Un article du projet « Chantons la bande dessinée avec... »
J’avais choisi un extrait du clip de « Mille milliards » comme bandeau de mon article portant l’index de ces chansons évoquant la bande dessinée. Ce qui aurait d’ailleurs pu être un piège puisque j’indique bien dans les règles de cet index que les clips ne comptent pas, et que je me réfère aux albums et non aux adaptations, l’image est pourtant une référence directe au générique iconique du dessin animé qui passait à la TV dans mon enfance.
Mais, ouf, pas d’erreur, puisqu’au-delà du clip il n’y a guère de doute sur le fond : la chanson, troisième piste de l’album Saint-Valentin (2024, on en reparlera car une autre des chansons de l’album parle BD) est entièrement dédiée à la bande dessinée, même si celle-ci est objet de fantasme plutôt que description de l’action réelle.
Citer le texte serait un peu vain puisque tout le texte parle de Tintin, et de Tintin à travers les yeux du Capitaine Haddock, filant l’idée d’une romance gay non assumée, un classique dans l’analyse de ces étranges BD franco-belges où tant d’hommes vivent ensemble (Spirou et Fantasio, Blake et Mortimer, Tintin et Haddock donc), certes toujours avec des lits séparés, mais parfois dans les mêmes chambres ! Facile, donc, de glisser vers une imagination fertile en actions peu catholiques. Une pratique d’ailleurs assez courante dans la fanfiction où le « Shipping » (un terme pour la mise en couple de personnages qui ne le sont pas dans le canon) homoérotique est un classique. Le ship Tintin/Haddock a même son nom connu des fans, qu’on retrouve sur le Wiki Tintin : Haddotin, selon l’usage voulant que les ships s’incarnent par une fusion des noms des personnages en relation.
Les paroles nous projettent dans l’esprit, pas trop embrumé d’alcool, du capitaine, qui ne comprend pas ce qui lui arrive. Il admet être le cliché du gros barbu amoureux d’un jeune imberbe, soulignant le problème de la différence d’âge (« Je me voyais pas y’a 20 ans / Moi, amoureux d’un homme enfant… »), mais aussi l’aspect très désincarné d’un Tintin au visage le moins précis possible et fait pour qu’on projette un peu tout. Le texte déroule différentes références aux albums (la Lune, le Karaboudjan, le fait d’aller au Pérou ou au Tibet…) et la conclusion est assez maline, référant directement à l’existence de réelles aventures tout en rappelant la constante invisibilisation de l’homosexualité dans l’histoire, que ce soit celle de personnages réels comme de fiction :
« 1000 milliards de mille sabords
C’est toi Tintin que j’aime fort
1000 milliards de mille sabords
Je t’aimerais jusqu’à ma mort
Et si un jour, dans le futur
Quelqu’un écrit nos aventures
Je fais le vœu pourtant facile
Qu’il ne masque plus notre idylle »
PS : les ships Tintin sont nombreux, l’article Wiki parle d’autres mix de personnages, une chanson en évoque un autre très punks et peu connue, nous en reparlement : Tintin aime Milou, de 8-6 power.