Quelques souvenirs de Nikita Mandryka (1940-2021)

Le 13 juin dernier, Nikita Mandryka est mort. Il est l’auteur d’assez nombreuses BDs mais surtout du Concombre Masqué, série qui a eu l’intérêt assez rare de naviguer non seulement entre différentes revues historiques mais aussi entre des organes aux publics très différents. Jugez donc : début dans Vaillant/Pif Gadget (jeunesse), passage à Pilote (ado-adulte) puis L’Écho des Savanes (adulte) après un désaccord mythique, microscopiquement dans (À suivre…) pour une brève incartade politique (adulte aussi), avant de finir sa carrière de presse dans Spirou (re-jeunesse mais aussi lecteurs nostalgiques). En parallèle le Concombre a vécu en albums chez Dargaud puis, ces dernières années, chez Mosquito et, surtout, Alain Beaulet, qui a publié La Vie secrète du Concombre masqué à peine un mois avant sa mort. On pourrait aussi citer l’étonnant passage du Concombre dans la BD utilitaire avec le fameux Pas de sida pour Miss Poireau, vulgarisant l’usage du préservatif, scénarisé par Moliterni et envoyé dans nombre de collèges et autres lieux d’éducation (édité en 1987 et en 1994). Il fut pour ma part un élément important de mon éducation sexuelle. Le concombre, enfin, était présent en ligne sur un site foisonnant, complètement foutraque, tenu par Mandryka lui-même depuis les années 90, à une époque où c’était franchement rare. On y retrouve des dessins inédits, rééditions, avis philosophico-politiques, souvenirs, republication de séries qui lui plaisaient… Le Concombre était donc malléable et a eu de multiples vies, parfois contradictoires.

Mais si Mandryka a une œuvre riche, dont on a salué l’aspect original, volontiers absurde, surréaliste, marquée par la philosophie orientale (principalement le Tao) comme le burlesque américain, s’il a été récompensé par ses pairs du Grand Prix de la ville d’Angoulême en 1994, c’est sans doute autant pour son rôle majeur dans l’édition franco-belge (et suisse, puisqu’il vivait dans ce pays). Adolescent, j’étais marqué par les pages ésotériques du Concombre dans les vieux Pilote de mon père, mais aussi pour les pages clairement obscènes dans les vieux numéros de l’Écho. Surtout, je constatais, déjà intéressé sans m’en rendre compte par les coulisses de la bande dessinée, qu’il était celui qui décidait du contenu, le rédacteur en chef tout puissant d’une revue qui me choquait un peu tout en m’épatant par la liberté de ton, mais aussi de création graphique et narrative. « La nouvelle bédé c’est dans l’Écho qu’elle est ! » titre une de ses célèbres couvertures, et c’est sans doute vrai. Une bande dessinée dans un large éventail, mêlant l’underground à l’expérimental en passant par des formes plus classiques mais, souvent, des voix originales. Nous avons déjà évoqué cette époque sur ce blog, avec Philippe Marcelé.

Couverture de l’Écho des savanes n° 15 (décembre 1975)

Nikita Mandryka a participé à l’aventure VaillantPif Gadget puis a migré à Pilote en espérant pouvoir parler à un public plus large, plus adulte, et faire des BDs plus libres. La manière dont son Concombre regardant pousser un jardin zen durant des pages et des pages a eu raison de Goscinny et mené à la création de L’Écho des savanes, avec Gotlib et Bretécher, en 1972, a été raconté des centaines de fois. On raconte moins comment il a dirigé ce journal seul au bout de quelques années et permis à des dizaines d’auteurs d’être publiés, avant de lâcher l’affaire en 1979, effaré par les problématiques de gestion et les luttes de pouvoir qui ne l’intéressent guère. Il revient pourtant dans ce rôle de rédacteur en chef pour la relance de Charlie Mensuel durant un an, de 1982 à 1983, avant de prendre la direction de Pilote. Si la presse est alors en crise et que son travail paraît moins révolutionnaire qu’à L’Écho, ce passage à la tête de trois revues mythique en fait autant un auteur qu’un éditeur d’importance, façonnant à travers ces revues à certain pan de l’histoire de la BD.

Mandryka aimait causer, raconter, nous aurions sans doute été en désaccord sur un certain nombre de choses, mais il était profondément curieux et généreux. Pour le critique que je suis, qui s’intéresse à l’histoire de la presse BD, c’était aussi un « bon client », toujours disponible pour un entretien et prêt à donner de son temps. Depuis que j’écris sur la BD, je l’ai appelé régulièrement, et ai réalisé au moins quatre entretiens avec lui : dans le Gorgonzola n° 4 (juin 2005), sur Du9 avec un très long entretien carrière (décembre 2010), à l’occasion de sa venue à Paris pour un salon hommage à Pif Gadget, qui reste gravé dans ma mémoire pour les plus de 2h30 passées en sa compagnie – et au moins le double à faire le tri sur l’enregistrement, il avait derrière repris le tapuscrit avec beaucoup d’attention –, par téléphone pour nourrir mon article sur L’Écho des savanes dans Les Cahiers de la BD n° 10 (juin 2020) et enfin par courriel pour mon livre sur Pif Gadget et le communisme (à paraître fin 2021 mais réalisé en avril 2019). Il était toujours disponible, prêt à raconter tout et n’importe quoi, il fallait faire le tri, ça allait dans tous les sens, il s’enflammait, parfois en déclarant sa passion pour quelque chose (la dernière fois, signe de sa curiosité constante, pour la thèse de Sylvain Lesage qu’il a tenu à m’envoyer en PDF ensuite !), parfois en m’engueulant à moitié parce que je ne saisissais pas assez, en réalité toujours prêt à rendre service et à partager.

Je ne l’ai rencontré qu’une fois mais je l’aimais bien. Ce grand type si étonnant, héritier d’une bourgeoisie russe en exil, qui a grandi en Tunisie puis s’est lancé dans la bande dessinée à Paris… Il portait avec lui sans doute un sacré bagage, mais aussi un gros pan de l’histoire de la BD et c’est sans doute ce qui a motivé l’adolescent que j’étais à l’interviewer au tout début de Gorgonzola. Pour situer, on parle alors d’un fanzine tiré à 70 exemplaires édité par un lycéen, vendu quasi exclusivement à ses proches. Pas sûr que l’intérêt pour Mandryka ait été très grand et pourtant il a répondu très vite okay pour l’entretien, par téléphone (mes parents avaient été un peu choqués en apprenant que c’était vers la Suisse, à l’époque les box illimités n’étaient qu’un fantasme). Déjà, son cursus d’éditeur et ses choix radicaux m’interrogeaient. À vrai dire, je m’étonne de voir qu’à 16 ans tout cela m’intéressait déjà, mais ce choix d’interview n’était pas anecdotique, c’était un modèle en édition, une figure tutélaire qui, en plus, acceptait le rôle.

Ci-dessous, pour mémoire, l’entretien publié dans le Gorgonzola n° 4 de juin 2005. J’avais 16 ans et on est loin d’un contenu aussi intéressant que les autres, mais c’était le début. Mon troisième entretien en fait (le premier a été Mattt Konture, le deuxième Julie Doucet, mais c’étaient des auteurs que j’interrogeais et non des éditeurs), il a été sacrément important pour la suite. Si dire oui à un long entretien pour une revue ou un site installé est une chose, faire de même pour un gamin sorti de nulle part (et la Mayenne c’est un peu nulle part) en est une autre. Et il l’a fait sans barguigner, en m’accordant autant de temps que je le voulais. Une anecdote qui me fait penser que Mandryka était un homme bien. Nous ne nous parlions que ponctuellement, mais il va me manquer, mon « bon client » préféré.

NB : Mandryka est aussi un auteur qui partage son jour de naissance avec mon grand frère, chose qui ne veut rien dire mais quand même (c’est aussi le jour de naissance de Arthur Rimbaud, Alphonse Allais et André Santini, bon)

Crédit image : Nikita Mandryka en 2011 part Rama (Wikimedia)

À propos de Paul Tell, diffuseur militant de presse communiste (entretien)

Dans le cadre de mon projet d’ouvrage Pif Gadget et le communisme, à paraître en 2021 chez PLG dans le prolongement de mon mémoire de master 1 et d’une conférence donnée cette année au Festival d’Angoulême, je m’intéresse à des liens que je n’avais pas encore étudiés. Parmi eux, la réception des valeurs du journal par les lecteurs et la vente militante, un classique de la diffusion de la presse d’après-guerre. Le Parti communiste français a beaucoup investi la diffusion militante et j’ai eu la chance d’avoir des contacts avec différents ex-vendeurs et enfants de vendeurs grâce au groupe Facebook des fans de Vaillant et Pif, ce qui a donné lieu à des entretiens. Comme ils ne seront pas repris in extenso dans le livre j’en publierai directement ici, car ce sont des documents très intéressants. Débutons donc avec Fanny et Fabien Tell, qui nous parlent de leur père.

Un vendeur ambulant de L’Humanité dans 50 ans de cinéma de l’Huma. La Terre fleurira (1928-1981), Les Mutins de Pangée/Ciné-archives, 2015.

Qui était votre père et savez-vous comment il s’est retrouvé à vendre la presse communiste, sur quel secteur et durant combien d’années ?

Fanny Tell : Mon père Paul TELL (né le 13 02 1930, disparu le 26 décembre 1998 à Cavaillon) est le fils de Félicien TELL (né en 1902, décédé en 1986). Ouvrier agricole, il est communiste, anticlérical, anti-colonialiste et syndicaliste. Il est arrêté en 1941 et déporté pour raison politique à Buchenwald. Il survit au camp, deviens petit paysan, participe à fonder le syndicat agricole MODEF et devient conseiller municipal de son village, Sénas (Bouches-du-Rhône).
Mon père s’engage politiquement à la Libération. Il a 14 ans et milite d’abord aux côtés de son père au Parti communiste français et surtout à la CGT. Après avoir été ouvrier agricole, il est devenu secrétaire de la CGT, spécialisé dans le monde agricole, et élu à la Mutualité sociale agricole1. En 1977 il est élu maire de notre village d’Orgon (2500 hab), à côté de Sénas, et quitte son travail pour se consacrer entièrement à son poste. Après avoir perdu les élections en 1983 il se retrouve sans emploi, je vous laisse imaginer quels étaient ses revenus !
Au chômage durant quelques temps très difficiles pour notre famille de 5 enfants avec une mère au foyer, il travaille alors quelques années comme salarié commercial pour le journal La Terre puis devient commercial pour SOCASSUR, qui assurait les collectivités locales, avec en charge une bonne partie de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. C’est à peu près le seul moment où il a eu un salaire décent.
Mon père a vendu la presse communiste dans cette zone jusqu’à sa mort, en particulier L’Humanité dimanche.

Fabien Tell :J’ai toujours connu mon père vendant ces journaux le dimanche matin, je sais qu’ils les vendaient avant ma naissance. Je dirais des années 50 jusqu’à sa disparition en 1998. Sur le plan professionnel, après avoir été aide familial chez son père, mon père a toujours eu un « métier » de militant dans un organisme proche du PCF ou de la CGT jusqu’à la fin de sa vie.

Concrètement, qu’est-ce que cela veut dire : nombre de titres approximatif, connaissance du fonds, est-ce sur les marchés ou aussi en porte-à-porte, etc. ? Était-il rémunéré pour cela où était-ce un acte totalement militant ?

Fanny Tell : Il a d’abord vendu Vaillant puis Pif Gadget ainsi que L’Humanité dimanche et La Marseillaise2 pour lequel il devient correspondant local. Il vendait aussi Regards, assez confidentiel et, vu notre milieu social, La Terre3.
Il diffusait les journaux le dimanche directement aux habitués puis en porte à porte et au café, il n’y avait pas de marché ce jour-là. Je suis née en 1969 et je l’accompagnais quelquefois quand j’étais enfant, j’adorai cela jusqu’à à peu près mes 12 ou 14 ans. J’étais chargée d’apporter Pif Gadget et L’Humanité dimanche aux voisins « abonnés ». Les familles me recevaient avec plaisir et les enfants avec joie, j’avais le droit à des bonbons j’étais, ravie. Petit à petit les gens continuaient à prendre Pif Gadget mais moins L’Huma dimanche.
C’était totalement bénévole sauf pour les quelques années, 2 ou 3  ans, où il a été salarié comme commercial par La Terre.

Fabien Tell : Dans mon souvenir, il devait, au plus fort des ventes, distribuer une trentaine d’Huma dimanche et une quinzaine de Pif Gadget pour un village de 2000 habitants. La vente n’était pas rémunérée, c’est sûr si ce n’est le fait d’avoir l’abonnement gratuit si je me souviens bien.
En fait, j’accompagnais très souvent mon père le dimanche car, étant le seul garçon, il y avait une volonté de transmission. J’étais très jeune (6-13 ans) et je ne me souviens pas avoir dû les vendre moi-même, j’en ai parfois livré à des habitués.

En tant que militant, comment voyait-il les publications liées à Pif : simple distraction pour les enfants ou y voyait-il les mêmes valeurs que dans les autres titres, mettait-il cela en avant dans ses ventes ?

Fanny Tell : Il y voyait certes une distraction, il lisait lui-même Pif Gadget et s’en amusait, ainsi que des gadgets, mais il était très conscient des idées véhiculées, qu’il qualifiait de progressistes. Les valeurs de solidarité, d’anti racisme et d’éducation à la science et à la culture générale étaient essentielles à ses yeux.
Il n’avait pas besoin de mettre ces valeurs-là en avant tout le monde ou presque lisait Pif sauf les familles anticommunistes forcenées.

Fabien Tell : C’était un lecteur assidu de Pif Gadget comme toute la famille (5 enfants). Je pense qu’il était conscient du rôle culturel d’un journal comme Pif Gadget face à l’invasion de l’idéologie américaine au travers des BD comme Mickey. Pour ses ventes, il ne mettait pas cela en avant, il n’était pas un prosélyte. À l’époque Pif se vendait fort bien du à la qualité des ses BD (pour tous les âges) et son gadget inimitable. Ce dernier, dans mon souvenir, visait plus à titiller l’esprit ou la curiosité scientifique qu’à simplement divertir. D’où peut-être son succès dans une époque qui se modernisait.

Paul Tell, la vingtaine, lors de son service militaire a Casablanca en « camp disciplinaire car anti-colonialiste et syndicaliste . Il en reviendra encore plus solidaire des immigres du Magreb qu’il défendra dans le milieu agricole, aux Prud’hommes notamment » selon sa fille.

De manière générale liait-il les publications de bande dessinées aux publications plus proches de l’information ou n’y voyait-il que de la distraction, sans idéologie nette ?

Fanny Tell : Chez nous pas de Mickey Parade jugé trop capitaliste avec Picsou. Pas de Tintin non plus, trop raciste et colonialiste, mais Astérix était en revanche bien vu, jugé intelligent et instructif même. Pour lui une BD devait être distrayante et drôle, mais avec un aspect éducatif et des valeurs.

Savez-vous si les vendeurs recevaient des « consignes » du parti au sens d’arguments de communications marqués : telle semaine plus parler de tel aspect, mettre plus en avant ce titre, etc. ?

Fanny Tell : Je n’en sais rien du tout, mais connaissant mon père qui détestait ce qu’il appelait le « catéchisme du parti », il devait faire un peu ce qu’il voulait à ce niveau-là.
Il faut peut-être voir avec mon frère plus âgé qui doit avoir des souvenirs sans doute plus précis que les miens, la mémoire est subjective .

Fabien Tell : Si vous parlez de Pif Gadget, je ne pense pas. Pour L’Humanité dimanche, je n’en ai pas le souvenir. À l’époque la communication au sens d’aujourd’hui n’existait pas encore. La presse partidaire revendiquait faire de la propagande qui n’était pas connotée comme aujourd’hui.

Pour vous enfant qui lisiez ces magazines, Pif était-il de cette « famille communiste », si oui qu’est-ce qui vous y faisait le plus penser ?

Fanny Tell : Oui, je savais déjà enfant que Pif Gadget était un journal de la famille communiste vu ma famille il aurait difficile de l’ignorer !
Pour moi, ce qui m’y faisait penser étaient les valeurs prônées par certains personnages comme Rahan le héros pacifiste et qui tente de découvrir d’autres tribus en ayant foi dans la bonté des hommes et leur solidarité. L’anti racisme du journal les valeurs de fraternité, d’amitié entre les peuples, l’égalité et le combat contre l’injustice m’apparaissaient à cette époque comme communiste ou progressiste.

Fabien Tell : Je dirais que Pif Gadget était plutôt d’inspiration humaniste et clairement dans la philosophie des Lumières : « le osez savoir !! » kantien. Les BD « tous publics » (Rahan, Doc Justice, Corto Maltese, Robin des bois) mettaient en avant à la fois la dénonciation de l’injustice et l’usage de la raison pour la combattre. L’homme qui marche debout est vraiment une métaphore de l’homme dressé pour ses droits.
Le fait d’avoir perdu un peu cette orientation, du fait du succès commercial de Pif Gadget, dans les années 80 pour concurrencer la presse jeune me semble avoir été une erreur. Pif était bien identifié par les gens comme un journal avec une opinion et cela n’empêchait pas ses ventes.
J’ai nettement perçu au début des années 80 un changement dans la nature des BD ciblant plus un public ado. Pif est devenu un journal jeunesse comme beaucoup d’autres. Certes le reflux de l’idée communiste, la chute du mur et la Mcdonalisation ont fortement joué, mais dans mon souvenir le changement rédactionnel a commencé avant. Je suis peut-être en train d’inventer des souvenirs…

Fanny, vous êtes ensuite devenue journaliste, avec un parcours atypique. Le contact quotidien dès l’enfance avec la presse et les discours d’émancipation a du influer ce parcours ?

Oui, tout à fait. Sociologiquement, étant enfants d’ouvriers agricoles, nous avions peu de chances d’une part de faire des études supérieures, d’autre part d’accéder à un métier « réservé » à une élite.

Outre le désir de mon père de pousser ses enfants à faire des études pour s’émanciper de la condition ouvrière (nous serons 3 sur 5 à faire des études supérieures), plusieurs choses ont eu une influence sur mon parcours et celui de mes frères et sœurs. D’une part, l’éducation était sacrée pour mes parents qui suivaient de près notre scolarité. De l’autre, nous avions accès au Livre, à la presse et à la culture

Mes parents achetaient beaucoup de livres, chose rare dans les familles de mes copains de classe. Par exemple, ils avaient investi dans l’encyclopédie Tout l’univers pour notre scolarité. À la maison : classiques de la littérature française (Zola, Hugo, Maupassant…), livres d’histoire, essais, revues (Courrier de l’UNESCO, La Recherche). Lorsque je commence des études de Lettres modernes en 1987 ma mère m’offre le Robert et plus tard un abonnement à la revue littéraire Europe. Aux fêtes de La Marseillaise, nous allions au salon du livre ; l’accès au spectacle vivant, à l’histoire et l’histoire de l’art, était valorisé également par une famille sensibilisée via l’école du parti. Une de mes sœurs tentera les Beaux-Arts. Mon père faisait tous les jours une revue de presse de tous les journaux qu’il archivait par thème.

J’ai travaillé dès mes 15 ans (baby-sitter, femme de ménage, animatrice en colonie de vacances et centre de loisirs) pour acheter mes livres scolaires. En 1988, sur les traces de ma sœur étudiante en A.E.S, je deviens surveillante d’externat pour financer mes études. Ma passion ? Le Livre, l’écriture et la culture. La formation aux métiers du Livre n’est pas accessible aux étudiants salariés. Je commence une maitrise de Lettres sur le roman sud-africain engagé contre l’Apartheid doublé d’un cursus de F.L.E. En 1995, l’artiste peintre Théo Gerber écrit un livre qui ne trouve pas d’éditeur classique. J’écris alors mon premier article sur cet ouvrage et le propose aux journaux locaux basés à Aix-en-Provence : Taktik, Le Provençal, et La Marseillaise.

La Marseillaise le publie et m’en demande bientôt d’autres. En 1996, je suis recrutée au siège de Marseille au moment où le quotidien s’ouvre à toutes les forces de gauche. J’apprends sur le terrain : social, éducation, droits des femmes, droits des minorités, extrême droite.

En 2000, je rentre chez « Demain ! », filiale de Canal + spécialisée entre autres dans l’écologie et le lien social, qui sera liquidée peu après suite au rachat par Vivendi. Je me réoriente alors dans la « presse institutionnelle à Bagneux, où se situaient les locaux de “Demain”, puis auprès du conseil régional d’Île-de-France comme journaliste multimédia en 2007 après l’obtention d’un concours de fonctionnaire territoriale.

Avec le recul, ce parcours non linéaire m’apparait comme logique.

Entretien réalisé par courriel
du 31 mars au 4 avril 2020

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Paul Tell fut candidat à de nombreuses élections pour le PCF dans son secteur. Ici, il suppléait le sénateur Louis Minetti pour les élections législatives de 1993. Archives électorales du CEVIPOF.

1 Régime de sécurité sociale des professions agricoles.
2 Quotidien régional du Sud -est (hebdomadaire dans le Sud-Ouest) issu de la résistance et longuement rattaché aux mouvement communiste.
3 Hebdomadaire fondé par Waldeck Rochet en 1937, consacré au monde paysan.