Ma première BD en librairie : « Hommage à Charlie Schlingo », Comix Club n° 3, mars 2006.

En 2006 l’Égouttoir et Gorgonzola existaient déjà, j’étais en première et un évènement majeur allait arriver ! C’était la glorieuse époque des blogs BD, je discutais parfois avec Fafé sur MSN et les éditions Groinge avaient lancé Comix Club. Pour moi c’était dans le nec plus ultra, j’aimais déjà Ibn al Rabin et Jean Bourguignon, avec qui je ferai un album plus tard (et bé). C’est aussi dans Comix Club que Bsk a publié un des meilleurs strips de l’histoire.

Mais en tous cas j’avais assez bizarrement dit à Fafé que mon frère écrivait bien et était calé en BD et pourrait écrire des articles, ils avaient vu ses chroniques sur bulledair, il avait un blog à l’époque aussi. Bref, il a ainsi reçu l’appel à participation et j’y ai vu cet appel pour un hommage à Schlingo, on ne m’avait rien demandé, mais j’ai fait cette page qui a été étonnamment acceptée (Était-ce déjà J-P Jennequin à l’époque ou encore Big Ben qui s’en occupait ?). Bon la page est pleine de défauts, mais on y note déjà l’autobio et le goût du sommaire (et le mécontentement face à une aberration). Sans doute lié au fait que je devais l’appel à communication à mon frère je l’y ai dessiné, de manière bien peu avantageuse et je m’en excuse encore.

En tous cas voilà, ma première page de BD était en librairie, j’allais devenir dessinateur pro c’était sur ! Bon, ce fut à vrai dire aussi (je crois ? en tous cas il y en a eu peu) la seule page que j’ai dessinée qui s’est retrouvée en librairie. Dans le numéro suivant, j’écrivais mon premier article. Son sujet ? L’amour que je portais au fanzinat. Pour le coup, là, je n’ai pas fini d’en parler, en librairie comme ailleurs.

Notes techniques d’un apprenti journaliste (Jade 200U – Nos amis les médias ?, septembre 2009)

L’intégrale des numéros de Jade a été mise en ligne par 6 pieds sous terre. J’avais eu le plaisir d’y entrer par ce texte, qui a bien des défauts (ha, la folie donneuse de leçon de la jeunesse ! Oui je sais, toujours, mais pas pareil) mais qui me semble à vrai dire plutôt vrai. Depuis je me suis collé à de la chronique alimentaire et que je comprends un peu mieux que quand on en vit, il faut bien manger. Je suis depuis revenu à un autre métier que j’apprécie bien plus de faire de manière alimentaire et n’écris donc que si envie, ce qui est bien (et ne m’empêche pas d(accepter des commandes intéressantes).
Le texte était paru dans le Jade 200U sur le thème « Nos amis les médias ? », j’avais eu la surprise de le voir précédé d’une BD de Gilles Rochier, auteur des si recommandables Les Frères Cracra, Dernier étage, Temps Mort, Ta mère la pute, Solo… Il racontait notre rencontre pour Du9 et a accepté que je reproduise ici la bande dessinée en introduction, merci à luit (son instragram est là).
J’avais trouvé – outre que je l’étonnement d’être représenté en austère très calme – qu’il exagérait un peu avec sa question à rallonge qui n’en est pas une, pour le ressort comique. Seulement, après vérification sur l’entretien retranscrit que l’on trouve ici, il s’agissait d’un pur copié/collé. Hum.

Un Gilles Rochier visiblement traumatisé, 2009.

Jeune passionné de Bande Dessinée, j’ai pu, au fil des ans, m’essayer à la critique. Timidement d’abord au sein de la revue Comix Club, dont je suis devenu un collaborateur régulier, puis à travers des chroniques sur le site Du9, jusqu’à l’animation à la rentrée d’une émission radio bimensuelle consacré à ce médium. Durant ces années j’ai eu l’occasion de fréquenter un certain nombre d’expo, galeries, conférences de presse, festivals… et de pouvoir par la même occasion en admirer la faune… Ce qui suit n’est pas un système théorique : il s’agit de simple notes et observations tirées de cette expérience modeste, mais parfois édifiante.

1°) Le terme de Journaliste en Bande Dessinée porte en lui-même un paradoxe fort. En effet, ceux qui traitent le mieux du médium sont rarement officiellement journalistes (ils n’ont pas de carte de presse), alors que des journalistes assermentés se transforment bien souvent en simples reproducteurs de services de presse… Le travail véritable sur ce médium vient généralement de sites et revues spécialisées, dont les contributeurs sont amateurs, dans les deux sens du terme : ils aiment ce dont ils parlent – et le connaissent donc bien – et ne sont pas rétribués pour leurs travaux. Bien souvent d’ailleurs, ce bénévolat garantit une approche plus sincère. Ainsi, même des sites de tendance mainstream, défendant une conception rétrograde ou purement commerciale de la bande dessinée comptent parmi leurs rédacteurs des gens passionnés (dont la démarche est d’une grande sincérité), qui ont le mérite de savoir ce dont ils parlent. Ce qui parait rarement être le cas hors de la presse spécialisée.

C’est là que le bât blesse. On retrouve le même problème de légitimation qu’avec la diffusion des albums. Il a paru nécessaire de quitter le ghetto de la librairie spécialisée, pour que les ouvrages de bande dessinée rejoignent les autres livres. C’était d’ailleurs un combat légitime. Il n’empêche que sans certains de ces libraires militants pour la soutenir, la bande dessinée dite alternative n’aurait jamais pu avancer comme elle l’a fait, et ne pourra pas continuer à le faire. Le journaliste spécialisé connaît le même problème : il lui faudrait pouvoir intégrer des médias généralistes. En effet, bien qu’il lui soit toujours essentiel, la critique de bande dessinée aurait tout intérêt à sortir de son micro-microcosme.Il faut ces revues de fond, ces sites spécialisés avec un vrai travail et une vraie connaissance du travail des auteurs, des éditeurs, etc… Il faut avancer, et continuer de creuser le sillon ne serait-ce que pour donner une manne critique dans laquelle de « vrais journalistes », un peu plus scrupuleux que d’autres, pourraient venir s’informer, apprendre, et vulgariser. C’est le lot de toute critique qui se veut pointue d’avoir un public restreint. Il n’empêche que, même en sachant cela, un sentiment de vacuité peut naître chez l’apprenti critique qui se rend compte que, quelle que soit la dose de sérieux qu’il mettra dans son travail, il ne pourra jamais concurrencer l’amateurisme de certains professionnels…

2°) Au cours d’un micro-festival je surprends par hasard une discussion devant le stand de ma petite structure. Une personne, qui se révéle être malheureusement incontournable dans le microcosme, parle avec beaucoup de plaisir d’un article qu’il vient de publier sur un site d’information. En écoutant discrètement cette conversation, à laquelle je n’ai pas été convié, je reçois une leçon édifiante. Il évoque dans ce papier des planches d’Aurélia Aurita publiée dans Libération. La dessinatrice y racontait sa rencontre avec une journaliste d’Elle, qui lui avouait sans honte n’avoir pas lu son livre, après quoi Aurita refusait de donner l’interview. Jusqu’ici je trouvais en effet cela instructif : quel culot de la part de la journaliste ! Et bien non, notre homme expliqua alors qu’il était vraiment choqué de l’attitude de diva de l’auteur, que c’était vraiment se foutre du monde et que, franchement, « comme si c’était nécessaire de lire un livre pour en parler ».

Cette phrase, caricaturale au possible, est pourtant véridique. Le pire dans tout cela étant qu’en plus l’idée peut réellement se défendre. Ce journaliste tient le credo d’une bande dessinée diffusée le plus largement possible, d’où un engagement vers une BD plus caricaturale et souvent racoleuse1, et d’un combat incessant contre la majeure partie des alternatifs, sa seule jauge qualitative étant devenu les chiffres de vente. Dans ce schéma, il paraît simplement important que la bande dessinée rentre dans un maximum de médias. Il ne s’agissait dans Elle que de faire un portrait d’Aurita et non pas un travail critique, simplement faire découvrir l’auteur (et non son travail) à un public qui n’y connaît rien. L’incompétence de la journaliste d’ Elle dans le domaine de la bande dessinée n’aurait donc pas d’importance puisqu’il ne s’agit que de vulgarisation. Ce point de vue peut tenir, mais est-il vraiment viable ? On ne peut certes pas demander aux journalistes généralistes de connaître parfaitement la chose , mais, en sacrifiant tout recul critique au bénéfice de la médiatisation, on ne fera certainement pas le jeu de la bande dessinée : on préparera plutôt son caveau. Pourquoi paraît-il donc si aberrant de défendre une médiatisation populaire pointue ?

3°) J’ai un jour eu envie de m’adresser à un public un peu plus large, et ai frappé à la porte d’une revue importante dans le monde de la japanimation. Mon idée était de traiter de mangas plus alternatifs au sein d’une revue à large diffusion, pensant (et je le pense toujours) que les deux n’ont rien d’irréconciliable. Après avoir sollicité la rédaction, ils m’ont, fort logiquement, demandé un CV et un essai. J’avais justement publié un article sur Du9 à propos d’un livre de Ebine Yamaji, une mangaka révélée par Asuka qui me semble être parfaitement accessible et exigeante. Je leur ai envoyé mon texte, il faisait environ deux pages, car l’intrigue était particulièrement complexe et que j’avais vraiment voulu traiter de tout le travail de l’auteur. On m’a répondu qu’il était trop long.

Parfaitement prêt à faire des concessions, je réduis l’article à une page et le renvoie. On me répond qu’il est toujours trop long. «Une bonne chronique doit faire 500 signes » me signale-t-on. 500 signes ! Je veux bien croire que j’ai tendance à être bavard, mais 500 signes représentent environ 6 lignes ! Je me suis essayé à triturer et découper mon texte pour le réduire à cette portion congrue. Qu’en restait-il ? Un vague résumé et des compliments. Terminé les nuances, exit les petites réserves : on aime ou on n’aime pas. C’est ça la dictature du 500 signes, la revue qui me l’a appris n’est absolument pas un cas à part. C’est une marge naturelle ? Ma chronique ressemblait à un triste service de presse, j’ai donc renoncé à la publier. Je compris mieux alors pourquoi un grand nombre de « journalistes » se contentent de les recopier… Et la différence subtile que certains placent entre chronique et critique.

Quelques jours plus tard, je reçois un courriel enthousiaste de l’éditeur de Yamaji . Il était vraiment heureux d’avoir vu sur Du9 une vraie lecture de son livre, un peu plus longue que d’ordinaire, même s’il me signalait n’être pas d’accord sur tout. J’ai pu par la suite voir d’autres réactions d’éditeurs, ou d’auteurs, et tous étaient d’accord pour apprécier une critique un peu approfondie. En observant les lecteurs, j’ai pu constater qu’eux aussi préféraient plus de développement à un flot de textes courts purement informatifs, ne disant rien d’original, et ne donnant envie de rien. C’est à se demander alors pourquoi la pratique est si développée si personne n’y trouve son compte.

Une réponse se trouve peut-être du côté des journalistes eux-mêmes. La plupart des journalistes reçoivent des services de presse, et cet usage peut se défendre dans certains cas. Mais pour conserver ce privilège, il faut en traiter un maximum (généralement un peu chez chaque éditeur), même superficiellement. D’où une masse de titres traités en une page, ce qui conduit tout simplement à un paquet de notices illisibles, et une saturation pour le lecteur qui ne sera pas plus aiguillé qu’avant. Dès lors il lui est plus simple de se retourner vers des « valeurs sures » (toujours traités en tant que tels dans les entrefilets) que d’être curieux. Traiter plus de titres, pour gagner plus de services de presse ? Il serait sans doute excessif de réduire le problème à ce seul facteur2, il n’empêche que dans ce sacrifice de la qualité à la quantité, les seuls à vraiment y perdre sont une fois de plus les lecteurs…

1 Qu’il appellera populaire, faisant à mes yeux preuve d’un véritable mépris du « peuple » qu’il dit défendre.

2Mais il ne fait aucun doute que les SP jouent un rôle réel dans la dictature du 500 signes, le véritable commerce parallèle qui s’est développé par leurs biais en témoigne.

La bande dessinée Québécoise (France Québec Mag n°180, août 2017)

Reprise de l’article publié par le magazine de l’Association France-Québec, dont je suis membre depuis plusieurs années, longtemps inactif si ce n’est par cet article publié il y a deux ans et demi (j’ai décidé de m’y investir activement cette année, en entrant au CA de Laval-Québec, structure locale de l’association dans ma ville). Depuis quelques petites choses ont changé : malheureusement La Mauvaise Tête a cessé sa production, de son côté Pow Pow s’est par contre largement développé, avec un catalogue de plus en plus riche et essentiel (Lisez Les Petits Garçons, de Sophie Bédard !). La revue Front froid semble avoir cessé ses activités en périodique pour se consacrer à l’édition d’albums, dans le même esprit que la revue, quand Planches existe toujours après une période de flottement, et affiche un beau programme pour l’année à venir après avoir coédité son premier album en lien avec le festival de Montréal. Ces réserves posées, voici l’article tel que publié à l’époque.

Couverture du numéro où l’article a été publié.

La Bande Dessinée québécoise (BDQ) est issue d’une longue tradition graphique, notamment celle de la caricature anglo-saxonne. Ainsi, quand Punch in Canada paraît en 1849, la première revue d’humour dessiné, souvent politique, du Québec s’inspire directement de son aîné. S’il ne dure que quelques numéros, de nombreux autres magazines du même type naissant, développant une approche graphique populaire. C’est le 18 août 1909 qu’un certain Morisette publie Petit chien sauvage et savant dans Le Canard, ce strip muet est la première publication connue d’un auteur québécois qui dépasse le dessin unique pour être une vraie bande dessinée [NDA : Depuis, suite à des échanges avec un historien de la BDQ, il s’avère que cette affirmation issue d’un ouvrage de Mira Falardeau n’a aucune réalité historique, rien ne prouve que l’auteur soit québécois ni même qu’il s’appelle Morisette !]. Par la suite, plusieurs auteurs se démarquent dans la presse généraliste, souvent pour des pages d’humour à la manière des journaux étasuniens. Parmi eux, Albéric Bourgeois créé Timothée pour La Patrie, série au long cours ou des bulles sont utilisés dès 1904, une première dans la BD francophone ! Mais malgré ces débuts prometteurs, la concurrence américaine – ou un système de vente de strips centralisés par journaux et états permet de faire largement baisser les coûts – balaie rapidement la création locale…

La BDQ traverse alors une longue période de disettes. Bien sûr des productions existent, principalement des séries hagiographiques catholiques… La Société Saint-Jean-Baptiste publie des contes, des revues spécialisées sont publiées par la JEC, Fides sort quelques albums… Mais le but est purement didactique et cela se poursuit jusqu’à l’après-guerre. Une exception notable, celle d’Onésime, par Albert Chartier. Ce personnage, extrêmement connu outre-Atlantique, mais quasi inconnu ici, est publié pour en 1943 dans le Bulletin des Agriculteurs du Québec. Très lue, cette revue professionnelle accueillera les aventures de ce gentil naïf jusqu’en 2002, avec plus de 600 planches à son actif ! Pour beaucoup de Québécois, il s’agit de la seule création locale d’un niveau équivalent aux magazines européens. Chartier est également des années durant un des seuls auteurs québécois à vivre de la BD.

En 1968, alors que des magazines comme Spirou ou Tintin traversent l’océan (de manière parfois aléatoire), la vague contre-culturelle mondiale touche évidemment le Québec, qui est lui-même en pleine mutation et « révolution tranquille ». Le groupe Chiendent, mené par le poète Claude Haffely et des plasticiens contemporains, tente de monter un groupement à l’américaine pour placer ses bandes dans la presse québécoise. Quelques-unes paraissent, mais le contenu radical désarçonne et les auteurs vaquent à d’autres occupations tout en marquant durablement les lecteurs. De nombreux fanzines naissent, Jacques Hurtubise et son Hydrocéphale illustré (1971) créent le comics-book Capitaine Kébec, puis il lance Croc en 1979, magazine d’humour inspiré de Pilote qui sera leur premier vrai succès. 189 numéros paraissent, jusqu’en 1995, publiant les premiers travaux d’auteurs majeurs comme Fournier & Godbout (Michel Risque) ou Jean-Paul Eid. Il ne s’agit cependant pas que de BD, mais aussi beaucoup d’humour, d’actualités… Hurtubise lance donc une revue de grande qualité nommée Titanic, exclusivement consacrée à la BD, en 1983. Mais c’est un échec, un fanzine underground nommé Iceberg naît même en opposition amusée !

Trois générations de revues québécoises consacrées ou laissant grande place à la bande dessinée.

Il reste que Croc permet une vague de professionnalisation sans précédent, et s’il cantonne à l’humour le magazine ancre l’idée qu’une BDQ est possible. De très nombreux fanzines se créent, ainsi que des petites maisons d’édition osant la BD (Kami Case, Zone convective, Mille-Îles…), et une revue d’humour dessinée concurrente, Safarir, qui vivra jusqu’au milieu des années 2000, mais là aussi sans être exclusivement centré sur la BD et en s’éloignant de la satire propre à Croc. Safarir est un des rares exemples de revue québécoise ayant tenté de percer sur le marché européen puis États-Uniens avec des publications spécifiques, mais l’échec est patent dans les deux cas.

La deuxième moitié des 80’s voient aussi apparaître les travaux Julie Doucet et Sylvie Rancourt. Ces deux autrice, relativement éloignées du milieu de la BDQ et dont les travaux ne se croisent pas, ont la spécificité – outre d’être des femmes, chose assez rare à l’époque –, de pratiquer l’autobiographie et l’auto-édition. Longtemps elles seront parmi les plus célèbres représentants du 9e art québécois hors des frontières. Julie Doucet s’impose rapidement comme une pionnière de la BD underground francophone et est publiée en France dès les débuts de L’Association, maison d’édition majeure du renouveau des 90’s. Elle raconte ses rêves, sa vie de femme, son quotidien… Sans pudeur et loin des conventions avec un dessin volontiers trash. De son côté Sylvie Rancourt raconte, sans savoir spécialement dessiner, son quotidien de strip-teaseuse et vend ses BD dans les boîtes où elle danse, avant qu’elles soient reprises et commercialisées, notamment au USA ! Les spécificités propres à ces autrices cultes sont une particularité inexplicable – la raison la plus logique est qu’il s’agit d’un hasard – de la BDQ.

Les années 90 voient donc une génération d’auteurs arriver après des années stimulantes, où le marché reste très contraint par les productions franco-belges et américaines, mais où une carrière d’auteur est possible. Cela permettra l’émergence de structures plus fortes et de tout un tissu alliant auteurs, éditeurs, librairies… Les éditions La Pastèque se créent en 1998, Mécanique générale est fondé par l’auteur-libraire Jimmy Beaulieu à peu près à la même époque… Des fanzines puis des livres, permettant de concrétiser des travaux aperçus depuis des années : Benoît Joly, Pascal Girard, Luc Giard… La longévité de ces structures permet de voir différentes générations réunies. En même temps qu’ils republient des auteurs underground, comme Siris, ou de jeunes auteurs lors de l’avènement des blogs BD (Iris, Zviane…), ils se lancent dans des travaux patrimoniaux : Fournier & Godbout, Jean-Paul Eid ou Albert Chartier retrouvent le chemin des librairies !

Après une longue période de gestation liée à un environnement très peu protecteur, la production de BD québécoise a su s’affirmer et se rendre incontournable. Si pour beaucoup d’auteurs le Graal reste de percer en Europe (le marché francophone québécois restant très restreint), la simplification des communications facilite largement les échanges. Ainsi Paul à Québec, autobiographie de Michel Rabagliati ancrée dans son territoire, a obtenu le prix du Public à Angoulême en 2010 quand Guy Delisle a, lui, remporté le Fauve d’Or en avec ses Chroniques de Jérusalem en 2012. Du côté des ados Les Nombrils, des Sherbrookois Delaf et Dubuc, paraît dans Spirou et est une des séries les plus populaires des ados français. Une réalité montrant bien que la BDQ peut percer de manière totalement autonome, au-delà du pittoresque.

Parallèlement à ces structures historiques et à ces auteurs au CV déjà bien long voyant leurs carrières récompensées, une effervescence est encore en cours : de nombreux festivals, prix, formations… se créent. L’éditeur Glénat a même créé une filière spéciale, « Glénat Québec », pour repérer les talents locaux, associés à la force de frappe d’une des plus grosses maisons d’édition française. Enfin, de nombreuses structures se créent, comme les maisons d’édition Pow Pow et La Mauvaise Tête, lancée par des auteurs, qui présentent les travaux de la jeune garde québécoise sous des graphismes magnifiques (Michel Hellman, Vincent Giard, Luc Bossé, Zviane…). Du côté des revues, on peut saluer deux initiatives méritant particulièrement d’être soulignées : Front Froid, consacrée à la BD de genre, axe original permettant de mettre en lumière des auteurs au style plus réaliste dans des formats courts, et Planches, lancée voici trois ans pour promouvoir des auteurs québécois de tous styles. Si aujourd’hui l’objet de Planches a un peu évolué, la revue comporte toujours de nombreux auteurs locaux et met en avant cette production dans de longs dossiers révélant par la publication comme l’analyse la richesse de la production québécoise.