédité est Laurent Laget, mais je retiens une chose fascinante : il a aussitôt reconnu ne pas être le traducteur, car lui ne laisse pas les « Yuk yuk » mais les transcrit autrement. S’en est suivi une discussion sur la non-harmonisation de la traduction certaines onomatopées Disneyien, autre chose à explorer, si le cœur vous en dit !

Index de mes articles universitaires, point 2 sur ?

Après un premier point paru en mars 2022 sur les publication de ma première année et demi de doctorat, voici le point sur mes articles universitaires depuis, alors que j’entame ma troisième année ! (je ne compte pas les livres, j’en parlerais dans un post à part).

Alors bon, qu’y-a-t-il eu, comme vous le savez le temps universitaire fait que des choses paraissent des lustres après leur publication. Bref voici donc les articles parus entre mars de fin octobre 2022 !

La belle et intelligente couv de Jean-Charles Andrieu de Lévis

La très belle revue d’histoire culturelle Sociétés & Représentations a consacré son n° 53 (comme la Mayenne !) à la bande dessinée et particulièrement à la manière dont a été abordée l’histoire de la bande dessinée, sa façon de constituer ses archives, etc. Dirigé par Sylvain Lesage, ce numéro est particulièrement riche (et épais), avec de contributions de chercheurs et chercheuses que j’apprécie beaucoup, comme Benoît Crucifix, Florian Moine, Jessica Kohn… J’y ai signé un texte que je vois un peu comme le pendant de celui-ci, nommé « Bande dessinée québécoise : historiographie d’un champ sous double influence ».

La revue est en papier et sur Cairn, donc indisponible gratuitement aux non-chercheurs, mais j’ai déposé le texte (dans sa maquette finale, car la revue l’autorise ce qui est déjà ça) sur HAL : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03668615

Ce n’est qu’une recension mais elle fait plaisir car elle est dans la Revue française des sciences de l’information et de la communication, une bonne grosse revue dans mon domaine. Pour le moments les appels à articles m’excitent modérément mais il y a de beaux dossiers réguliers, donc faire des recensions reste un moyen de participer à ce bel ensemble. Et ça tombe bien car le livre très multi-disciplinaire d’Anna Giaufret se cale bien avec une analyse InfoCom. Ma recension ici : https://journals.openedition.org/rfsic/13625

N’ayant sans doute alors pas tout compris à ce que demande comme travail un article universitaire j’avais, après un stimulant colloque, proposé deux articles à Strenae, très chouette revue sur le livre jeunesse et les objets culturels de l’enfance. Les deux ont été accepté, et il a fallu les écrire. Cela a pris du temps mais voici que la revue est parue et tout le dossier est vraiment passionnant, et riche avec une quinzaine d’articles tout de même ! Le site est en accès libre et on trouvera donc facilement mes deux texte.

Le premier, vu comme une sorte d’addendum à mon ouvrage sur Pif Gadget et le communisme et à des années de travail sur la question, aborde le sujet de Pif Gadget et l’écologie politique, occasion de lier mon engagement militant et cette recherche, sur un axe inattendu : https://journals.openedition.org/strenae/9420

Le second, nettement plus lié à ma thèse et croisant des sujets se recherche et passion, porte sur Pif Gadget au Québec et a été coécrit avec Sylvain Lemay, mon codirecteur de thèse, à travers l’étude de nombreux journaux et de la communication à propos du journal dans la province (où l’aspect communiste, pour le coup, était tu) https://journals.openedition.org/strenae/9439

Un contenu qui va aller en augmentant au fil des semaines, et donc à surveiller !

Ce n’est pas strictement universitaire mais cela reste lié à de la recherche, j’ai été chargé de diriger le dossier sur Julie Doucet (présidente de la BD !) pour neuvième art, revue en ligne de la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image. Le dossier a été lancé vendredi dernier avec un article introductif de Marie Bardiaux-Vaïente et un long entretien que j’ai réalisé. Il a joliment été titré d’un extrait de l’échange « J’ai trop besoin de toucher, de manipuler la matière, de remuer ». Suivront d’autres articles, textes et témoignages, assurément un autre de ma main puis de johanna Schipper, Izabeau Legendre, Jean-Philippe Martin et Irène Le Roy Ladurie. Et potentiellement d’autres les dossiers étant ouverts à l’infini.

Si vous vous le demandez, le dessin de couv est celui de la couverture du n°14 de la seconde série des Aventures de Pif le chien (juin 1957).

Et c’est en novembre qu’est sorti mon article sans doute écrit depuis le plus longtemps pour le moment, en rythme universitaire je sais que ce n’est pas si long. Suite au colloque PIFERAI sur les strips de Pif le chien, les Éditions universitaires de Dijon ont donc publié le petit ouvrage Pif le chien – Esthétique, politique et société, sous la direction d’Henri Garric et Jean Vigreux, avec des noms qu’on retrouve dans Strenae, mais pas que. J’ai pour ma part fait une analyse pas du tout penchée sur l’idéologie mais sur l’historique éditorial et les réutilisation des strips par les éditions Vaillants, soit un article nommé « D’un support à l’autre, usage et réusage des strips de Pif le chien ». Un autre article universitaire sur Pif attend sa publication, mais j’espère que c’est le dernier à court terme, histoire de ne pas m’en dégouter ^^ En tous cas avec la sortie du livre et sa promo, tout ça a une convergence d’actualité qui, pour le coup, est assez intéressante.

Un article un peu hors de mes sujets de recherches, même si deux des personnes étudiées sont du Québec, tout de même, mais que j’ai tenu à écrire car le thème du dossier m’intéresse beaucoup. Par ailleurs, publier dans Alternative francophone, revue consacrées à la francophone « en mode mineur » dont j’aime beaucoup le postulat en cinq points et dont j’apprécie le fait qu’elle soit publiée par l’Université de l’Alberta, province où la francophonie est bien minoritaire, me faisait bien plaisir. Mon texte sur la vulgarisation/transmission scientifique du point de vue des auteurs/médiateurs se trouve sur ce lien, au milieu d’un beau numéro sur « La bande dessinée scientifique – Les nouveaux territoires du documentaire » : « Depuis la table à dessin : transmettre la science du côté des auteurs. »

*

À suivre : d’autres recensions (pour le BBF et Communication…), des articles pour le Bulletin des bibliothèques de France, La Revue française d’histoire du livre, Comicalité, Voix Plurielles, Mémoires du livre, Archives des lettres canadiennes, Images du travail, Travail des images, Hermès et quelques autres projets, ainsi que deux directions de revues : un numéro de Mémoires du livre sur la bande dessinée vagabonde avec Philippe Rioux à paraître au premier semestre 2023, et un numéro (appel en cours) d’@nalyses sur « Vingt ans de bande dessinée québécoise au XXIe siècle ».

Bandeau de couv : photo d’un tiroir de mots prédécoupés pour les collages de Julie Doucet, dans son atelier, août 2022.

Jimmy Beaulieu : un livre, quatre titres

Il arrive que les auteurs québécois prévoient de conserver des droits distincts entre les éditions au Québec et en Europe, cela a plusieurs avantages : pour l’éditeur cela évite des transferts de livres d’un océan à l’autre, pour l’auteur cela évite que des publications en français chez d’éventuels autres éditeurs (c’est principalement le cas si un éditeur québécois n’est pas distribué en Europe) soient traitées en droits étrangers.

Jimmy Beaulieu est un auteur québécois assez lu en Europe francophone, et aussi un habitué des modifications d’ouvrages entre chaque réédition mais c’est un autre sujet (même si un peu lié). En 2013 ; les éditions Mécanique générale, qu’il a fondé des années plus tôt mais où il n’a plus d’activité éditoriale, on édité un gros recueil de ses récits autobiographiques. Le titre est clair et assez illustratif : Non-Aventures, sous titré « planches à la première personne ». Si quelqu’un pense tomber ici sur de la grande course-poursuite, c’est qu’il ne sait pas lire.

En janvier 2015 l’album est édité en Europe. J’entends souvent parler d’édition française mais c’est abusif puisque la maison d’édition, Les Impressions nouvelles, est localisée à Bruxelles. L’éditeur du livre est certes français (le scénariste et théoricien Benoît Peeters) mais il faut a minima parler d’édition européenne francophone. En tous cas, outre quelques modifications de contenu et d’agencement, la couverture diffère. Il y a le dessin, bien sûr, mais c’est assez classique avec une autre édition, le changement de titre l’est moins, surtout que la langue ne change pas. Et les « Non-aventures » deviennent « Les aventures » soit l’exact inverse.

Bon normalement si vous avez lu le début c’est clair.

Pourtant, le titre fonctionne très bien. Avec ce dessin laissant entendre une promenade calme et douce, loin de toute aventure, et le sous-titre conservé, le lecteur comprend bien qu’il s’agit d’un pied de nez et qu’il n’y aura d’aventure qu’intime et personnelle. Interrogé par Laurent Lessous pour BDZoom, Beaulieu explique le choix « Benoît Peeters, l’éditeur de l’édition européenne, n’était pas friand du titre un peu négatif de l’édition québécoise : Non-aventures. Je n’y tenais pas non plus. Nous avons bien cherché une alternative. Moi qui pense toujours à des titres de livres (à en rendre fou mon entourage), je bloquais. J’ai finalement proposé cette variante toute simple et plus drôle, “Les Aventures”, qui était le titre du premier chapitre de la section “Quelques pelures” (lequel s’intitule, dans cette édition, “Non-aventures”). » On note au passage le jeu de retitrage permanent de l’ancien album qui change nom en devenant chapitre… L’enfer des bibliothécaires.

Ce transfert de titre est passionnant, les deux jouent sur une contradiction : le premier sur la simple négation « non-aventures », l’autre peut-être plus subtilement en jouant le contraste avec l’image et le sous-titre. Aucun ne manque de poésie, je préfère a priori le second, mais peut-être est-ce simplement parce que c’est le premier que j’ai connu ? Ou que c’est un ciblage géographique efficace. Quand j’ai présenté le choix à des amis, au débotté, les avis variaient mais sans que ça ne se détache vraiment, ni se distingue par origine géographique. Esthétiquement je trouve par contre la deuxième édition plus réussie, sans aucun doute, c’est mon affaire, j’imagine.

Lors de mon séjour au Québec il y a quelques semaines, Jimmy m’a confié (pour la bibliothèque patrimoniale de la Cité internationale de la BD et de l’image) différentes éditions étrangères de ses livres. Parmi elles, deux de ce qui correspond aux (Non-)Aventures, qu’il m’a présenté comme des éditions directes de ce livre mais qui sont en réalité antérieures (il faut dire que les éditions Aventures sont déjà des anthologies, je vous le dis, un enfer pour les bibliographes).

L’édition canadienne anglophone (2010) et allemande (2014)

Une de ces éditions est paru en anglais chez l’éditeur canadien Conundrum Press en 2010 (avant la Québécoise donc), l’autre en allemand, chez l’éditeur allemand Schreiber & Leser en 2014 (après la Québécoise, mais avant la Belge, pour celle-ci). L’image de couverture est différente des éditions françaises, mais globalement partagée par les deux éditeurs en question, même si en bonne JimmyBeayulieuserie il y a des retouches (le choix de couleurs notamment, et le cadre plus ou moins serré). Le titre est évidemment traduit. Bien que pas très bon en langues étrangères il semble évident qu’aucun ne parle d’aventure, existantes ou non :

En anglais nous avons Suddenly Something Happened, qu’on pourrait traduire à peu près par « Soudain, quelque chose arrive » ou « Tout à coup, etc. ». Un très bon titre à vrai dire, qui résume lui aussi bien le contenu, et cette pseudo-aventure (prenant le contre-pied d’une vieille vision de la BD), peut-être plus explicite que les titres français, car sans sous-titre. En allemand, que je ne parle pas du tout, Am Ende des Tages (là aussi sans sous-titre). Google et des gens m’ont évoqué un « À la fin de la journée » voire « des jours » (ce qui n’est pas exactement la même chose), bon là en tous les cas, pour le coup, je vois moins bien le rapport. Mais cela semble confirmer un goût du jeu avec les titres, profitant de chaque édition pour proposer une variation, ce n’est pas si courant.

PS : J’admets que le titre est un peu mensonger, puisque qu’il ne s’agit jamais vraiment du même livre malgré un contenu largement commun, même entre les deux éditions francophones (même s’il me semble que les rééditions de Non-aventures reprennent le contenu exact des Aventures). Mais bon, vous avez quand même l’idée générale, et au début je croyais que c’était bien le même livre.

Préface annulée aux Les trois visages de Tullula-Belle

Par le hasard du petit monde, un camarade de cantine municipale de Laval a sorti son premier album, projet dont il rêvait depuis des décennies, en septembre chez Mosquito, bel éditeur indépendant dont j’ai souvent recensé des livres. Nous nous étions croisés souvent, toujours avec plaisir, et il m’avait présenté ses planches, pour d’éventuels conseils d’éditeurs. Je ne crois pas lui avoir été très utile, mais c’était un verre très sympathique. Peu après il m’a annoncé sa joie d’être édité chez Mosquito, un des éditeurs qu’il estime le plus. Dans l’enthousiasme il m’avait demandé une préface mais cela n’était finalement pas possible, rien de grave, je lui avais dit que ça me donnerait l’occasion de parler de son livre. Voici donc ma presque préface aux Trois visages de Tullula-Belle, de Stéphane Doreau et Geoffroy Larcher, sorti en ce début de mois chez Mosquito/

Couverture de l’album

« Stéphane, c’est cet homme au sourire doux, très discret. On me le présente un jour, au bout de la table dans une cantine du foyer des jeunes travailleurs, à Laval, où nous déjeunons entre collègues. Nous ignorions encore que, quelques années après, nous allions tous les deux quitter nos postes, suivant chacun deux carrières vers le neuvième art.

« Il aime la BD, comme toi », me dit-on pour nous introduire. C’est une phrase qui me gêne toujours un peu, d’abord car si j’écris sur la bande dessinée, je dessine plutôt mal. Ensuite parce que j’ai un goût plutôt underground, qui fait qu’il y a souvent un malentendu avec des amateurs de « beau dessin ». De toute façon, il ne veut pas montrer son travail pour le moment, ce n’est pas fini. Il se concentre sur ce projet mystérieux, hors de ses heures de travail, sans faire de bruit, suivant son désir de toujours.

Lors d’une exposition, je peux enfin voir quelques-unes de ses planches, avec une maîtrise formelle importante mais, déjà, un goût de la fantaisie. Stéphane est un amateur au sens strict : il aime profondément le dessin, et c’est donc avec beaucoup de sérieux et d’attention qu’il travaille cette bande dessinée qu’il porte en lui depuis plusieurs années. Il reprend, refait, veut un produit fini, au risque du labeur. Alors lorsqu’il m’a présenté Tullula Belle, après des années, j’avais un peu peur d’être déçu et de lui donner trop de critiques.

Problème : s’il en était avide, je n’en avais pas tant à formuler. Ici un plan ou une approche, quelques coups de crayon en trop, peut-être, et encore. L’adaptation de cette histoire méconnue, écrite par le scénariste Geoffroy Larcher, est construite au cordeau, triant les mots avec finesse. Elle témoigne d’année de lecture et de passion pour la bande dessinée, cœur d’une compréhension intime. Ses couleurs, alors inachevées, étaient déjà placées avec une grande intelligence, ajoutant un charme suranné à l’ensemble, loin d’un remplissage. J’ai découvert le travail de Stéphane d’un coup, avec un album complet, et ce fut une très belle surprise. La cohérence graphique de l’univers, qui est évidemment onirique et si apaisant, malgré la violence de ce qui s’y déroule, m’a particulièrement marqué.

Je le savais amateur de Toppi, je me réjouis de le voir retrouver le catalogue de Mosquito, où il le voisine. Cet éditeur qui donne sa chance à un auteur qui ose enfin montrer son travail, d’une qualité remarquable pour un premier album. Si Stéphane accomplit un rêve d’enfant en faisant découvrir au monde le village de Mordaille, il était auteur pourtant depuis longtemps. Maintenant que son nom sera sur une couverture, il osera sans doute l’assumer et nous pourrons lire plus rapidement d’autres volumes, alors que débute une nouvelle carrière.

Maël Rannou
Critique et scénariste de BD
Ex-bibliothécaire de Laval »

Gudule, compagne de route de la bande dessinée

Il y a quelques années le site Bodoï a planté et pas mal d’articles ont disparu à jamais. La disparition de certaines de mes chroniques, que je n’ai pas conservées par ailleurs, ne m’a pas particulièrement rendu triste puisque c’est surtout de l’actualité, et qu’on retrouvait trace de ces titres ailleurs. Cependant il y avait un texte qui était un peu unique, une nécrologie de l’autrice Gudule, très connue pour ses livres jeunesses, et tant d’autres, qui avait croisé le chemin de la bande dessinée de manière plus ou moins proche au long de sa carrière. Il y a peu, j’ai pensé à regarder si c’était sur archives du web et, évidemment, ça y était. Bref, pour archive, ce qui est un peu le but de ce site où je ramasse des choses à moi ici où là, voici donc ce texte, augmenté de deux pages de Gudule dessinatrice.

Kwika est un des rares albums publié
comprenant des scénarios de Gudule

Décès de Gudule, amie de la bande dessinée

22 mai 2015 | Maël Rannou

Anne Duguël, dîtes Gudule, est décédée jeudi 21 mai à l’âge de 69 ans. Célèbre et très prolifique auteure jeunesse, mais n’hésitant pas à s’aventurer dans le roman adulte, c’était aussi une compagne de route bien connue des amateurs de bande dessinée.

Membre d’une famille d’artiste, elle est notamment la mère d’Olivier Ka – scénariste notamment de Pourquoi j’ai tué Pierre – et de Mélaka, auteure et pionnière des blogs BD. Au-delà de cette filiation, sa signature était présente dans de nombreuses revues majeures du neuvième art. Durant des années, on pouvait la lire dans Pif GadgetCharlie HebdoFluide Glacial, L’Écho des savanes et, bien sûr, le Psikopat, qu’elle avait contribué à fonder.

Elle y écrivait surtout des textes, mais scénarisa quelques récits, souvent dessinés par Paul Carali, son compagnon d’alors (on a pu les retrouver dans les albums L’Amalgame et Kwika). Les plus curieux avaient même pu la découvrir dessinatrice dans Le Havane Primesautier, fanzine de Charlie Schlingo, elle y révélait un trait Chagalien dont elle n’aurait pas à rougir.

Progressivement éloignée de ce milieu, elle s’était épanouie dans le roman et les nouvelles, réalisant une œuvre pléthorique mais riche, reconnue aussi bien par le public que les institutions. De la littérature jeunesse, mais pas que, parlant toujours à tous et n’hésitant pas à explorer le petit quotidien comme le fantastique.

Toutefois, cela ne le déconnecte pas du tout de la bande dessinée puisque tout amateur se doit d’avoir lu Kaïra, roman ado paru en 2001 chez Flammation, racontant à travers une histoire d’amour le quotidien d’une rédaction de journal de bande dessinée. La conception, les relations avec les auteurs, les fêtes quasi-orgiaques… on y découvrait l’envers de l’édition indépendante, son charme foutraque et ses problèmes logistique. On y reconnaissait bien sûr le Psikopat, mais le roman sentait aussi Hara Kiri. Ouvrage atypique, Kaïra était autant un vecteur de vulgarisation qu’une déclaration d’amour au médium.

Pour conclure, nous vous recommandons d’aller relire son blog, dont la dernière note datée du 19 mai montre cet éternel désir de création.

Le roman Kaïra dans une édition récente

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En conclusion de la republication de 2022, deux rares pages de bande dessinées que Gudule a intégralement réalisée, parue dans Le Havane Primesautier n° (chaud) 7, Artefact, janvier 1980.

Le Cri qui tue : entretiens préparatoires avec Jean-Pierre Mercier, Jean-Paul Jennequin et Jean-Louis Gauthey

Il y a peu, j’ai regardé une fort intéressante conférence de Claude Leblanc sur la revue Garo, tenue à la Maison du Japon à Paris dans le cadre d’une exposition liée :

Avec en plus une bonne captation, que demande le peuple ?

Cela m’a rappelé que, contrairement à une pratique que j’ai plusieurs fois réalisée sur ce site, je n’ai pas publié les entretiens préparatoire pour un long article consacré au Cri qui tue publié dans Les Cahiers de la BD n°11, paru en juin 2020. Pour l’élaborer, outre une lecture fibe de chaque numéro (où Tatsumi, auteur de Garo, publiait), j’ai interviewé plusieurs personnes, dont les entretiens n’ont été que très brièvement repris dans l’article. À l’exception de Frédéric Pajak, lettreur du magazine (« Ce travail était purement alimentaire. Je n’y ai trouvé aucun intérêt, ni artistique ni humain. Une corvée. Bien à vous »), tous étaient plutôt enthousiastes.

Tous les interviewés ont un rapport important avec la revue, et le manga en France. Mercier est un cofondateur des éditions Artefact, qui a publié un album de Tatsumi en 1983, Jennequin a participé aux premiers fanzines sur le manga en France, quand à Gauthey il a fondé les éditions Cornélius et a publié Tezuka et Tatsumi, deux auteurs majeurs du magazine, ainsi que d’autres grandes figures historiques du manga.

Les propos ont été recueillis par courriel et, pour J.-L. Gauthey, par téléphone, en avril 2019. On peut toujours trouver la revue et lire l’article.

La couverture de l’album de 1983

Jean-Pierre Mercier

Lisais-tu Le Cri qui tue à sa sortie ? Quelle que soit la réponse, comment ce projet est-il né : Atoss Takemoto t’as emmené le projet, tu l’as contacté ?
Oui, nous connaissions et lisions Le Cri qui tue et nous avons croisé plusieurs fois Atoss Takemoto lors des conventions, festivals, etc. Je suppose que c’est lui qui nous a proposé d’éditer des œuvres dont il avait la « représentation » (je ne sais pas quel type de relation il entretenait avec les auteurs qu’il publiait dans le Cri qui tue et qu’il proposait aux éditeurs francophones).
Il me semble me souvenir qu’il proposait des histoires de Tezuka, Golgo 13 et un certain nombre de classiques. Nous avons lu tout cela et décidé que nous publierions Tatsumi, dont le type de récit nous correspondait le plus. Il faut replacer ce choix dans le contexte de l’époque : nous ne connaissions RIEN à la bande dessinée japonaise et nous avons réagi « à l’instinct ». Sans rien y connaitre, nous pensions que Tatsumi était un grand auteur. Je le pense toujours.

Hiroshima reprend un récit paru dans le n°1 du Cri qui tue (Good Bye) et un récit inédit (Enfer), est-ce vous qui avez opéré ce choix avec Takemoto ou le projet était-il « clef en main ».
Honnêtement, je ne sais plus. Je suppose qu’Atoss Takemoto nous a proposé un choix d’histoires. J’ai repris la traduction déjà faite et corrigé des bricoles, me semble-t-il.

Le format d’Hiroshima est celui d’un album franco-belge, le titre reprend le thème d’une des histoires de manière plus directement compréhensible, on sent que vous vouliez toucher un plus large public. Quel a été l’accueil du livre ?
Pour le format, la question ne s’est même pas posée, on a placé ce livre dans une collection dont le format était immuable, en cartonné, et voilà. Le titre est un effort conscient d’essayer de se faire repérer par un lectorat un peu plus large. L’accueil a été comparable à celui de tous nos autres livres : un petit noyau de lecteurs a été réceptif, au-delà pas de visibilité. Certains libraires nous ont reproché la couverture, qui ne rendait pas justice au contenu. À raison, me semble-t-il. La publication du livre en France a incité José Maria Berenguer (El Vibora) a publier Tatsumi en espagnol, ce qu’il a fait avec une couverture et un titre plus accrocheurs.

Aviez-vous conscience de publier quelque chose de particulièrement original (le manga) ou pas plus que l’underground néerlandais par exemple ?
Sans doute, mais on n’en faisait pas des caisses là-dessus. On avait commencé avec Tante Leny, on continuait avec El Vibora, publier un auteur japonais était logique. On s’acharnait à publier des auteurs étrangers inconnus à l’époque de l’explosion de la nouvelle BD française… De vrais Indiens contraires.

Enfin, y avait-il d’autres projets liés à Takemoto d’envisagés par Artefact durant un temps ?
Je ne sais plus. Si on avait pu, on l’aurait fait je suppose, mais notre situation financière était tellement tendue que nous étions sans doute occupés à colmater les brèches par ailleurs.

Numéro de Manga 10000 images consacré à Tezuka, Jennequin y a écrit un article (sommaire en cliquant sur l’image)

Jean-Paul Jennequin

Tu étais lecteur du Cri qui tue, comment as-tu découvert cette revue et te souviens-tu de ta réaction à l’époque ?
J’ai découvert Le Cri qui Tue tout simplement chez mon marchand de journaux habituel. À cette époque, il y avait encore une large presse BD qui valait la peine de passer régulièrement chez le kiosquier. Quand j’ai vu de quoi il s’agissait, je me suis jeté dessus. J’attendais une revue de ce genre depuis l’article (enfin disons, l’articulet) sur la BD nippone qui était paru dans Phénix 21.

Quelle BD t’aurais particulièrement marqué, s’il y en a eu une, et quel impact cela a-t-il eu sur ton intérêt pour le manga (tu as participé à des zines sur le mangas dès les 90’s, a écrit un long article sur Tezuka…) ?
Je pense que les BD de Tezuka et d’Ishimori (c’est comme ça qu’Ishinomori signait à l’époque) m’ont particulièrement impressionné. Tezuka, j’avais déjà vu son style de dessin dans les dessins animés Le Roi Léo et Le Prince Saphir, qui passaient à la télé quelques années auparavant. Et Ishinomori, j’avais vu, là encore, un épisode de Cyborg 009 dans un cinéma vers1969. Le Cri qui Tue publiait des articles sur les auteurs et la BD japonaise, ce qui aidait à placer les bandes dans un contexte. Le Cri qui Tue a renforcé un intérêt pour le manga né avec ce fameux « article » dans Phénix. C’est véritablement avec cette revue que j’ai commencé à prendre conscience de la vaste terra incognita que constituait la BD japonaise.

Peux-tu me redire l’anecdote, non attestée mais intéressante, sur la venue de Tezuka et le dépôt de Cri dans Angoulême ?
Je pense que je la tiens de Didier Pasamonik. Selon lui, l’année où Tezuka était venu à Angoulême (1982), Takemoto aurait mis des invendus du Cri qui Tue en distribution gratuite dans tous les hôtels de la ville, pour que les gens se servent. Mais ça n’intéressait pas grand-monde, apparemment. Il faut dire que ceux que ça intéressait les avaient déjà achetés. 
Tu pourrais poser la question à Didier, qui pourrait peut-être te la confirmer. Bernard Joubert était à Angoulême cette année et a photographié Tezuka sur le stand où il dédicaçait. Et François Corteggiani était à Angoulême cette année-là également (on le voit représenté par Tezuka dans le petit reportage en BD que ce dernier avait fait de son passage à Angoulême).
Sinon pour le crédit, Tsunami n’était pas le premier zine manga de France [NDA : j’avais contacté Jean-Paul en lui disant que je l’interviewais en tant que premier éditeur de fanzine sur le manga en France]. Cet honneur revient à Mangazone, créé par Patrick Marcel qui en auto-édita une première version photocopiée avant de l’animer pour sept numéros édités par l’association Saga (celle qui éditait et édite toujours Scarce). J’ai repris la rédaction en chef de Mangazone au huitième et dernier numéro. C’était peu ou prou au moment où Tonkam m’a proposé de faire une revue manga/Japanime. Ce fut Tsunami. Si ça t’intéresse, je dois encore en avoir quelques exemplaires en double dans ma documentation.

Couvertures des n° 1, 3 et 5 du Cri qui tue (1978-79-80). On note la curieuse présence de Mafalda, qui proclame « I’m back » alors qu’elle n’a jamais été là (Léa de Louise Attaque style)

Jean-Louis Gauthey

Tu étais lecteur du Cri dès la sortie où tu l’as trouvé a posteriori ?
Oui, dès la sortie, le n° 1 avec Golgo 13 en couverture. Mais c’est flou, je l’ai peut-être découvert après.

On repère une influence directe sur ton catalogue, on y retrouve Tezuka et Tatsumi, mais ça a pris du temps, plus de 30 ans pour les publier. Tu as eu envie de les éditer dès cette époque et ça a maturé ou c’était moins évident ?
Tatsumi oui ça c’était évident, l’album d’Artefact a du sortir en 1983 et c’était ça le plus grand choc. C’est vraiment ce livre, avec l’histoire sur Hiroshima qui n’est pas parue dans la revue je crois. J’ai du le lire avant sans imprimer son nom.
Dans Le Cri qui tue ce que je trouvais étrange c’était ce mélange entre qui, je devais avoir dix, m’apparaissait sans aucune cohérence Entre Demain les oiseaux de Tezuka et Golgo 13 de Saïto, je ne voyais aucun fil conducteur. À la rigueur en cherchant je pouvais faire un lien, mais avec Tatsumi plus du tout. À l’époque je devais avoir dix ans, j’ignorais tout des liens historiques et personnels qui les unissaient tous les trois. C’était complètement aberrant.
Mes références étaient la bande dessinée franco-belge et un peu d’underground français digéré qu’étaient L’Écho des savanes et Fluide Glacial, les codes étaient complètement différents.

Autour de cette nouvelle culture, Le Cri qui tue publiait aussi des articles sur le Japon et sa culture, sur les mangakas, tu les lisais ?
Oui, et justement à l’époque ça a conforté mes a priori. La télévision française à cette période parlait surtout du Japon à travers des particularisme, voire des légendes, édifiés en généralités comme « les japonais mangent la moitié des poissons au restaurant et rejettent le restent dans un aquarium » ou « les japonais dorment dans des hôtels avec des chambres capsules » qui devient « les japonais prélèvent juste ce qu’ils veulent manger sur un animal » ou « les japonais dorment dans des capsules ». Ce que décrivait Le Cri qui tue aussi c’était l’industrie des auteurs de mangas et tout ça fusionnait dans ma tête et a retardé ma rencontre avec le Japon.
Ce n’était pas tant ce qu’ils racontaient, les sujets sont noirs mais c’est vraiment ce décalage, cette dissonance esthétique qui a collé avec tout ça. La manière dont Takemoto décrivait ses rencontres avec les auteurs était sympathique mais ça semblait très différent et cela me laissait penser que je n’aurais jamais les contacts, alors qu’avec les auteurs français j’avais les contacts. Je comparais avec ce que je connaissais et je me disais « ohlalala c’est très différent ». Bon, c’est vrai que c’est très différent, incontestablement, après j’ai pu y aller, rencontrer, corriger des informations médiocres, mais l’écart culturel reste réel. Certains font semblant de ne pas le voir mais moi c’est ce qui me plaît.

Le premier Tezuka (2005) et le premier Tatsumi (2008) de Cornélius.

Si la sélection des auteurs du Cri qui tue peut paraître incohérente le choix est quand même extrêmement fort. Tezuka, Ishinomori, Saïto et Tatsumi sont désormais reconnus comme des auteurs majeurs.
Oh il en manque, forcément, mais on constate surtout qu’à part Tatsumi ce sont des auteurs venus de grandes maisons comme Shueisha ou Shogakukan. Dans la revue il dit très simplement qu’il veut publier des trucs assez commerciaux, même si à part Golgo 13 il n’y a rien qui se vendait si bien que ça.

Outre Tatsumi, tu as aussi directement repris Tezuka dans ton catalogue, même si tu n’as pas publié Demain les Oiseaux. Pourquoi avoir publié Tezuka, qu’y trouvais-tu que tu ne retrouvais pas dans les autres publications de l’auteur ? En tous cas, ça a lancé dans ta structure un vrai fonds de classiques du manga.
Demain les oiseaux est chez Delcourt, quand j’ai enfin pu le lire j’ai finalement été un peu déçu. C’est très décousu et il fait référence à Demain les chiens de Simak, qui est quand même un excellent bouquin, que j’ai lu entre-temps et ce n’est pas le même niveau. Ce n’est pas ce que je préfère de Tezuka. Mais bon Tezuka je n’aime pas tout, souvent ça commence très bien et ça s’affaiblit. Il aurait pu publier d’autres choses, Blackjack aurait très bien marché dans ce format…
Mais pourquoi Tezuka ? C’est quand même un acte fondateur, ça me paraissait cohérent de présenter cette période de Tezuka qui été peu présentée en France, et elle l’est encore assez peu d’ailleurs, en gros mi-50/mi-60, qui est à mes yeux sa meilleure période. J’aurai aimé en publier d’autres mais il faut savoir que ça se vend assez mal Tezuka.
Ce qui m’intéressait c’était ce qui sortait du cadre du mangas tel qu’il était conçu en France : une bande dessinée de flux très commerciale. Le mangas c’est bien plus que ça, incluant la BD expérimentale et de niche. Tezuka pouvait poser ça, puis Tatsumi évidemment mais les choix sont presque théoriques.

Tatsumi est aujourd’hui fondamental dans ton catalogue, avec désormais une anthologie annuelle, on a vraiment l’impression que c’est de lui qu’on part pour découvrir des dizaine d’autres auteurs méconnus.
J’ai payé mon tribut à Tatsumi, de la même manière que si je peux un jour je le paierai à Gotlib. Ce sont deux auteurs absolument fondateurs pour moi donc c’était une évidence que je devais le publier. Malheureusement je n’ai pas pu le publier le premier, après Artefact, parce qu’il y a eu un malentendu avec l’éditeur japonais qui a cru que je ne voulais pas le faire et l’a proposé à Vertige Graphic qui l’a publié en 2003. Il faudra encore cinq ans pour sortir L’Enfer, le même titre que le deuxième récit de l’album Artefact.

Cornélius débute la publication de Tatsumi en 2008, en 2015 l’éditeur lance une grand anthologie chronologique. Cette ville te tuera est le premier volume.
Je l’avais chroniqué ici

Index de mes articles universitaires, point 1 sur ?

Cela n’échappe pas à celles et ceux qui me suivent : j’écris beaucoup, de la chronique d’album au livre, en passant par la tribune d’opinion (et Julie Doucet a bien gagné !) ou l’article de fond. Depuis que j’ai débuté mon doctorat en septembre 2020 je publie aussi, forcément, des articles universitaires. Généralement long, parfois un peu laborieux, ils passent par le fameux principe de la relecture en double aveugle (deux correcteurs anonymes relisent le texte, anonyme aussi, le commentent et l’évaluent). De mon expérience c’est intéressant mais parfois curieux (j’ai parfois eu des relecteurs aux avis diamétralement opposés), c’est en tous cas un rythme très différent de la presse et une reprise assez éreintante. Moi qui déteste me relire ou revenir sur un truc fait dans le passé j’y suis bien obligé, c’est le jeu, et je découvre aussi des délais parfois très long, le délai moyen est bien de six à huit mois entre écriture et publication mais, dans certains cas (notamment les actes de colloques), ça peut prendre des années.

Autre chose remarquée, je suis en Sciences de l’information et de la communication, une matière qui est par principe aux croisement. J’écris donc dans des revues diverses avec des articles publiées ou en cours de publications dans des revues d’histoire (surtout, puisque mon labo est quand même un labo d’histoire culturelle), d’arts et lettres, de métiers du livres et des bibliothèques, de journalisme… Tout ça pouvant entrer dans les « revues qualifiantes » nécessaires pour chercher des postes une fois docteur. Tout ça est loin mais pas inintéressant. Je constate aussi des pratiques différentes selon les revues, plus ou moins exigeantes, même si je n’ai jamais eu l’occasion de traiter avec une revue prédatrice (de toute façon par principe si quelqu’un veut que je paie pour publier je fuis).

Bref, ci-dessous la liste des articles universitaires que j’ai publié à ce jour depuis le début de mon doctorat, certain ont été écrit bien avant : l’année anticipant ce doctorat pour Le Temps des médias notamment, en dialogue avec ma directrice, me permettant de débuter avec déjà un revue qualifiante dans mon CV, ou carrément dans des colloques fait il y a des années, comme celui sur Glénat. J’attends toujours la publication de celui sur Pif le chien, tenu en 2019.

Octobre 2020 : « La bande dessinée durant le Printemps érable (2012), un outil de diffusion et de mobilisation pour une lutte en cours », Le Temps des médias, 2020/2 (n° 35), p. 54-71. Premier vrai article publié dans le cadre de mon doctorat, en répondant à un appel pour un dossier sur les luttes sociales, il mêle mes quatre thèmes favoris : BD, politique, Québec et fanzines ! Autant dire que je pouvais m’arrêter là (mais non). J’ai envie de leur proposer un varia depuis longtemps, ce sera possible quand j’aurai fini les quatre articles en retard j’imagine….
En ligne : https://www-cairn-info.ezproxy.universite-paris-saclay.fr/revue-le-temps-des-medias-2020-2-page-54.htm (pour ceux qui n’ont pas cairn je l’ai mis sur hal aussi).

Je trouve ça curieux ces revues universitaires ne changeant jamais de couv, il n’y a même pas le thème (et en plus ils se sont gourés sur l’année).

Juin 2021 : « La bande dessinée québécoise et ses liens avec l’Europe francophone : une histoire artistique et critique encore à établir », Études canadiennes / Canadian Studies, 90 | 2021, 113-139.
Un texte présentant les intuitions de ma recherche future, je l’avais écris en début de doctorat, c’est un peu touffus, pas forcément très construit, mais particulièrement utile en début de recherche pour commencer à centrer mon propos. Un article à paraître cette année en est un peu le pendant du côté historiographie. De manière plus générale ça m’intéressait assez de publier dans la seule revue d’études canadiennes en France et je suis plutôt bien tombé avec un n° sur la jeune recherche pile quand je débutais la mienne ! En plus ils ont décidé de mettre tous les numéros sur OpenEdition dès parution avec ce numéro https://journals.openedition.org/eccs/4774

Entre les gros folios, les textes au milieu de l’image géante et la couleur de typo on a autant un recueil d’articles, vraiment chouette, qu’un essai plastique et d’édition, qui me questionne un peu plus.

Juin 2021 : «  Inachève bien les chevaux, tentative de typologie des bandes dessinées inachevées », Éclat n°1, p.
Si ce n’est pas strictement une revue universitaire (il n’y avait d’ailleurs pas de relecture en double aveugle), cette revue éditée par la Haute école des arts du Rhin et 2024 publie les actes d’une journée d’étude passionnante tenue en octobre 2019 sur la BD fragmentée, curieusement mêlée à des dessin d’étudiants et à une mise en page en typo viollete-rose, pourquoi pas. J’avoue assumer modérément le jeu de mot de titre finalement ^^ Texte sur hal : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02549690

Autre exemple de revue avec toujours la même couv mais là le thème est annoncé.

Août 2021 : « La bande dessinée argentine et la politique, autour d’un malentendu – Entretien avec Latino Imparato », Caravelle n° 116, p. 151-166.
Comme j’ai fait un dossier de revue sur la BD argentine, une anthologie de BD colombienne, que je publie aussi des chiliens dans Gorgonzola, des gens croient que je suis expert de la zone latino-américaine : en fait, absolument pas, je ne parle d’ailleurs ni espagnol ni portugais ! Alors quand on m’a contacté pour un dossier sur la BD argentine et la politique dans une des plus grosses revues d’études hispaniques et lusophones j’étais un peu embêté. In fine, on m’a proposé de réaliser un entretien avec un acteur de l’édition en France, c’était alors beaucoup plus simple et pas un réel article universitaire, mais bien dans une revue universitaire, le malentendu du titre pourrait aussi désigner mon rapport à la BD latino-américaine.
C’est en ligne sur OpenEdition : https://journals.openedition.org/caravelle/10859

Novembre 2021 : « Jacques Glénat et les fanzines », avec Philippe Capart, et « Titeuf et la génération Tchô », dans Reyns-Chikuma Chris (dir.), 50 ans d’histoire des éditions Glénat, Presses de l’Université de Liège, coll. « ACME ».
La journée d’étude a du avoir lieu en 2018, bizarrement l’éditeur a tenu à fusionner la communication de Philippe et moi, qui parlait du jeune Glénat-Guttin, pourquoi pas mais ce sont vraiment deux blocs indépendants réunis un peu artificiellement. Constatant que durant ce colloque personne n’avait parlé de Titeuf et Tchô, juste tout de même importante chez Glénat, j’ai proposé un article sur ce sujet aussi. C’était beaucoup, mais j’aime vraiment cet article, même si croyant que le livre ne sortirai jamais j’en ai proposé une version plus grand public et limité à Titeuf à Bédéphile, et que les deux trucs sont finalement sortis en même temps, hum.

Décembre 2021 : « Le Prix de la critique ACBD de la bande dessinée québécoise : construction, limites et réceptions d’un objet contradictoire », InterFaces n°31 (2).
Article pour la revue en ligne de l’Universidade Federal do Rio de Janeiro, revue majoritairement en portugais consacrant son dossier au thème « Prix : querelles et consécrations ». C’était intéressant à faire, sur une matière très contemporaine (qui a déjà évoluée) et c’est en ligne : https://revistas.ufrj.br/index.php/interfaces/issue/view/1922/

D’autres articles sont déjà écris : deux pour Strenae, un pour Société & Représentation, un est en cours de rédaction pour Alternative francophone, un autre pour la Revue française d’histoire du livre… Un projet de numéro coordonné pour Mémoires du livre, des projets pour le Bulletin des bibliothèques de France et Sur le journalisme… Mais aboutiront-ils ? Quand paraîtront-ils ? C’est un mystère ! M’enfin, c’est déjà pas mal en un an et demi de doctorat ces publications.