Ce qui reste sans doute mon meilleur fanzine (en fait ce n’en est pas un selon ma définition, mais selon celle de Léa Murawiec si, mais ça c’est dans Définir le fanzine). Et tout en couleur s’il vous plaît. Il faudrait le réimprimer (enfin l’imprimer, il ne l’ai jamais été).
Il est intéressant d’y noter la forme : une couverture, des crédits, une reliure (agrafée) et surtout un numéro. IL n’y a pas (encore) de n° 2 toutefois. C’était une collaboration avec Gwendal Rannou au scénario, mon grand frère, Les éditions L’Égouttoir étaient déjà là.
J’évoque ce récit dans un article qui vient de paraître sur Comicalités, le lien vers lequel j’envoyais sur Facebook était mort, de fait ces réseaux ne sont pas très stable, cette adresse devrait l’être plus !
Le document est daté du dimanche 27 février 1994, j’avais alors à peine 5 ans, étant né le 20 février 1989, mon frère avait (et a toujours) deux ans de plus. Il n’est pas étonnant que nous ayons dessiné ça un dimanche, car comme le dit la chanson…
Ci-dessous les pages donc, et la retranscription des textes :
« C’est la panique chez les hommes les géants a blesser tout le monde »
« Pourquoi ils ont tous peur de nous » En bas, une bulle sur deux pages : « Moi je suis petit mais je suis cap d’écraser une maison »
« Normal parce’on est des géants » « Les gens meurent un par un car les docteurs sont blessés. »
« Bientôt les géants occupent l’univers » (avec quelques doutes d’orth)
« Planète Lune » « Super un extraterestre » « Arrête de crier ou je te pète la figure »
Monstre : « Ah ah je te rattrape sacripient » Légende : « Coupe de la fusée » Humain dans la fusée : « Je l’ai échaper belle il ne va pas venir me chercher » Texte off : « L’homme ses enfuit dans sa fusée mais le géant le rattrappe et l’ecrase (on dirait un tas de feraille) »
« Alors le monste est revenu sur terre voir c’est compagnon »
« Voila, voila, votre mousse » « Ce monstre qui a tué le dernière homme est devenu empereur de l’univers des monstres »
« Apporter moi ma mousse !!!!! »
*
Il y a des mystères dans ce récit, les personnages ne se reconnaissent pas toujours hyper bien, et cette histoire de mousse m’échappe. Après discussion avec mon frère et vu le dessin à base de bleu, le plus crédible nous semble que le monstre prend un bain et demande du produit pour faire du bain moussant, chose dont nous raffolions. C’est bien plus crédible que la bière à laquelle on peut penser avec « apportez moi ma mousse », car pour le coup l’alcool était plutôt absent chez nous (et ma foi, c’était pas mal).
Sur son blog, Thierry Groensteen, un théoricien avec un parcours lui donnant une place importante dans le milieu de la bande dessinée, fait un petit billet sur les fausses planches originales, à partir d’une fausse planche de Crumb mise aux enchères puis retirée. Au-delà de la réflexion générale, et de l’étonnement de voir que des experts ont pu valider la mise en vente d’une planche des 70’s de Crumb en français, ce qui est absolument délirant, il émet une hypothèse – plutôt affirmée – sur l’origine de la planche : « Selon toute apparence, ce faux aurait été fabriqué par les Canadiens qui, à une époque, avaient pour habitude de procéder ainsi quand ils “traduisaient” la production du maître de l’underground : ils la redessinaient purement et simplement ! »
Bien que travaillant depuis des années sur la bande dessinée québécoise je n’avais jamais eu vent de cette habitude. Elle est peut-être réelle dans certains cas, mais paraît surprenante pour Crumb. La figure de l’unground est en effet publiée dans Mainmise, une revue contre-culturelle québécoise, genre d’Actuel qui tisse des liens avec l’underground états-unien comme européen, de manière certes fort amateure, mais assez officielle. Si des ajouts de dessins ont parfois lieux (je n’ai pas recomparé de pages mais le 26 août 2021 sur Facebook Jean-Christophe Menu écrivait en commentaire d’un de mes posts sur le groupe J’AI ! que les adaptations étaient aussi graphique : « genre rajouter une tête de mort Hell’s Angels dans le ciel ! ») la revue possédait une autorisation de republication, après avoir adhéré à un syndicate de la presse underground US, et n’avait pas vraiment de raison de tout redessiner au-delà de quelques petits gags ici où là. Une pratique qui est déjà une drôle d’idée, mais Maimise reste une revue contestataire qui ne respecte rien, c’est bien normal !
Pour en revenir à la planche, j’ai partagé rapidement l’information à des amis québécois spécialistes de la bande dessinée qui ont été très surpris de cette affirmation de Thierry Groensteen. De fait, aucun texte ou source reconnue n’indique cette « habitude » du recopiage de planche pour aller plus vite (qui, quand même, pose question).
Plus précisément, observer la planche incriminée confirme que cette affirmation est fausse, au moins dans ce cas. Les traductions de Mainmise sont extrêmement marquées dans le vocabulaire, la couverture du deuxième recueil de Crumb au Québec (1972 selon la BAnQ) affiche d’ailleurs fièrement « Adapté en québécois par Raymond Lavallée » – j’en profite pour remercier Placid d’avoir posté la photo de ces deux volumes, que j’utilise en couverture de cet article.
Et de fait, dans Mainmise le récit en question s’appelle « Blancmanche » (pour Whiteman en VO) et non « Blanchot », si les deux titres ont été redessinés il ne s’agit clairement pas des mêmes pages. Il y manque certains détails de bords de la fausse planche, qui pourraient être une simple question de maquette, et le dessin diffère un peu, on trouve aussi dans la fausse planche un sous-titre « Progressiv… ». Surtout, texte est aussi très différent : « “Visez-le !… … L’est au bord de la dépression…” » dit le début du récitatif quand sur la planche de Mainmise on peut lire « Pov’ Blancmanche est ben’ down’ », ce qui est quand même singulièrement différent.
Mais après tout, qui sait, il s’agit peut-être d’un faux québécois de Crumb tout autre ! Ce serait quand même une drôle d’idée quand on peut photocopier une version existante mais allons-y. Dans cette histoire, que la fausse planche propose en une grande version très tassée alors qu’elle est connue en anglais et dans l’édition Mainmise sur bien plus de pages, les cases 9 & 10 donnent des éléments assez clairs sur l’origine. Ce n’est pas le cas de toutes les pages de l’auteur, mais par un heureux hasard il s’avère que dans cette histoire le personnage fait soudain une déclaration de ferveur nationaliste. En effet, il s’exclame dans là VO « I’m american » puis « A citizen of the United States ! »
En pleine « Révolution tranquille », qui marque le réveil et l’affirmation du peuple québécois, le texte traduit par Lavallée en joue donc et transforme la déclaration en cohérence avec la scène locale : « Je suis un Québécois ! » « Un citoyen du Khanada ! ». Le fédéralisme états-unien est transposé à celui du Canada, de manière assez simple. Le drapeau prend le fleurdelysé québécois.
Et que nous dit la fausse planche ? La qualité n’est pas terrible, je n’ai pas mieux, mais la transposition est typiquement européenne : « Je suis un Français ! » « Un citoyen de l’Europe-Unie ». Le drapeau est bien tricolore (avec un machin au milieu que je ne distingue pas).
Il y a donc fort à parier que la fausse planche soit parfaitement française, et bien plus récente que des années 70. Savoir d’où elle sort et sa date réelle est un autre sujet, sur lequel je n’ai aucune compétence. Mais il paraît clair que dire qu’il s’agit d’une habitude, peu attestée faisant penser qu’il s’agit forcément des canadiens, alors que les éléments textuels indiquent clairement la France, à la rigueur l’Europe, est aller un rien vite en besogne.
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Pour en revenir à Mainmise, si Crumb publie dès 1967 en France en couverture du premier numéro d’Actuel (sa première publi française est même a priori antérieure), magazine qui publie un premier album en 1974 sous forme d’un hors-série, les deux albums des éditions Mainmise ont été publiés dans une édition européenne dans la foulée (aucune date n’est indiquée,). La première édition possède une couverture différente, tout en gardant le titre – pourtant peu porteur dans nos contrées – Les Comix de Mainmise.
J’aurai pensé l’édition pirate, car à part cette couverture, elle reprend sinon la préface et la traduction québécoise. Il existe peut-être des nuances que je ne peux pas chercher. Le volume 2 est lui absolument identique en apparence, le « adapté en québécois » est en couverture, tout comme un prix en dollar. Seule différence avec l’édition québécoise : comme sur le premier volume un éditeur est mentionné « Éditions des Egraz – Yverdon ». Yverdon est une ville Suisse francophone et nous pourrions avoir un étonnant objet en termes de circulation : publication pirate (ou non) d’un comix Étatsunien traduit en français québécois mais diffusé en Europe par un éditeur suisse. Bon, si ce qui est écrit sur la couverture est vrai, je n’en sais trop rien car je n’ai pas enquêté sur l’éditeur (une rapide recherche fait surtout ressortir les Crumb), et ça aurait pu être un mensonge pour brouiller les pistes, mais comme les deux volumes sont bien présents dans le catalogue de la bibliothèque nationale suisse avec une adresse (une boite postale) et une date (1973, ce qui en ferait donc le premier album de Crumb en Europe puisque celui d’Actuel paraît l’année suivante), cela laisse bien penser à quelque chose de déposé à peu près officiellement.
MAJ IMPORTANTE : Rolf Kesselring, éditeur suisse bien connu de pleins de choses étranges dont de la BD underground et la première revue de mangas en Europe, a créé sa librairie « La Marge » à Yverdon en 1970, il serait bien probable qu’il soit l’éditeur en question. Il a d’ailleurs publié un album de Crumb, Crumbland, sous son nom en 1975, toujours à Yverdon. (merci JC Menu pour l’info)
Merci à Placid, Jean-Christophe Menu et à mes informateurs rigoureux de la page « La bande dessinée québécoise », particulièrement Francis Hervieux et Richard Gendron.
Le groupe Facebook réussi bizarrement à exister, en changeant un peu son but, avec des défis, des jeux… Le dernier en date est un fanzine hommage à Placid et Muzo, série involontairement quasi surréaliste de Nicolaou. Un gabarit de 4 cases égales, typique des poches, a été fourni et la contrainte était de dessiner un gag rapidement, en 4 minutes. Bon en réalité tout le monde a quasi fait plus, mais enfin cela fait un fanzine avec plus de 70 participations, des gags et une version papier sur le stand J’AI/L’Égouttoir en janvier.
J’ai pour ma part dessiné un gag, mais aussi un jeu, fidèle à la répartition « 100 gags/100 jeux » des poches sauf que bon, on n’a pas ce nombre. Bref, voici en exclu mondiale (wouhou) le jeu, qui fut mon dernier dessin de 2023. Le gag et le reste dans le zine !
Illustration de couv : Publicité sur le fanzine, dessin de Vincent Vanoli.