Natacha dans ses albums : quand le paratexte éditorial d’une BD jeunesse franco-belge migre vers son public

Natacha est une série importante de la deuxième génération d’après-guerre de Spirou. Alors que Franquin et Peyo s’affirment comme les incontestables têtes de gondoles du magazine (Will a moins d’hérédité et Morris migre chez Dargaud en 1968), les rédacteurs en chef tentent de renouveler les personnages, tout en créant régulièrement des épigones graphiques de deux stars suscités. Gos et Walthéry sont de ceux-là, les deux viennent d’ailleurs du Studio Peyo – c’est sensible chez Gos dont les Galaxiens sont clairement des sortes de Schtroumpfs verts (mais pas verts Schtroumpfs !), moins chez Walthéry qui développe un dessin plus réaliste. Il faut dire que celui qui est un des plus jeunes assistants des studios Peyo, il y entre à 17 ans, travaille principalement sur Benoît Brisefer et Jacky et Célestin. Ces deux séries de Peyo, plus mineures que les Schtroumpfs, sont par ailleurs toutes les deux contemporaines et régulièrement urbaines, loin du moyen-âge fantastique des lutins bleus. Si les humains restent proches au début du style développé par Peyo, Walthéry s’en détache largement au fil du temps.

Après avoir réalisé ensemble Tonton Placide, épisode de Benoît Brisefer que je chéris pour l’avoir lu et relu enfin dans une version poche dénaturant complètement la mise en page, Walthéry et Gos créent donc Natacha, un personnage féminin d’hôtesse de l’air sexy et prompte à se jeter dans la bagarre et l’aventure – une révolution dans Spirou où les femmes se devaient d’être mères au foyer si elles étaient belles. Si des critiques saluent Natacha pour son aspect féministe, et qu’elle a sans doute eu un rôle dans l’identification des jeunes filles (même si empiriquement on m’a plus cité Yoko Tsuno, de Leloup), cela reste une bande dessinée où les blagues grasses sont régulières et Natacha semble bien souvent être d’abord apprécié des lecteurs pour son corps. En témoignent les nombreuses dédicaces de Natacha dénudée qu’on retrouve en ligne : le site bédédicaces consacre même une section de sa page sur l’auteur à « Natacha la coquine ».

Exemple typique d’une dédicace Natacha trouvée sur le site ci-dessous

Natacha reste une série intéressante, notamment par la manière dont Walthéry s’est ouvert à de très nombreux scénaristes, après Gos il a ainsi vu son héroïne vivre des aventures sous la plume de grands noms comme Maurice Tillieux, Marc Wasterlain, Raoul Cauvin ou même Peyo, dont l’album La Mer de rochers sort en 2004, douze ans après sa mort. Walthéry est en effet connu pour ses retards homériques et accumuler de nombreux scénarios dans ses tiroirs. À ce titre je trouve intéressant qu’à côté de ces grands noms de la francobelgie, ainsi que d’autres auteurs moins réputés mais bien présents dans Spirou comme Mittéï, certains albums soient signés par des inconnus du neuvième art : son camarade de service militaire Étienne Borgers, auteur de nouvelles de SF à ses heures perdues, ou Guy d’Artet, un médecin et lecteur fan qui lui propose un jour un scénario, adapté en album des années plus tard. J’aime beaucoup ce côté très ouvert et foutraque de la série, dont le ton change tout en restant cohérent au fil des scénaristes et albums (qui vont du très chouette aux parfaitement dispensables).

Ce qui m’intéresse ici est toutefois cette question du public, le même qui veut des Natacha dénudées en dédicace. Ce public qui, comme Guy d’Artet dans ce qui est une des rares biographies à circuler (sans doute extraite du dossier de presse de l’éditeur lors de la sortie de l’album) est « secrètement épris » de l’hôtesse. Je connaissais bien cet aspect de l’intérêt du lectorat pour Natacha, il reste que c’est une série jeunesse, paraissant encore dans Spirou quand j’étais enfant et même bien plus tard (L’Épervier bleu y a été prépublié en 2014), avec quelques pauses liées à des questions d’éditeurs que je n’ai pas creusés – à partir de 1989 la série passe de Dupuis à Marsu production et ne revient dans Spirou qu’en 1996. De fait, rien dans la série ne choque spécialement en termes de violence ou de sexe, mais est-elle vraiment lue par des enfants ? On peut en douter, et c’est ce qu’a semblé affirmer l’édition de 1998 du premier tome sur laquelle je suis tombé dernièrement.

L’album en question

De prime abord, rien ne semble particulièrement notable, la couverture est quasiment identique aux 9 éditions précédentes : bédéthèque nous apprend que l’écusson est apparu en 1988 à la 8e édition de l’album, je distingue la date réelle au fait que la quatrième de couverture annonce la sortie prochaine du 18e volume. Cette information, évidente pour identifier une période de parution, n’est cependant pas la première que j’ai observée et qui m’a crié « ceci est une édition relativement récente ! ». Plus encore, ce sont les pages de garde qui m’ont étonné et surpris :

Gardes de l’édition de 1998

J’ignore si ces gardes apparaissent avec cette édition ou avant, elles viennent en tous cas après le changement d’éditeur de la série pour les nouveaux tomes, mais dans le cas présent après le retour dans Spirou, et donc dans l’affirmation d’une cible relativement jeune – ce même si le lectorat de Spirou lui-même est connu pour mixer des enfants et des nostalgiques, ce qui porte toute la complexité d’une revue historique pensée pour la jeunesse mais devant continuer de plaire à un lectorat adulte voulant lire sa revue d’antan. Quoiqu’il en soit, il semble que pour les albums l’éditeur ait tranché : le public enfant n’est plus celui qui est visé. Par ces gardes il semble dire que oui, la majorité des lecteurs sont des hommes, sans doute cinquantenaires qui, eux aussi, étaient « secrètement épris » de l’hôtesse. L’éditeur le sait, mais ne peut l’affirmer plus loin, c’est pourtant bien ces lecteurs sa cible, et ces gardes sont comme un curieux aveu, d’un secret de polichinelle sur la réalité des enfants intéressés par cette vieille série franco-belge. Un bel exemple de paratexte éditorial qui clarifie sans un mot les intentions.

EDIT (jour même) : Ainsi que me l’a signalé Laurent Boutin sur Facebook, les évolutions de la couverture vont aussi en ce sens : les lèvres deviennent plus pulpeuse, le décolleté plonge, pas vraiment subtil et, en même temps, je n’y avais pas fait attention.

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On notera qu’il existe un certain nombre d’albums jouant des charmes de Natacha, mais publiés par des petits éditeurs (voir ici, ici ou ici), mais jamais l’éditeur officiel n’a franchi ce Rubicon.

Autre curiosité étonnamment signifiante trouvée lors des recherches pour ce petit article, il existe une édition de ce tome 1 dite « au téton », un téton étant apparu sur le chemisier. J’ai du mal à comprendre ce qui était une réimpression a pu donner lieu à cela, la maquette était identique, les fichiers avaient ils été perdus ? Le téton a-t-il été rajouté par un imprimeur ou « non effacé » ? Mystère, je n’ai pas creusé, mais on trouve ici où là de cette édition vendue sur des sites parlant « d’édition dite au téton ». Je ne sais quoi conclure de tout ça mais ça me semble assez conforme à ce que j’évoquais – même si ici cela ressemble plus à une erreur de l’éditeur.

Enfin, si vous voulez connaître un peu Walthéry (qui est quand même un témoin très intéressant de cette francobelgie, au-delà de cette manie de dessiner son héroïne nue), un numéro de La Crypte tonique lui est consacré, avec un entretien dessiné par l’ami Jean Bourguignon, c’est assez chouette je trouve.

La Crypte tonique n°6, novembre 2012 (couv de Franquin)

Quand Stan Lee envisageait de publier Pif Gadget

Le sujet est peu étudié, y compris par moi qui ne fait que l’aborder de très loin dans mon livre, mais Pif Gadget a connu quelques versions étrangères. Je ne parle pas là d’exports, nombreux (j’évoque notamment le cas du Québec ici avec Sylvain Lemay), mais de transpositions du magazine dans d’autres pays (certes il y a eu quelques Pif Gadget spécifiquement québécois, mais c’est rare… et c’est dans l’article !).

Il s’agit par exemple de Pajtás magazin Pif en Hongrie, créé en 1978 et traduisant une bonne part de matériel français à côté de créations locales. Le journal a même existé en parallèle de l’import du magazine français, jusqu’en 1982. Ce journal est très mal documenté et je n’ai aucun lien avec la Hongrie, c’est un champ qui reste à explorer. Pif collection a fait de petits textes sur ces magazines, on les trouve dans le menu de gauche sous le titre « les versions étrangères » (étrangement je ne peux y faire de lien direct), on y découvre également une édition espagnole, de 1978 aussi, qui reprend carrément le graphisme du journal français.

Le forum des fans de Pif Gadget, dans un abondant et érudit sujet, a également trouvé une version danoise dès 1973. Yps, magazine allemand, est souvent évoqué, le journal ayant eu une grande longévité et du succès. C’est cependant un magazine préexistant qui s’est mis à accueillir largement les productions Vaillant, jusqu’à faire de Pif et Hercule les mascottes du titre, et pas une transposition directe. Cela étant, tous ces exemples montrent bien, quelle que soit la stratégie commerciale employée (traductions de bandes dessinées, export ou magazine directement transposé), qu’il y avait une vraie volonté de diffusion internationale du journal.

Version espagnole (n° 6, 1978) et danoise (n°9, 1974) de Pif Gadget, trouvés sur Pimpf

Si le sujet reste à étudier, une chose est certaine : dans les différents titres connus, aucun ne semblait être en anglais. La chose n’est pas forcément surprenante, en Grande-Bretagne les magazines européens comme la bande dessinée n’étaient pas si implantés, quand les États-Unis apparaissent comme des ennemis naturels du journal proche des communistes. Mais si le récit politique peut exister, diverses études ont bien montré que le service commercial de Vaillant n’était pas spécialement idéologue, et voici que des documents nous montrent qu’il a été question de manière très sérieuse que la Maison des Idées publie le journal aux USA.

Oui, vous m’avez bien lu, je parle de Marvel, éditeur de super-héros qu’il n’a pas hésité à mettre au service de la lutte contre l’URSS durant la Guerre froide (encore en cours à l’époque de ces échanges). C’est JL Mast, un des rares Français à dessiner pour Marvel mais aussi régulier exégète du comics, qui en a trouvé trace et m’a transmis les photographies qui suivent. Il dépouillait alors les archives de Stan Lee au American Heritage Center (Wyoming), afin de nourrir sa bande dessinée Fathers of Marvel Comics (que l’on peut suivre ici). Qu’il en soit mille fois remercié, tant ce petit trésor était inattendu.

Le total de documents représente six courriers. Ils indiquent que d’autres discussions ont eu lieu, au téléphone ou peut-être lors d’un festival. Il est notamment documenté qu’en 1972 une importante délégation de Pif Gadget, comprenant Hugo Pratt, André Chéret et Claude Compeyron, cadre du PCF et directeur des éditions Vaillant (puis Vaillant-Miroir Sprint) de 1970 à 1979, s’est rendue aux États-Unis. Pratt s’amuse dans son autobiographie en imaginant ce que ce dernier a du répondre au questionnaire d’entrée demandant si l’on est communiste… Je n’ai pas de certitude sur la présence de Limansky, responsable commercial, dans cette délégation mais ce serait probable. Dans mon article sur Pif au Québec on peut notamment voir que Limansky traverse l’Atlantique pour promouvoir le journal dans les mêmes années, montrant bien que c’était une pratique possible. Et il s’avère que les premiers échanges postaux sont datés de septembre 1973 donc peuvent correspondre à cette période.

Nos traces débutent par un courrier de Linda M. Reilly, une employée de Marvel (a priori du côté licencing). En le lisant, on comprend que Limansky a proposé à Marvel d’acheter les droits de Pif Gadget et de publier le journal pour le marché anglophone. Suite à cet échange, Linda M. Reilly écrit donc le 6 septembre à Limansky pour lui demander des exemplaires du journal, montrant bien que la discussion à dépassé la courtoisie.

Courrier de Linda M. Reilly à André Limansky
American Heritage Center, Wyoming, Stan Lee Papers.

Nous sautons ensuite au 24 septembre, il est fort probable que Limansky ait répondu à Mme Reilly mais nous n’en avons pas copie. Cette lettre est directement adressée à Stan Lee et reçoit une réponse quatre jours plus tard :

Courrier d'André Limansky à Stan Lee
American Heritage Center, Wyoming, Stan Lee Papers.
Courrier de Stan Lee à André Limansky
American Heritage Center, Wyoming, Stan Lee Papers.

Limansky informe son possible partenaire qu’il prépare une version anglophone de Pif Gadget, visant les États-Unis et l’Angleterre. Sans l’évoquer, il pense sans doute au reste du Royaume et au Canada où il y a déjà une agressive politique en zone francophone. Il indique aussi d’une venue le 10 décembre à New York, et s’enquiert de sa présence et de celle de son équipe de confiance.

Stan Lee lui répond directement et rapidement, montrant que l’affaire est sérieuse. S’il réitère sa demande de matériel dans les mois qui viennent, il explique à Limansky qu’il tentera d’être au maximum disponible lors de sa venue afin de prendre le temps nécessaire pour leur projet, temps qu’il imagine important puisqu’il évoque « la semaine entière ». Lee veut aussi lui montrer les bureaux de Marvel et les méthodes de travail américaines, afin que le français comprenne bien le fonctionnement différent de l’industrie du comics. Plus anecdotiquement, il termine d’un mot chaleureux en français « With very best regards, mon cher ami…. ». L’affaire n’est pas conclue mais semble partir sur de bonnes bases. Et s’il y avait un doute un télégramme envoyé trois jours plus tard (la date est donné par JL Mast car je ne la vois pas sur le document) confirme l’intérêt de Lee :

Le scénariste, mais surtout président de Marvel comics international, écrit (je traduis rapidement) : « Cher André, ceci pour confirmer le fait que je suis extrêmement intéressé pour publier Pif et vos gadgets pour les marchés britanniques et états-uniens. Une lettre suivra avec plus de détails. » Notons que Lee a bien corrigé le marché Anglais indiqué par Limansky en Britannique, et quelques coquilles dans le nom de rue ou de ville (Sayette et Parisx, sans doute lié à la dictée).

Nous n’avons pas la réponse de Limansky, elle est de fait venue par téléphone, mais une autre copie de télégramme de Lee, peu lisible, est enregistrée dans les archives encore une fois trois jours plus tard (4 octobre) :

American Heritage Center, Wyoming, Stan Lee Papers.

Le texte est peu lisible, c’est une copie, pâle, et en photo. le voici : « Just received your call. Please grand me a three month option effective immediately for Pif Gadget for Great Britian and United States most important and urgent best » (en réalité tout est en majuscule, mais c’est tout de même plus lisible ainsi). On le voit, Lee pose une option de trois mois, il est extrêmement intéressé et la chose est urgente. Par ailleurs, le rythme d’échange est effréné, on peut imaginer que Lee a reçu quelques exemplaires pour accélérer ainsi le rythme alors qu’il parlait encore quelques jours plus tôt de recevoir des choses en octobre ou novembre, pour en discuter en décembre.

On attend donc la suite avec grande impatience mais… rien. Cela ne veut bien sûr pas dire qu’aucun échange n’a eu lieu, téléphonique, ou même écrit, Limansky est peut-être même bien venu en décembre, mais aucune trace dans ce lot d’archives. C’est l’année suivante, le 5 avril 1974, bien loin de l’empressement initial, qu’on retrouve un courrier du responsable de Pif Gadget.

American Heritage Center, Wyoming, Stan Lee Papers.

Dans ce courrier Limansky ne désespère pas et explique à Lee qu’il lui enverra bientôt des récits pouvant être « bons pour l’international », indiquant avoir suivi les conseils de Lee. Il y a assurément eu des allers-retours, sans doute certaines BDs ne paraissaient pas traduisibles pour Lee, mais nous n’en saurons, cette fois, vraiment pas plus. Si ce n’est qu’il n’y aura jamais de Pif en anglais sur les marchés imaginés.

Est-ce juste que les contenus étaient finalement trop européens pour Marvel ? Trop chers (sans doute pas) ? Peut-être le lien avec le PCF a-t-il fini par peser, mais Lee devait bien en avoir connaissance en octobre 1973 alors qu’il était emballé. Une hypothèse plus crédible se trouve également dans ces archives, qui m’a tout autant été soufflée par JL Mast (l’ai-je déjà remercié ? Il a aussi un site officiel), est celle de la crise pétrolière. Certes, elle avait déjà débuté en septembre 1973, mais son impact continue durant plusieurs années, notamment sur les matières premières et le papier (ce qui nous rappelle quelque chose…). Une lettre qui ne concerne pas Pif Gadget atteste en tous cas de cette problématique dans la période

American Heritage Center, Wyoming, Stan Lee Papers.

Holli Resnicoff, assistant de l’éditeur, indique à un autre éditeur français, Opéra Mundi, que « l’extrême crise du papier aux USA » impose de reporter toutes nouvelles publications. Le courrier date du 18 avril, quelques jours après la relance de Limansky, on peut imaginer qu’il a eu une réponse ressemblante.

Il ne faut cependant pas totalement tirer un trait sur les liens Marvel/Pif Gadget, même s’il ne furent pas exactement ce qui était attendu. Des années plus tard, en 1990, le journal français lance Pif Super Géant, dans la foulée des poches et magazines dérivés, un rien calqué sur Super Picsou Géant. Cette publication comique, qui accueille les héros du journal, publie de temps à autre des hors-séries « Aventures ». Curieusement (enfin, sans doute parce que cela avait du succès), à côté de Loup Noir, Robin des bois ou Docteur Justice, Spiderman et Hulk apparaissent. J’aime particulièrement la quatrième de couverture de ce numéro de juillet 1991 qui accueille tout ce petit monde :

quatrième de couverture mêlant des héros français et spiderman,.

La présence de Hulk est uniquement liée à sa présence dans un épisode de l’homme-araignée, le journal lui donne tout de même la couverture. Au numéro suivant c’est Spidey. Une arrivée donc pour la collaboration Marvel/Pif Gadget, mais sans doute nettement moins aboutie qu’espérée par Limansky, et plus proche du chant du cygne : le journal met la clef sous la porte en décembre 1993, les super-héros n’auront pas suffi à le sauver.

(Vous ai-je bien dit qu’il fallait remercier JL Mast ?)

Pif Géant ! Aventures, juillet et décembre 1991.

Imagex, une bibliographie

Imagex est un auteur météore, avec une brève carrière, que j’aime beaucoup et qui a fortement marqué la BD alternative. Depuis plus d’une décennie, je cherche à remettre en avant son travail, avec de faibles moyens. Grâce à Jean-François Biguet, nous l’avons un jour retrouvé et L’Égouttoir a pu republier de vieilles pages, ou publier des bandes inédites dans Gorgonzola. J’ai aussi réalisé une série d’articles sur Du9 pour développer l’intérêt et l’analyse sur son œuvre, autour des albums Mauvais rêves, Colonie de vacanses (septembre 2013) et de Jalousie, un album annoncé mais jamais paru (février 2014). Dans ce corpus, le dossier sur Viper du Gorgonzola n° 18 paru en octobre 2012 (désormais en ligne sur Du9) peut aussi être pris en compte. Si l’on veut un état de l’art complet, notons l’article du blog de Mitchul sur Mauvais Rêves, dès juillet 2009, avec intervention d’Imagex lui-même en commentaire. Par la suite il publiera une interview sur un sujet curieux et plutôt intrigant (les bibliothèques des interviewés), au résultat modérément intéressant dans ce cas précis (Imagex venait de déménager). Notons que je m’étais aussi prêté à l’exercice, je redécouvre même que je l’avais inauguré avec les bibliothèques de ma maison d’enfance.

Logiquement, avec ce travail de réédition comme d’écriture, une envie de réédition était là depuis le début. Mais bon, L’Égouttoir n’en avait pas les moyens. Nous avons travaillé, cherché, et finalement, après des années, The Hoochie Coochie va sortir une grande et belle anthologie, dans laquelle je signe un texte au côté de Jean-Pierre Mercier, coéditeur d’un des deux livres de l’artiste. Dans mes recherches, en bon bédéphile à l’ancienne, j’avais tenté de réaliser une bibliographie complète, sachant que la plupart de ses publications sont dans des fanzines ou magazines peu étudiés (et encore, depuis bulledair propose les sommaires complets de Viper, du Krapö et de Zoulou, en plus de bdoubliées pour d’autres magazines).

Évidemment, ce genre de liste n’a plus vraiment d’usage dans des ouvrages imprimés aujourd’hui, surtout qu’on oublie toujours des choses, mais c’est parfait pour ce site, comme ça si vous trouvez d’autres strips, dessins ou articles d’Imagex, je pourrai mettre à jour cette liste ! Donc n’hésitez pas pour des ajouts, corrections ou compléments (notamment pour les dates imprécises), d’autant qu’il y a des planches non identifiées à la fin. Par ailleurs quand l’anthologie sortira, je pourrai ajouter les republications nouvelles. Vivement !

Carte postale accompagnant Viper, 1983. Ce dessin inspirera le
personnage de Mister Vrö à Mattt Konture.

« Sommaire » (illustration), 1 page, dans le Krapö n° 8, avril 1979.

« Voilà !» (illustration), 1 page, dans le Krapö n° 9, septembre 1979.

« Je parle pas », 2 pages, publié dans Sandwich n° 55, supplément au Libération du 13 décembre 1980, republié dans le Gorgonzola n° 19 en octobre 2013.

« Le Vélo », Viper n° 3, juin 1982, 2 pages, repris dans Mauvais rêves (Artefact, coll. « Contagion », 1983).

« Bord de mer », (À suivre…) n° 58, novembre 1982, 6 pages, repris dans Colonie de vacanse (Futuropolis, coll. « X », 1986).

Viper n° 4, octobre 1982 :
« Papa Goldorak », 6 pages, repris dans Mauvais rêves (Artefact, coll. « Contagion », 1983).
« Tchaï Shop (la petite boutique de thé) », scénario de Gérard Santi, 2 pages.
« Niouzes », illustration d’une rubrique d’actualité (½ page).
« Les aventures de Viper et Ganja », illustration, une page.
Carte postale offerte avec le numéro, ½ page.

Viper n° 5, décembre 1982 :
« Sommaire », illustration, 1 page.
« Dura lex, sed lex.. », illustration d’un texte signé Flo et Andy, 1 page.
« Le V. Pire : De Lorean coulé par la neige », illus d’un article d’Anita Jolijoint, ½ page.
« Grand-père est mort », 2 pages, repris dans Mauvais rêves (Artefact, coll. « Contagion », 1983).

Mauvais rêves (Artefact, coll. « Contagion », janvier 1983) :
« La Vie Débile », 13 pages.
« Le Cri », 2 pages.
« Un mauvais rêve », 8 pages.
+ les récits prépubliés dans Viper et indiqués comme tels.

« Colonie de vacanse », (À suivre…) n° 64, mai 1983, 4 pages, repris dans Colonie de vacanse (Futuropolis, coll. « X », 1986).

Viper n° 6, février 1983 :
« Dans les tours », 6 pages, repris dans Mauvais rêves (Artefact, coll. « Contagion », 1983).
« L’Ami indien », scénario de Gérard Santi, 2 pages.

« Dans les tours », très beau récit annonçant le virage de
science-fiction fantasy, Viper n° 6, février 1983.

Viper n° 7, avril 1983 :
« Sa gueule de con dans Calcutta bondé », scénario de Gérard Santi, 2 pages.
Carte postale offerte avec le numéro, ½ page.

Viper n° 8, juillet 1983 :
« “Fabienne” et les bêtises que j’ai faites… », 3 pages.
« Les Beedies en vente libre », illustration d’un rédactionnel non-signé, ½ page
« Jalousie », (À suivre…) n° 71, décembre 1983, 5 pages.

Viper n° 9, octobre 1983 :
« 1989 », 3 pages.
« 1984 », 1 page.
« Boeing sud-coréen vol 007, Que s’est-il vraiment passé ?, 1ère partie », illustration d’un texte de Marylin Hobeau, 1 page.
« De Paris à Kathmandu : Joyeuse années 84 », illustration, 1 page.

Viper n° 10, janvier 1984 :
« Sommaire », illustration, 1 page.
« Change culturel », 2 pages.
« Les Aventuriers du subconscient », illustration, ½ page
« Point de vue », illustration, 1 page.

Point de vue, Viper n° 10, janvier 1984, p. 102.

Illustration, Tam-Tam n° 1, spécial têtes, 1 page, graphzine auto-édité par Lagautrière, 1984.

« Fendar le pétard », strip publié dans Zoulou n° 3, juin 1984.

Viper n° 10, juillet 1984 :
« Sur les chemins, carrément mou ! », scénario de Gérard Santi, 2 pages.
« Souhaits », illustration, 1 page.
« Mémoires », scénario sous le pseudonyme de Chardot, dessin de Mattt Konture, publié dans le Zoulou n° 4/5 de juillet 1984, repris dans les Archives Mattt Konture (L’Association, 2006). 4 pages.

« Classique mais efficace », strip publié dans le dossier « Évite l’armée ? Les dessinateurs donnent leurs trucs efficaces », Zoulou n° 8, novembre 1984.

« La Peau de l’ours », scénario sous le pseudonyme de Chardot, dessin d’Emmanuel Moynot, publié dans le Circus HS n° 10 de novembre 1984. 5 pages.

Illustrations, 3 pages, dans le Nerf n° 1, A.A.N.A.L., 1985.

« Le petit homme qui regardait », (À suivre…) n° 89, juin 1985, 9 pages.

« La Dernière femme », Pilote Mensuel n° 136, octobre 1985, 4 pages.

Le Carré n° 5, octobre 1985 (repris en pages de gardes du Gorgonzola n° 24, 2019)
« Le Glome », illustration d’une fausse notice de roman, 1 page.
« Détruire Paris », illustration d’une fausse notice de roman, 1 page.

Colonie de vacanse (Futuropolis, coll. « X », 1986). Reprends les deux récits indiqués précédemment.

« Pas d’papa », 3 pages, inédit réalisé en 1986, dernière BD d’Imagex. Publiée dans le Gorgonzola n° 21 en octobre 2015.

Un texte et une illustration dans Récits où l’auteur s’exprime par 3 images dans 1 carré, supplément au P.L.G.P.P.U.R. n° 22 dirigé par Emmanuel Moynot (sous le pseudo de Yatmul), janvier 1988.

Couverture et de nombreuses illustrations, Amstrad cent pour cent n° 5, juin 1988. Alors qu’Imagex à cessé la bande dessinée, une jonction avec son travail dans le jeu vidéo (tout le numéro ici).

Baby Jo in Going Home, graphisme du jeu, dessin de la pochette et du manuel, Loriciel, 1991.

« Les éditions Artefact », reprise d’un strip de Mauvais rêve en en changeant les texte pour le dossier sur l’éditeur du Gorgonzola n° 22, janvier 2017.

Illustrations, 3 dessins contemporains illustrant l’éditorial et les crédits, Gorgonzola n° 25, mars 2022.

Extrait du manuel de Baby Jo in Going Home, 1991.

Non datés (mais dans les 80’s) :

« Happening », 2 pages, publié dans un zine américain non identifié, republié dans le Gorgonzola n° 17 en octobre 2011.

« War game », BD à quatre mains avec Mattt Konture, inédite puis publié dans Manga Table, La Table, 2016.

« Les Cinq “dernières” minutes », 4 pages, inédit acheté par Métal Hurlant publié dans le Gorgonzola n° 19 en octobre 2012.

Réalisation sans doute unique d’un un micro-fanzine dédié à Étienne Robial, aperçu lors de l’expo « futuropolis 1972-1994 : un éditeur aux avant-gardes de la bande dessinée » à la CIBDI en 2019 et de l’expo « étienne + robial » aux Musée des arts décoratifs (2022-23).

Nerf p.19, 1985. Imagex y expérimente le dessin sur
ordinateur qui marquera sa carrière suivante, dans le jeu vidéo.

Autour d’une case de « La Synagogue » de Joann Sfar

J’ai terminé hier l’album La Synagogue, de Joann Sfar (Dargaud, 2022). Comme beaucoup de gens, j’ai beaucoup aimé Sfar, puis j’en ai fait un peu une overdose quant aux tics énervants. Et puis régulièrement je relis ses albums qui m’ont marqué, et apprécie de nouveaux albums, notamment les derniers Chats du Rabbin. Globalement, mes albums favoris restent le Petit monde golem, les Chats et les Grands vampire, Pascin aussi. Globalement je constate que je suis généralement touché par ses titres abordant, d’une manière plus ou moins directe, son rapport au judaïsme, mêlé à l’intime, souvent foisonnant et beau.

J’ai un avis mitigé sur La Synagogue, car un certain nombre d’incartades de l’auteur (comme la première case du bandeau, ou celle sur la tragique affaire Halimi) me semblent assez contestables (Paris est quand même une des dernières grandes villes PS, si l’antisémitisme du meurtre de Sarah Halimi est évident c’est un sujet important de droit que l’irresponsabilité, etc.), elles sont cependant très anecdotiques dans le récit central, même si la construction de l’album est fondée sur des incartades, des allers-retours… C’est assez plaisant dans la majorité des cas, l’album brasse des choses intéressantes sur ce juif qui ne croit guère et se retrouve à garder la synagogue pour échapper aux offices, alors que le terrorisme antijuif se développe.

Mais c’est sur la deuxième case du bandeau que je veux revenir, celle-ci :

p. 125, case 4.

Elle est en partie logique et en partie étonnante. Logique car on y voit un jeune Sfar adorer Rahan, comme tous les enfants de sa génération, et l’acheter à un vendeur militant lors d’une fête locale. Nous avons déjà un peu exploré cette diffusion ici. Le vendeur lui évoque Raymond Poïvet, ce grand dessinateur qui a notamment illustré l’iconique série de Science-Fiction Les Pionniers de l’Espérance, qui paraît de décembre 1945 à août 1974 dans le magazine. Il est assez connu que la série n’était plus très populaire dans les 1970, que le jeune Sfar ne connaisse pas Poïvet est donc normal (de toute façon Sfar est né en 1971, donc il devait acheter des magazines d’occasion), et cette case a sans doute une vocation humoristique montrant comment le jeune dessinateur ne reconnaît alors pas le « grand » dessinateur par excellence du réalisme français.

Ce qui est plus surprenant, c’est de voir le vendeur parler de Marijac. Grand prix de la ville d’Angoulême 1979, il est sans doute le moins connu des lauréats, c’est pourtant quelqu’un de réellement important. Auteur de bande dessinée, résistant, autour des Trois mousquetaires du maquis, Marijac a une activité de scénariste et d’éditeur, à travers l’important journal Coq hardi. Et justement, si Coq hardi est un journal clairement résistant, comme Vaillant, il est aussi clairement gaulliste, et financé à sa création par le MNL.

Puisqu’il s’agit a priori d’un vendeur d’occasions, pourquoi pas, on peut imaginer qu’il fasse découvrir à ce grand ado fan de BD un tas de vieux papiers dessinés des années 60. Donc pourquoi pas Marijac, et tant pis pour l’idéologie ! On dira qu’il y a prescription pour ce bouquiniste qui amenait les idées gaullistes au sein des fêtes communistes, cela reste amusant de se dire que Sfar s’amuse de la licence d’aller chez les coco, ce qui énerve son père, pour qu’on lui parle d’un auteur gaulliste par excellence.

Cela étant, en termes de flexibilité idéologique, Poïvet n’était pas le dernier. Outre sa participation au journal collabo Le Téméraire (avec des planches a priori peu idéologisées contrairement à Liquois ou Erik – dont la série sera pourtant reprise sous un autre nom dans Coq hardi !), et sa participation très active à Vaillant puis Pif Gadget, il a aussi participé à Coq hardi en dessinant Colonel X, scénarisé par Marijac, en 1947 Médioni nous apprend même que l’atelier de Poïvet se trouvait au-dessus des locaux de Coq hardi. C’est sans doute ce héros, qui reste un Résistant, un homme porteur de valeurs qu’un communiste peut apprécier, l’attache étant moins sensible des années après la mort du Général, que notre vendeur présentait au jeune Sfar. On lui pardonnera donc son incartade.

Coq Hardi n° 54, avril 1947. Début d’une aventure du Colonel X…

PS : la possibilité que Sfar ait mis un mot de grand auteur ancien un peu hasard, par réminiscence de la collaboration Poïvet/Marijac, est aussi envisageable. C’était l’occasion un peu de tout ça.

PS2 : Je serai ce dimanche au Mémorial de la Shoah a 14h30 pour une table ronde autour de la bande dessinée sous l’occupation, j’y parlerai évidemment de Vaillant/Pif (et de son ancien nom, Le Jeune patriote).

Jimmy Beaulieu : un livre, quatre titres

Il arrive que les auteurs québécois prévoient de conserver des droits distincts entre les éditions au Québec et en Europe, cela a plusieurs avantages : pour l’éditeur cela évite des transferts de livres d’un océan à l’autre, pour l’auteur cela évite que des publications en français chez d’éventuels autres éditeurs (c’est principalement le cas si un éditeur québécois n’est pas distribué en Europe) soient traitées en droits étrangers.

Jimmy Beaulieu est un auteur québécois assez lu en Europe francophone, et aussi un habitué des modifications d’ouvrages entre chaque réédition mais c’est un autre sujet (même si un peu lié). En 2013 ; les éditions Mécanique générale, qu’il a fondé des années plus tôt mais où il n’a plus d’activité éditoriale, on édité un gros recueil de ses récits autobiographiques. Le titre est clair et assez illustratif : Non-Aventures, sous titré « planches à la première personne ». Si quelqu’un pense tomber ici sur de la grande course-poursuite, c’est qu’il ne sait pas lire.

En janvier 2015 l’album est édité en Europe. J’entends souvent parler d’édition française mais c’est abusif puisque la maison d’édition, Les Impressions nouvelles, est localisée à Bruxelles. L’éditeur du livre est certes français (le scénariste et théoricien Benoît Peeters) mais il faut a minima parler d’édition européenne francophone. En tous cas, outre quelques modifications de contenu et d’agencement, la couverture diffère. Il y a le dessin, bien sûr, mais c’est assez classique avec une autre édition, le changement de titre l’est moins, surtout que la langue ne change pas. Et les « Non-aventures » deviennent « Les aventures » soit l’exact inverse.

Bon normalement si vous avez lu le début c’est clair.

Pourtant, le titre fonctionne très bien. Avec ce dessin laissant entendre une promenade calme et douce, loin de toute aventure, et le sous-titre conservé, le lecteur comprend bien qu’il s’agit d’un pied de nez et qu’il n’y aura d’aventure qu’intime et personnelle. Interrogé par Laurent Lessous pour BDZoom, Beaulieu explique le choix « Benoît Peeters, l’éditeur de l’édition européenne, n’était pas friand du titre un peu négatif de l’édition québécoise : Non-aventures. Je n’y tenais pas non plus. Nous avons bien cherché une alternative. Moi qui pense toujours à des titres de livres (à en rendre fou mon entourage), je bloquais. J’ai finalement proposé cette variante toute simple et plus drôle, “Les Aventures”, qui était le titre du premier chapitre de la section “Quelques pelures” (lequel s’intitule, dans cette édition, “Non-aventures”). » On note au passage le jeu de retitrage permanent de l’ancien album qui change nom en devenant chapitre… L’enfer des bibliothécaires.

Ce transfert de titre est passionnant, les deux jouent sur une contradiction : le premier sur la simple négation « non-aventures », l’autre peut-être plus subtilement en jouant le contraste avec l’image et le sous-titre. Aucun ne manque de poésie, je préfère a priori le second, mais peut-être est-ce simplement parce que c’est le premier que j’ai connu ? Ou que c’est un ciblage géographique efficace. Quand j’ai présenté le choix à des amis, au débotté, les avis variaient mais sans que ça ne se détache vraiment, ni se distingue par origine géographique. Esthétiquement je trouve par contre la deuxième édition plus réussie, sans aucun doute, c’est mon affaire, j’imagine.

Lors de mon séjour au Québec il y a quelques semaines, Jimmy m’a confié (pour la bibliothèque patrimoniale de la Cité internationale de la BD et de l’image) différentes éditions étrangères de ses livres. Parmi elles, deux de ce qui correspond aux (Non-)Aventures, qu’il m’a présenté comme des éditions directes de ce livre mais qui sont en réalité antérieures (il faut dire que les éditions Aventures sont déjà des anthologies, je vous le dis, un enfer pour les bibliographes).

L’édition canadienne anglophone (2010) et allemande (2014)

Une de ces éditions est paru en anglais chez l’éditeur canadien Conundrum Press en 2010 (avant la Québécoise donc), l’autre en allemand, chez l’éditeur allemand Schreiber & Leser en 2014 (après la Québécoise, mais avant la Belge, pour celle-ci). L’image de couverture est différente des éditions françaises, mais globalement partagée par les deux éditeurs en question, même si en bonne JimmyBeayulieuserie il y a des retouches (le choix de couleurs notamment, et le cadre plus ou moins serré). Le titre est évidemment traduit. Bien que pas très bon en langues étrangères il semble évident qu’aucun ne parle d’aventure, existantes ou non :

En anglais nous avons Suddenly Something Happened, qu’on pourrait traduire à peu près par « Soudain, quelque chose arrive » ou « Tout à coup, etc. ». Un très bon titre à vrai dire, qui résume lui aussi bien le contenu, et cette pseudo-aventure (prenant le contre-pied d’une vieille vision de la BD), peut-être plus explicite que les titres français, car sans sous-titre. En allemand, que je ne parle pas du tout, Am Ende des Tages (là aussi sans sous-titre). Google et des gens m’ont évoqué un « À la fin de la journée » voire « des jours » (ce qui n’est pas exactement la même chose), bon là en tous les cas, pour le coup, je vois moins bien le rapport. Mais cela semble confirmer un goût du jeu avec les titres, profitant de chaque édition pour proposer une variation, ce n’est pas si courant.

PS : J’admets que le titre est un peu mensonger, puisque qu’il ne s’agit jamais vraiment du même livre malgré un contenu largement commun, même entre les deux éditions francophones (même s’il me semble que les rééditions de Non-aventures reprennent le contenu exact des Aventures). Mais bon, vous avez quand même l’idée générale, et au début je croyais que c’était bien le même livre.

Gudule, compagne de route de la bande dessinée

Il y a quelques années le site Bodoï a planté et pas mal d’articles ont disparu à jamais. La disparition de certaines de mes chroniques, que je n’ai pas conservées par ailleurs, ne m’a pas particulièrement rendu triste puisque c’est surtout de l’actualité, et qu’on retrouvait trace de ces titres ailleurs. Cependant il y avait un texte qui était un peu unique, une nécrologie de l’autrice Gudule, très connue pour ses livres jeunesses, et tant d’autres, qui avait croisé le chemin de la bande dessinée de manière plus ou moins proche au long de sa carrière. Il y a peu, j’ai pensé à regarder si c’était sur archives du web et, évidemment, ça y était. Bref, pour archive, ce qui est un peu le but de ce site où je ramasse des choses à moi ici où là, voici donc ce texte, augmenté de deux pages de Gudule dessinatrice.

Kwika est un des rares albums publié
comprenant des scénarios de Gudule

Décès de Gudule, amie de la bande dessinée

22 mai 2015 | Maël Rannou

Anne Duguël, dîtes Gudule, est décédée jeudi 21 mai à l’âge de 69 ans. Célèbre et très prolifique auteure jeunesse, mais n’hésitant pas à s’aventurer dans le roman adulte, c’était aussi une compagne de route bien connue des amateurs de bande dessinée.

Membre d’une famille d’artiste, elle est notamment la mère d’Olivier Ka – scénariste notamment de Pourquoi j’ai tué Pierre – et de Mélaka, auteure et pionnière des blogs BD. Au-delà de cette filiation, sa signature était présente dans de nombreuses revues majeures du neuvième art. Durant des années, on pouvait la lire dans Pif GadgetCharlie HebdoFluide Glacial, L’Écho des savanes et, bien sûr, le Psikopat, qu’elle avait contribué à fonder.

Elle y écrivait surtout des textes, mais scénarisa quelques récits, souvent dessinés par Paul Carali, son compagnon d’alors (on a pu les retrouver dans les albums L’Amalgame et Kwika). Les plus curieux avaient même pu la découvrir dessinatrice dans Le Havane Primesautier, fanzine de Charlie Schlingo, elle y révélait un trait Chagalien dont elle n’aurait pas à rougir.

Progressivement éloignée de ce milieu, elle s’était épanouie dans le roman et les nouvelles, réalisant une œuvre pléthorique mais riche, reconnue aussi bien par le public que les institutions. De la littérature jeunesse, mais pas que, parlant toujours à tous et n’hésitant pas à explorer le petit quotidien comme le fantastique.

Toutefois, cela ne le déconnecte pas du tout de la bande dessinée puisque tout amateur se doit d’avoir lu Kaïra, roman ado paru en 2001 chez Flammation, racontant à travers une histoire d’amour le quotidien d’une rédaction de journal de bande dessinée. La conception, les relations avec les auteurs, les fêtes quasi-orgiaques… on y découvrait l’envers de l’édition indépendante, son charme foutraque et ses problèmes logistique. On y reconnaissait bien sûr le Psikopat, mais le roman sentait aussi Hara Kiri. Ouvrage atypique, Kaïra était autant un vecteur de vulgarisation qu’une déclaration d’amour au médium.

Pour conclure, nous vous recommandons d’aller relire son blog, dont la dernière note datée du 19 mai montre cet éternel désir de création.

Le roman Kaïra dans une édition récente

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En conclusion de la republication de 2022, deux rares pages de bande dessinées que Gudule a intégralement réalisée, parue dans Le Havane Primesautier n° (chaud) 7, Artefact, janvier 1980.

Edmond Baudouin 1

Edmond Baudoin est un des auteurs français de BD les plus importants de la fin XXe, son influence est majeure, la diversité de ses approches aussi. Il y a beaucoup à écrire dessus et d’ailleurs j’ai eu le plaisir de faire deux textes sur son œuvre : l’un sur la place du policier et du roman noir, pour cette monographie chez Mosquito, l’autre sur la place du Québec, où il a vécu trois ans, pour le dossier en ligne de neuvième art 2.0. J’en écrirai sans doute d’autres, il y a beaucoup de tentatives, plus ou moins réussies, mais toujours intéressantes, chez Baudoin.

Au rang des choses qui m’ont toujours étonné est que, depuis les années 1980, il y a une quasi constante erreur sur son nom, qui revient régulièrement. Dans des articles, dans des salons (je me souviens d’avoir vu un tableau de dédicaces erroné à BDFil, corrigé quand je suis revenu), mais aussi dans des livres où il est publié. La diversité de supports, quels que soient leurs professionnalismes, et son étendue temporelle me surprend toujours. Il y a assurément encore beaucoup de « Baudouin » à relever, notamment dans les imprimés (là j’ai très majoritairement du en ligne, facile à trouver). Mais en attendant cette recherche, une première salve, en guise d’invitation : si vous en trouvez, n’hésitez pas à me les envoyer à maelrannou @ lilo.org

Chic magazine n° 2, mai 1984
Page d’annonce d’un récit de Baudoin & Wagner dans Le Scribe n° , 200
L’Express, mai 2011.
Chronique sur Planète BD, décembre 2012
Émission de France Inter, février 2014
Chronique sur France Culture, octobre 2015
Interview sur Planète BD, octobre 2015 (de nombreux autres articles de ce site deux fois retenu indiquent correctement le nom de Baudoin)
France 3 Régions, octobre 2017
Un article sur José Jover dans, il me semble, un journal interne d’un lieu l’exposant (CIC je crois ?)
ActuaBD, octobre 2021

Alice hors du miroir, avec Joanna Hellgren

En 2008, les éditions Cambourakis publient Mon frère nocturne et Frances T1, deux bandes dessinées de Joanna Hellgren, autrice suédoise inconnue qui posait avec ces deux premiers livres les prémices d’une œuvre une très ambitieuse. Les deux autres tomes de sa trilogie tiennent d’ailleurs leur promesse, et puis elle a quasiment cessé la bande dessinée. Elle se consacre depuis à des livres illustrés et à des expositions qui ont l’air superbes, on peut voir un peu de tout ça sur son site.

Lors de la sortie de ses premiers livres, je l’ai rencontré lors d’une séance de dédicace. Je ne sais plus comment, mais nous avons pu échanger avec sympathie, j’ai eu son courriel et, quelques mois plus tard, elle a accepté de dessiner quatre pages d’Alice hors du miroir, un projet porté depuis longtemps (j’en avais dessiné moi-même une page vers 2007). C’était une Alice adolescente, ayant quitté le pays des Merveilles et espérant y retourner, c’était d’ailleurs sans doute très adolescent, j’étais un jeune étudiant en lettres ou en éditions, Burton n’avait pas encore fait son adaptation. Mais voilà que Joanna Hellgren dessine ces quatre pages, publiées dans le Gorgonzola n° 15 (octobre 2009), à chaque fois que je les relis je suis surpris tant je les trouve belles, j’ai du mal à considérer que j’ai à voir là-dedans !

Quelque temps plus tard, j’ai écrit un cinquième épisode, cette fois en deux pages, qu’elle a aussi illustré et qui est paru dans le Gorgonzola n° 18 (décembre 2012). J’espérais atteindre la trentaine de pages, pouvoir envisager un livret, une publication, que sais-je ?

Mais tout ça était bénévole et Joanna avait déjà été bien gentille de dessiner ces 6 pages, qui ont l’avantage de se conclure – enfin, elles restent en suspend, mais chacun des épisodes de cette série finissent comme ça. Parfois j’ai envie d’en réécrire, peut-être avec d’autres dessinateurices, peut-être en rêvant qu’un jour Joanna y revienne. En attendant j’ai acheté l’original de la première planche, qui est dans mon salon (enfin, était, là je viens de déménager) et j’ai très envie de m’intéresser à ces travaux récents de Joanna dont j’ignorais l’existence et que je découvre à l’occasion de cette replongée dans ses pages.

PS : Frances existe toujours, en volumineuse intégrale, chez Cambourakis.

PS 2 : Cette exposition bande dessinée réalisée en 2012 a l’air tout bonnement incroyable.

Page pour « J’ai », le fanzine

Alors que les cinémas autres lieux de loisirs restaient fermés, El Chico Solo s’ennuyait sur Facebook et s’est mis à intégrer furieusement des connaissances et amis dans des groupes divers. Un sur les BD rares, un sur les livres et revues sur la BD, un sur les BD franchement bizarres ou moches… Puis face aux exclamations de « J’ai » est née une règle : si l’on peut prouver qu’on possède le truc rare (ou que le posteur a cru rare), l’auteur du post envoie un fanzine. Sacré machin et il y en a qui reçoivent des tonnes de paquets (moi je n’en dois qu’un, mes zines québécois sont globalement inconnus). Il y a aussi des jeux spéciaux régulièrement, auxquels je ne comprend que pouic.

Tout à sa furia El Chico Solo a carrément publié un zine, gratuit contre des timbres, destiné au groupe, avec les meilleurs posts et des BDs et illus inédites, de lui, de Placid, de Zou, de JC Menu, de JP Jennequin, etc. (sommaire ici) J’y ai donc fait une page, destinée à n’être que très peu imprimée et globalement peu compréhensible (mais on y parle BD et égocentrisme, vous ne serez pas perdus). Mais j’ai convaincu El Chico Solo d’en envoyer un exemplaire à la Cité de la BD pour la mémoire !

Ci dessous la page en question donc. Il y a eu d’autres zines en liens avec le groupe, des zines gags, des réponses, je vous avoue que là même membre je n’arrive pas à suivre. Et pour les curieux le groupe est ouvert et accueille des nouveaux membres, rien qu’en regardant ce qui a été publié il y a de quoi se rincer les yeux.

Quelques souvenirs de Nikita Mandryka (1940-2021)

Le 13 juin dernier, Nikita Mandryka est mort. Il est l’auteur d’assez nombreuses BDs mais surtout du Concombre Masqué, série qui a eu l’intérêt assez rare de naviguer non seulement entre différentes revues historiques mais aussi entre des organes aux publics très différents. Jugez donc : début dans Vaillant/Pif Gadget (jeunesse), passage à Pilote (ado-adulte) puis L’Écho des Savanes (adulte) après un désaccord mythique, microscopiquement dans (À suivre…) pour une brève incartade politique (adulte aussi), avant de finir sa carrière de presse dans Spirou (re-jeunesse mais aussi lecteurs nostalgiques). En parallèle le Concombre a vécu en albums chez Dargaud puis, ces dernières années, chez Mosquito et, surtout, Alain Beaulet, qui a publié La Vie secrète du Concombre masqué à peine un mois avant sa mort. On pourrait aussi citer l’étonnant passage du Concombre dans la BD utilitaire avec le fameux Pas de sida pour Miss Poireau, vulgarisant l’usage du préservatif, scénarisé par Moliterni et envoyé dans nombre de collèges et autres lieux d’éducation (édité en 1987 et en 1994). Il fut pour ma part un élément important de mon éducation sexuelle. Le concombre, enfin, était présent en ligne sur un site foisonnant, complètement foutraque, tenu par Mandryka lui-même depuis les années 90, à une époque où c’était franchement rare. On y retrouve des dessins inédits, rééditions, avis philosophico-politiques, souvenirs, republication de séries qui lui plaisaient… Le Concombre était donc malléable et a eu de multiples vies, parfois contradictoires.

Mais si Mandryka a une œuvre riche, dont on a salué l’aspect original, volontiers absurde, surréaliste, marquée par la philosophie orientale (principalement le Tao) comme le burlesque américain, s’il a été récompensé par ses pairs du Grand Prix de la ville d’Angoulême en 1994, c’est sans doute autant pour son rôle majeur dans l’édition franco-belge (et suisse, puisqu’il vivait dans ce pays). Adolescent, j’étais marqué par les pages ésotériques du Concombre dans les vieux Pilote de mon père, mais aussi pour les pages clairement obscènes dans les vieux numéros de l’Écho. Surtout, je constatais, déjà intéressé sans m’en rendre compte par les coulisses de la bande dessinée, qu’il était celui qui décidait du contenu, le rédacteur en chef tout puissant d’une revue qui me choquait un peu tout en m’épatant par la liberté de ton, mais aussi de création graphique et narrative. « La nouvelle bédé c’est dans l’Écho qu’elle est ! » titre une de ses célèbres couvertures, et c’est sans doute vrai. Une bande dessinée dans un large éventail, mêlant l’underground à l’expérimental en passant par des formes plus classiques mais, souvent, des voix originales. Nous avons déjà évoqué cette époque sur ce blog, avec Philippe Marcelé.

Couverture de l’Écho des savanes n° 15 (décembre 1975)

Nikita Mandryka a participé à l’aventure VaillantPif Gadget puis a migré à Pilote en espérant pouvoir parler à un public plus large, plus adulte, et faire des BDs plus libres. La manière dont son Concombre regardant pousser un jardin zen durant des pages et des pages a eu raison de Goscinny et mené à la création de L’Écho des savanes, avec Gotlib et Bretécher, en 1972, a été raconté des centaines de fois. On raconte moins comment il a dirigé ce journal seul au bout de quelques années et permis à des dizaines d’auteurs d’être publiés, avant de lâcher l’affaire en 1979, effaré par les problématiques de gestion et les luttes de pouvoir qui ne l’intéressent guère. Il revient pourtant dans ce rôle de rédacteur en chef pour la relance de Charlie Mensuel durant un an, de 1982 à 1983, avant de prendre la direction de Pilote. Si la presse est alors en crise et que son travail paraît moins révolutionnaire qu’à L’Écho, ce passage à la tête de trois revues mythique en fait autant un auteur qu’un éditeur d’importance, façonnant à travers ces revues à certain pan de l’histoire de la BD.

Mandryka aimait causer, raconter, nous aurions sans doute été en désaccord sur un certain nombre de choses, mais il était profondément curieux et généreux. Pour le critique que je suis, qui s’intéresse à l’histoire de la presse BD, c’était aussi un « bon client », toujours disponible pour un entretien et prêt à donner de son temps. Depuis que j’écris sur la BD, je l’ai appelé régulièrement, et ai réalisé au moins quatre entretiens avec lui : dans le Gorgonzola n° 4 (juin 2005), sur Du9 avec un très long entretien carrière (décembre 2010), à l’occasion de sa venue à Paris pour un salon hommage à Pif Gadget, qui reste gravé dans ma mémoire pour les plus de 2h30 passées en sa compagnie – et au moins le double à faire le tri sur l’enregistrement, il avait derrière repris le tapuscrit avec beaucoup d’attention –, par téléphone pour nourrir mon article sur L’Écho des savanes dans Les Cahiers de la BD n° 10 (juin 2020) et enfin par courriel pour mon livre sur Pif Gadget et le communisme (à paraître fin 2021 mais réalisé en avril 2019). Il était toujours disponible, prêt à raconter tout et n’importe quoi, il fallait faire le tri, ça allait dans tous les sens, il s’enflammait, parfois en déclarant sa passion pour quelque chose (la dernière fois, signe de sa curiosité constante, pour la thèse de Sylvain Lesage qu’il a tenu à m’envoyer en PDF ensuite !), parfois en m’engueulant à moitié parce que je ne saisissais pas assez, en réalité toujours prêt à rendre service et à partager.

Je ne l’ai rencontré qu’une fois mais je l’aimais bien. Ce grand type si étonnant, héritier d’une bourgeoisie russe en exil, qui a grandi en Tunisie puis s’est lancé dans la bande dessinée à Paris… Il portait avec lui sans doute un sacré bagage, mais aussi un gros pan de l’histoire de la BD et c’est sans doute ce qui a motivé l’adolescent que j’étais à l’interviewer au tout début de Gorgonzola. Pour situer, on parle alors d’un fanzine tiré à 70 exemplaires édité par un lycéen, vendu quasi exclusivement à ses proches. Pas sûr que l’intérêt pour Mandryka ait été très grand et pourtant il a répondu très vite okay pour l’entretien, par téléphone (mes parents avaient été un peu choqués en apprenant que c’était vers la Suisse, à l’époque les box illimités n’étaient qu’un fantasme). Déjà, son cursus d’éditeur et ses choix radicaux m’interrogeaient. À vrai dire, je m’étonne de voir qu’à 16 ans tout cela m’intéressait déjà, mais ce choix d’interview n’était pas anecdotique, c’était un modèle en édition, une figure tutélaire qui, en plus, acceptait le rôle.

Ci-dessous, pour mémoire, l’entretien publié dans le Gorgonzola n° 4 de juin 2005. J’avais 16 ans et on est loin d’un contenu aussi intéressant que les autres, mais c’était le début. Mon troisième entretien en fait (le premier a été Mattt Konture, le deuxième Julie Doucet, mais c’étaient des auteurs que j’interrogeais et non des éditeurs), il a été sacrément important pour la suite. Si dire oui à un long entretien pour une revue ou un site installé est une chose, faire de même pour un gamin sorti de nulle part (et la Mayenne c’est un peu nulle part) en est une autre. Et il l’a fait sans barguigner, en m’accordant autant de temps que je le voulais. Une anecdote qui me fait penser que Mandryka était un homme bien. Nous ne nous parlions que ponctuellement, mais il va me manquer, mon « bon client » préféré.

NB : Mandryka est aussi un auteur qui partage son jour de naissance avec mon grand frère, chose qui ne veut rien dire mais quand même (c’est aussi le jour de naissance de Arthur Rimbaud, Alphonse Allais et André Santini, bon)

Crédit image : Nikita Mandryka en 2011 part Rama (Wikimedia)