En train, je lis souvent des magazines Disney, fidèle à cette phrase du futur Goncourt Didier Decoin(coin) déclarant dans Haga « Savoir lire, parfois, c’est aussi oser grimper sur le dos d’un canard qui porte un béret de marin. »
Si Picsou magazine a ma préférence je me laisse parfois aller à Mickey Parade, devenu Mickey Parade Géant, j’imagine par rapprochement avec Super Picsou Géant, le « parade » étant désormais minuscule entre les deux autres mots. Cela me rappelle un peu Vaillant devenu Vaillant le journal de Pif avant sa transformation en Pif Gadget, disons que je ne serai pas surpris qu’un jour l’épais magazine devienne Mickey Géant tout court.
Étudier MickeyParade, et les productions presse Disney en général, serait un sujet passionnant, encore trop peu défriché, laissant souvent l’étude du catalogue et de son patrimoine aux journaux eux-mêmes (via des hors-séries, voire des ouvrages anniversaires, etc.). On oublie souvent en étudiant la presse de bande dessinée combien ces titres restent parmi les plus vendus – d’où le « Top vente » un peu surprenant dans le coin haut gauche des Mickey Parade Géant récents. La chose est aisément vérifiable puisque les tirages et ventes du journal est certifiée par l’ACPM, qui nous montre que malgré une petite baisse le magazine reste vendu à plus de 46 500 exemplaires, ce qui en fait le 139e titre le plus vendu tous genres confondus dans le palmarès 2021-2022. Pas mal du tout et une belle position en jeunesse Picsoumagazine est 81e, Super Picsou Géant 94e, LeJournaldeMickey 103e et Mickeyjunior (méconnu) 116e. Bayard devant un peu en presse jeunesse mais ça reste une très belle performance pour le groupe Héritage (qui possède les titres Disney).
Si je m’emballe à regarder ces chiffres, ce n’est pas du tout le sujet de ce post. Profitant d’un voyage en train j’achète et entame donc le Mickey Parade Géant n° 390 dont le récit central, annoncé en couverture, est « L’Odyssée du Dingo-Tiki » (Ivan Bigarella et Sergio Cabella). J’avance dans cette aventure et tombe soudain sur cette page :
Il s’agit assez évidemment d’une annotation de rédacteur indiquant un oubli dans la traduction, chose assez courante quand on gère l’édition d’un journal. Le voir imprimé l’est un peu moins. Si cette erreur, qui reste sans gravité, se repère, je m’amuse de sa curieuse place. Alors que Dingo regarde l’immensité du ciel, il discute avec Mickey qui le trouve poète. La dénégation de Dingo résonne étonnamment juste avec la réponse « Manque traduction », comme si la poésie lui était définitivement cryptique, incompréhensible, dans une langue étrangère. Il manque à Dingo la langue poétique nous dit Mickey Parade Géant, en donnant un bel exemple d’une erreur créant du sens. On imagine que le secrétaire de rédaction s’est fait tancer pour ça, j’aimerais pour ma part saluer cette personne qui, par cette bourde qui n’a au fond fait de mal à personne, a multiplié le potentiel poétique de la page.
PS : Montrant cette page à mon ami Jean-Paul Jennequin, traducteur régulier de récits Disney, et notamment dans ce numéro, il m’indique ne pas l’avoir traduit. Je le savais, le traducteur crédité est Laurent Laget, mais je retiens une chose fascinante : il a aussitôt reconnu ne pas être le traducteur, car lui ne laisse pas les « Yuk yuk » mais les transcrit autrement. S’en est suivi une discussion sur la non-harmonisation de la traduction certaines onomatopées Disneyien, autre chose à explorer, si le cœur vous en dit !
Après un premier point paru en mars 2022 sur les publication de ma première année et demi de doctorat, voici le point sur mes articles universitaires depuis, alors que j’entame ma troisième année ! (je ne compte pas les livres, j’en parlerais dans un post à part).
Alors bon, qu’y-a-t-il eu, comme vous le savez le temps universitaire fait que des choses paraissent des lustres après leur publication. Bref voici donc les articles parus entre mars de fin octobre 2022 !
La très belle revue d’histoire culturelle Sociétés & Représentations a consacré son n° 53 (comme la Mayenne !) à la bande dessinée et particulièrement à la manière dont a été abordée l’histoire de la bande dessinée, sa façon de constituer ses archives, etc. Dirigé par Sylvain Lesage, ce numéro est particulièrement riche (et épais), avec de contributions de chercheurs et chercheuses que j’apprécie beaucoup, comme Benoît Crucifix, Florian Moine, Jessica Kohn… J’y ai signé un texte que je vois un peu comme le pendant de celui-ci, nommé « Bande dessinée québécoise : historiographie d’un champ sous double influence ».
La revue est en papier et sur Cairn, donc indisponible gratuitement aux non-chercheurs, mais j’ai déposé le texte (dans sa maquette finale, car la revue l’autorise ce qui est déjà ça) sur HAL : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03668615
Ce n’est qu’une recension mais elle fait plaisir car elle est dans la Revue française des sciences de l’information et de la communication, une bonne grosse revue dans mon domaine. Pour le moments les appels à articles m’excitent modérément mais il y a de beaux dossiers réguliers, donc faire des recensions reste un moyen de participer à ce bel ensemble. Et ça tombe bien car le livre très multi-disciplinaire d’Anna Giaufret se cale bien avec une analyse InfoCom. Ma recension ici : https://journals.openedition.org/rfsic/13625
N’ayant sans doute alors pas tout compris à ce que demande comme travail un article universitaire j’avais, après un stimulant colloque, proposé deux articles à Strenae, très chouette revue sur le livre jeunesse et les objets culturels de l’enfance. Les deux ont été accepté, et il a fallu les écrire. Cela a pris du temps mais voici que la revue est parue et tout le dossier est vraiment passionnant, et riche avec une quinzaine d’articles tout de même ! Le site est en accès libre et on trouvera donc facilement mes deux texte.
Le premier, vu comme une sorte d’addendum à mon ouvrage sur PifGadget et le communisme et à des années de travail sur la question, aborde le sujet de Pif Gadget et l’écologie politique, occasion de lier mon engagement militant et cette recherche, sur un axe inattendu : https://journals.openedition.org/strenae/9420
Le second, nettement plus lié à ma thèse et croisant des sujets se recherche et passion, porte sur Pif Gadget au Québec et a été coécrit avec Sylvain Lemay, mon codirecteur de thèse, à travers l’étude de nombreux journaux et de la communication à propos du journal dans la province (où l’aspect communiste, pour le coup, était tu) https://journals.openedition.org/strenae/9439
Et c’est en novembre qu’est sorti mon article sans doute écrit depuis le plus longtemps pour le moment, en rythme universitaire je sais que ce n’est pas si long. Suite au colloque PIFERAI sur les strips de Pif le chien, les Éditions universitaires de Dijon ont donc publié le petit ouvrage Pif le chien – Esthétique, politique et société, sous la direction d’Henri Garric et Jean Vigreux, avec des noms qu’on retrouve dans Strenae, mais pas que. J’ai pour ma part fait une analyse pas du tout penchée sur l’idéologie mais sur l’historique éditorial et les réutilisation des strips par les éditions Vaillants, soit un article nommé « D’un support à l’autre, usage et réusage des strips de Pif le chien ». Un autre article universitaire sur Pif attend sa publication, mais j’espère que c’est le dernier à court terme, histoire de ne pas m’en dégouter ^^ En tous cas avec la sortie du livre et sa promo, tout ça a une convergence d’actualité qui, pour le coup, est assez intéressante.
Un article un peu hors de mes sujets de recherches, même si deux des personnes étudiées sont du Québec, tout de même, mais que j’ai tenu à écrire car le thème du dossier m’intéresse beaucoup. Par ailleurs, publier dans Alternative francophone, revue consacrées à la francophone « en mode mineur » dont j’aime beaucoup le postulat en cinq points et dont j’apprécie le fait qu’elle soit publiée par l’Université de l’Alberta, province où la francophonie est bien minoritaire, me faisait bien plaisir. Mon texte sur la vulgarisation/transmission scientifique du point de vue des auteurs/médiateurs se trouve sur ce lien, au milieu d’un beau numéro sur « La bande dessinée scientifique – Les nouveaux territoires du documentaire » : « Depuis la table à dessin : transmettre la science du côté des auteurs. »
*
À suivre : d’autres recensions (pour le BBF et Communication…), des articles pour le Bulletin des bibliothèques de France, La Revue française d’histoire du livre, Comicalité, Voix Plurielles, Mémoires du livre, Archives des lettres canadiennes, Images du travail, Travail des images, Hermès et quelques autres projets, ainsi que deux directions de revues : un numéro de Mémoires du livre sur la bande dessinée vagabonde avec Philippe Rioux à paraître au premier semestre 2023, et un numéro (appel en cours) d’@nalyses sur « Vingt ans de bande dessinée québécoise au XXIe siècle ».
Bandeau de couv : photo d’un tiroir de mots prédécoupés pour les collages de Julie Doucet, dans son atelier, août 2022.
Il arrive que les auteurs québécois prévoient de conserver des droits distincts entre les éditions au Québec et en Europe, cela a plusieurs avantages : pour l’éditeur cela évite des transferts de livres d’un océan à l’autre, pour l’auteur cela évite que des publications en français chez d’éventuels autres éditeurs (c’est principalement le cas si un éditeur québécois n’est pas distribué en Europe) soient traitées en droits étrangers.
Jimmy Beaulieu est un auteur québécois assez lu en Europe francophone, et aussi un habitué des modifications d’ouvrages entre chaque réédition mais c’est un autre sujet (même si un peu lié). En 2013 ; les éditions Mécanique générale, qu’il a fondé des années plus tôt mais où il n’a plus d’activité éditoriale, on édité un gros recueil de ses récits autobiographiques. Le titre est clair et assez illustratif : Non-Aventures, sous titré « planches à la première personne ». Si quelqu’un pense tomber ici sur de la grande course-poursuite, c’est qu’il ne sait pas lire.
En janvier 2015 l’album est édité en Europe. J’entends souvent parler d’édition française mais c’est abusif puisque la maison d’édition, Les Impressions nouvelles, est localisée à Bruxelles. L’éditeur du livre est certes français (le scénariste et théoricien Benoît Peeters) mais il faut a minima parler d’édition européenne francophone. En tous cas, outre quelques modifications de contenu et d’agencement, la couverture diffère. Il y a le dessin, bien sûr, mais c’est assez classique avec une autre édition, le changement de titre l’est moins, surtout que la langue ne change pas. Et les « Non-aventures » deviennent « Les aventures » soit l’exact inverse.
Pourtant, le titre fonctionne très bien. Avec ce dessin laissant entendre une promenade calme et douce, loin de toute aventure, et le sous-titre conservé, le lecteur comprend bien qu’il s’agit d’un pied de nez et qu’il n’y aura d’aventure qu’intime et personnelle. Interrogé par Laurent Lessous pour BDZoom, Beaulieu explique le choix « Benoît Peeters, l’éditeur de l’édition européenne, n’était pas friand du titre un peu négatif de l’édition québécoise : Non-aventures. Je n’y tenais pas non plus. Nous avons bien cherché une alternative. Moi qui pense toujours à des titres de livres (à en rendre fou mon entourage), je bloquais. J’ai finalement proposé cette variante toute simple et plus drôle, “Les Aventures”, qui était le titre du premier chapitre de la section “Quelques pelures” (lequel s’intitule, dans cette édition, “Non-aventures”). » On note au passage le jeu de retitrage permanent de l’ancien album qui change nom en devenant chapitre… L’enfer des bibliothécaires.
Ce transfert de titre est passionnant, les deux jouent sur une contradiction : le premier sur la simple négation « non-aventures », l’autre peut-être plus subtilement en jouant le contraste avec l’image et le sous-titre. Aucun ne manque de poésie, je préfère a priori le second, mais peut-être est-ce simplement parce que c’est le premier que j’ai connu ? Ou que c’est un ciblage géographique efficace. Quand j’ai présenté le choix à des amis, au débotté, les avis variaient mais sans que ça ne se détache vraiment, ni se distingue par origine géographique. Esthétiquement je trouve par contre la deuxième édition plus réussie, sans aucun doute, c’est mon affaire, j’imagine.
Lors de mon séjour au Québec il y a quelques semaines, Jimmy m’a confié (pour la bibliothèque patrimoniale de la Cité internationale de la BD et de l’image) différentes éditions étrangères de ses livres. Parmi elles, deux de ce qui correspond aux (Non-)Aventures, qu’il m’a présenté comme des éditions directes de ce livre mais qui sont en réalité antérieures (il faut dire que les éditions Aventures sont déjà des anthologies, je vous le dis, un enfer pour les bibliographes).
Une de ces éditions est paru en anglais chez l’éditeur canadien Conundrum Press en 2010 (avant la Québécoise donc), l’autre en allemand, chez l’éditeur allemand Schreiber & Leser en 2014 (après la Québécoise, mais avant la Belge, pour celle-ci). L’image de couverture est différente des éditions françaises, mais globalement partagée par les deux éditeurs en question, même si en bonne JimmyBeayulieuserie il y a des retouches (le choix de couleurs notamment, et le cadre plus ou moins serré). Le titre est évidemment traduit. Bien que pas très bon en langues étrangères il semble évident qu’aucun ne parle d’aventure, existantes ou non :
En anglais nous avons Suddenly Something Happened, qu’on pourrait traduire à peu près par « Soudain, quelque chose arrive » ou « Tout à coup, etc. ». Un très bon titre à vrai dire, qui résume lui aussi bien le contenu, et cette pseudo-aventure (prenant le contre-pied d’une vieille vision de la BD), peut-être plus explicite que les titres français, car sans sous-titre. En allemand, que je ne parle pas du tout, Am Ende des Tages (là aussi sans sous-titre). Google et des gens m’ont évoqué un « À la fin de la journée » voire « des jours » (ce qui n’est pas exactement la même chose), bon là en tous les cas, pour le coup, je vois moins bien le rapport. Mais cela semble confirmer un goût du jeu avec les titres, profitant de chaque édition pour proposer une variation, ce n’est pas si courant.
PS : J’admets que le titre est un peu mensonger, puisque qu’il ne s’agit jamais vraiment du même livre malgré un contenu largement commun, même entre les deux éditions francophones (même s’il me semble que les rééditions de Non-aventures reprennent le contenu exact des Aventures). Mais bon, vous avez quand même l’idée générale, et au début je croyais que c’était bien le même livre.
Edmond Baudoin est un des auteurs français de BD les plus importants de la fin XXe, son influence est majeure, la diversité de ses approches aussi. Il y a beaucoup à écrire dessus et d’ailleurs j’ai eu le plaisir de faire deux textes sur son œuvre : l’un sur la place du policier et du roman noir, pour cette monographie chez Mosquito, l’autre sur la place du Québec, où il a vécu trois ans, pour le dossier en ligne de neuvième art 2.0. J’en écrirai sans doute d’autres, il y a beaucoup de tentatives, plus ou moins réussies, mais toujours intéressantes, chez Baudoin.
Au rang des choses qui m’ont toujours étonné est que, depuis les années 1980, il y a une quasi constante erreur sur son nom, qui revient régulièrement. Dans des articles, dans des salons (je me souviens d’avoir vu un tableau de dédicaces erroné à BDFil, corrigé quand je suis revenu), mais aussi dans des livres où il est publié. La diversité de supports, quels que soient leurs professionnalismes, et son étendue temporelle me surprend toujours. Il y a assurément encore beaucoup de « Baudouin » à relever, notamment dans les imprimés (là j’ai très majoritairement du en ligne, facile à trouver). Mais en attendant cette recherche, une première salve, en guise d’invitation : si vous en trouvez, n’hésitez pas à me les envoyer à maelrannou @ lilo.org
Dans la série des entretiens préparatoires, une courte série de questions à José Jover, membre d’Anita Comix, qui a publié dans beaucoup d’endroits dans les 80’s et notamment dans Pif Gadget, avec Aziz Bricolo. Envisagé pour mon livre à paraître chez PLG (Pif Gadget et le communisme) dans quelques mois, j’ai reçu ces réponses il y a quelques semaines, alors que la maquette du livre est bouclée ! Très souvent, le camarade Jover répond à mes questions en développant autre chose, d’imprévu et de tout de même fort intéressant ! C’est l’occasion de parler de bande dessinées, d’édition (José Jover a lancé Tartamudo), du nouveau Pif Gadget et de militantisme, un terme qui – chose rare – n’effraie pas notre invité !
Avant de collaborer avec Pif Gadget, en étiez-vous lecteur ?
Oui bien sûr et aussi de son ancêtre Vaillant !
La série Aziz Bricolo est signée avec Boudjellal et Larbi, vous formiez ensemble un groupe nommé « Anita Comix », souvent présenté comme le premier atelier d’auteur de BD issu de l’immigration. Pouvez-vous présenter un peu ce que vous voulez dire par là et comment la série Aziz Bricolo est arrivée dans Pif Gadget ?
Aziz Bricolo est né d’abord dans le magazine du syndicat national des instituteurs Virgule (1981). J’avais pris rendez-vous avec la rédaction, dont le rédacteur en chef était PEF : auteur Jeunesse célèbre avec son Prince de Motordu mais à l’époque il n’avait publié qu’un seul album Jeunesse : Moi ma grand-mère (La Farandole, 1978). Pef, est devenu un ami très proche aux cours de toutes les années qui ont suivi.
Puis, j’ai dit à mes deux acolytes d’Anita Comix, Farid Boudjellal et Roland Monpierre de se joindre à moi pour ce journal, nous avons donc créé « Aziz Bricolo » pour Virgule. Nous avons commencé à travailler ensemble avant Aziz, avec un personnage que j’avais créé à la fin des années 1970, « Raymond Lafauche » : un pervers sympa et voleur, dont l’occupation principale était à base de gags sur le vol et sur une page ! (courrier des lecteurs bien gratiné d’ailleurs : ils adoraient ou détestaient !). Entre Raymond (qui était le prénom de mon beau père à l’époque) et Aziz, l’aventure a duré deux bonnes années, à raison d’une ou deux pages par mois, d’abord avec Raymond puis avec Aziz : ce dernier était une volonté de Pef qui voulait une série sur la diversité.
Bien plus tard (1987-1988 par-là…), j’ai proposé une autre série BD (Salséro) à Anne-Marie Schropff qui était rédactrice en chef de Pif Gadget, à l’époque encore sise rue du Faubourg Poissonnière. C’était aussi le siège des éditions VMS Vaillant-Miroir du Sprint ET la Farandole, j’avais commencé pour eux un album Jeunesse avec André Igual à l’écriture : La Vie privée des Monstres. C’était encore à la demande de Pef, directeur de collection, mais La Farandole et VMS ont fermé la boîte, avant que ça ne sorte. J’ai ai fait la toute première publication chez Tartamudo des années plus tard, en 1995.
Nous avons passé plus d’un an dans des réunions de rédaction, tous les mois chez PifGadget (dernière formule coco historique), dans lesquelles participaient des auteurs comme nous, des repreneurs de personnages de Pif (Yannick avec Hercule), mais aussi des anciens très connus de notre milieu, comme Alberico Motta ou François Corteggiani. Anne-Marie m’a proposé de faire une série comme LaRibambelle, de Roba, alors j’ai pensé reprendre Aziz, mais ce coup-ci sans Roland Monpierre, parti pour d’autres aventures. Ce sera donc avec Larbi Mechkour au dessin et couleur, je l’avais connu à la radio libre « Carbonne 14 » au début des années 1980, et présenté à Farid, avec ils ont fait LesBeurs (Albin Michel, 1985).
Avez-vous, avec votre groupe Anita Comix, ciblé ce journal en fonction de ses valeurs revendiquées ? Ou avez-vous été contacté pour ces mêmes raisons ?
J’ai créé la rencontre d’« Anita Comix », chez moi au Kremlin Bicêtre (1981), et trouvé le nom à cause d’un 33 tours que j’avais sous les yeux à mon atelier à ce moment-là, un disque d’Anita Ward (Ring my bell). Roland Monpierre, que j’ai connu aux Beaux Arts de Paris (octobre 1975, c’était l’un des rares artistes noirs !), et Farid Boudjellal, ami d’enfance de Toulon, ne se connaissaient pas, et lorsque nous avons lancé « Anita comix » nous ne savions pas que nous avions créé le concept Black Blanc Beur ! Je me suis dit aussi, que les rédacteurs en chef préféreraient imaginer voir débarquer une belle sud-américaine, plutôt que trois poilus issus de l’immigration ! Et ça a marché, comme quoi… Plus tard, nous avons participé à la naissance de SOS Racisme dont les leaders étaient des sous-marins du PS, Harlem Désir (choisi pour son nom !) et Julien Dray. Nous avons fait l’affiche pour « La Marche des beurs N°2 : convergence 84 ». Nous apparaissons aussi dans le film Performances, sur les talents issus de l’immigration, avec Rachid Taha et une grande et belle expo à Beaubourg sous l’égide de Jack Lang.
En plus de Pif Gadget, nous avons commencé à bosser pour Pilote, dirigé par Jean-Marc Thévenet, réalisé des tas d’affiches et de plaquettes illustrées, et beaucoup travaillé pour toute la galaxie de la presse communiste : Révolution, Regard, L’Humanité et L’Humanitédimanche, pour qui j’ai illustré des articles de presse et quelques couvertures… PifGadget est dans cette galaxie.
Ma motivation est simple à comprendre : j’ai été un immigré avant ma naturalisation, avec une carte de séjour et une carte de travail. J’ai participé à des associations (oubliées) en faveur des immigrés, telle le CUFI (Comité Unitaire Français Immigrés) et suis entré dans l’extrême gauche Trotskiste d’Alain Krivine. Ils me paraissaient les mieux indiqués au regard des sectes des malades maoïstes, de Lutte Ouvrière, voire des trotskistes dits Lambertiste, dont avait fait partie Jean-Luc Mélenchon, par exemple. On a pu débattre sur ces thèmes ensemble, au début des années 2000 puisque je l’ai fréquenté de près.
C’est la raison pour laquelle il est présent dans le documentaire Jeunesse (collectif avec entre autres, Cavanna, Luis Régo etc) Mon album de l’immigration en France, que j’ai publié et co-dirigé avec ma jeune assistante de l’époque, que j’ai formé, Bérengère Orieux, qui est devenue éditrice de Ici-Même.
Aziz Bricolo est publié en 1987-1988 dans PifGadget, pourquoi la série s’est-elle arrêtée si vite ?
Parce que ça a fait faillite : les communiste feraient mieux d’engager un expert-comptable plutôt que des leaders politiques. François Cortegianni a pu récupérer des originaux des grands anciens, à VMS : DANS LES POUBELLES ! Ils avaient été jetés. Du coup, il m’a offert un original des Rigolus et des Tristus, de Cézard
On entend souvent qu’après 1975 le lien entre Pif Gadget et le communisme devient très ténu. Aviez-vous eu des échanges politiques avec la rédaction ou des collègues ? Sentiez-vous ce ce patronage du parti qui existait toujours ?
De fait, quand Pif Gadget renait de ses cendres vers 2004-2005, j’ai monté l’affaire avec les gars et les filles du journal des jeunesses communistes AvantGarde : à leur demande ! Je suis allé à des réunions place du Colonel Fabien, leur siège, et à L’Humanité, à Saint Denis. J’avais fait un « business plan » à hauteur de 50 000 en kiosques, avec une culbute financière à 30 000 vendus. Patrick Appel-Muller, rédacteur en chef adjoint de L’Humanité, que je connaissais de mes activités de dessinateur dans cette presse, est venu à plusieurs reprises à mon petit bureau de Tartamudo. Il venait prendre des notes pour savoir comment j’allais m’y prendre suite aux réunions !
J’avais monté une équipe de dessinateur, et de journalistes, dont Laurent Mélikian : il pourra témoigner de ce que j’écris là. Me voilà bombardé rédacteur en chef du nouveau Pif Gadget ! Puis, Patrick Apel Muller a pris le pouvoir du journal sur la base de mes notes, et a recruté François Cortegianni comme rédacteur en chef ! Il s’en excuse encore aujourd’hui, et indique que ce n’était pas sa volonté : ce à quoi je luiai dis que c’est de l’histoire ancienne. Bref, de fait au lieu de lancer 50 000 ex comme je l’avais prévu, ils en lancent… 400 000 ex… et ça a marché ! Ils ont même dû retirer les trois premiers numéros. Laurent Mélikian voulait faire un gros dossier dans le magazine LanfeustMag, où il bossait aussi, mais je lui ai dit que je ne voulais pas la guerre avec les cocos. Il a quand même fait une page sur cette histoire dans ce journal (que j’ai gardé bien sûr !).
Enfin, ne vous a-t-on pas par la suite étiqueté parce que vous veniez de Pif Gadget ?
Oui, je suis considéré comme un « militant » EN GÉNÉRAL (pas que pour Pif !), ce à quoi je réponds systématiquement : militant de quoi ?! Militant de la cause littéraire, artistique et des auteurs et artistes, certainement !
En 2008, les éditions Cambourakis publient Mon frère nocturne et Frances T1, deux bandes dessinées de Joanna Hellgren, autrice suédoise inconnue qui posait avec ces deux premiers livres les prémices d’une œuvre une très ambitieuse. Les deux autres tomes de sa trilogie tiennent d’ailleurs leur promesse, et puis elle a quasiment cessé la bande dessinée. Elle se consacre depuis à des livres illustrés et à des expositions qui ont l’air superbes, on peut voir un peu de tout ça sur son site.
Lors de la sortie de ses premiers livres, je l’ai rencontré lors d’une séance de dédicace. Je ne sais plus comment, mais nous avons pu échanger avec sympathie, j’ai eu son courriel et, quelques mois plus tard, elle a accepté de dessiner quatre pages d’Alice hors du miroir, un projet porté depuis longtemps (j’en avais dessiné moi-même une page vers 2007). C’était une Alice adolescente, ayant quitté le pays des Merveilles et espérant y retourner, c’était d’ailleurs sans doute très adolescent, j’étais un jeune étudiant en lettres ou en éditions, Burton n’avait pas encore fait son adaptation. Mais voilà que Joanna Hellgren dessine ces quatre pages, publiées dans le Gorgonzola n° 15 (octobre 2009), à chaque fois que je les relis je suis surpris tant je les trouve belles, j’ai du mal à considérer que j’ai à voir là-dedans !
Quelque temps plus tard, j’ai écrit un cinquième épisode, cette fois en deux pages, qu’elle a aussi illustré et qui est paru dans le Gorgonzola n° 18 (décembre 2012). J’espérais atteindre la trentaine de pages, pouvoir envisager un livret, une publication, que sais-je ?
Mais tout ça était bénévole et Joanna avait déjà été bien gentille de dessiner ces 6 pages, qui ont l’avantage de se conclure – enfin, elles restent en suspend, mais chacun des épisodes de cette série finissent comme ça. Parfois j’ai envie d’en réécrire, peut-être avec d’autres dessinateurices, peut-être en rêvant qu’un jour Joanna y revienne. En attendant j’ai acheté l’original de la première planche, qui est dans mon salon (enfin, était, là je viens de déménager) et j’ai très envie de m’intéresser à ces travaux récents de Joanna dont j’ignorais l’existence et que je découvre à l’occasion de cette replongée dans ses pages.
Alors que les cinémas autres lieux de loisirs restaient fermés, El Chico Solo s’ennuyait sur Facebook et s’est mis à intégrer furieusement des connaissances et amis dans des groupes divers. Un sur les BD rares, un sur les livres et revues sur la BD, un sur les BD franchement bizarres ou moches… Puis face aux exclamations de « J’ai » est née une règle : si l’on peut prouver qu’on possède le truc rare (ou que le posteur a cru rare), l’auteur du post envoie un fanzine. Sacré machin et il y en a qui reçoivent des tonnes de paquets (moi je n’en dois qu’un, mes zines québécois sont globalement inconnus). Il y a aussi des jeux spéciaux régulièrement, auxquels je ne comprend que pouic.
Tout à sa furia El Chico Solo a carrément publié un zine, gratuit contre des timbres, destiné au groupe, avec les meilleurs posts et des BDs et illus inédites, de lui, de Placid, de Zou, de JC Menu, de JP Jennequin, etc. (sommaire ici) J’y ai donc fait une page, destinée à n’être que très peu imprimée et globalement peu compréhensible (mais on y parle BD et égocentrisme, vous ne serez pas perdus). Mais j’ai convaincu El Chico Solo d’en envoyer un exemplaire à la Cité de la BD pour la mémoire !
Ci dessous la page en question donc. Il y a eu d’autres zines en liens avec le groupe, des zines gags, des réponses, je vous avoue que là même membre je n’arrive pas à suivre. Et pour les curieux le groupe est ouvert et accueille des nouveaux membres, rien qu’en regardant ce qui a été publié il y a de quoi se rincer les yeux.
En 2021, il y aura une journée d’études sur les fanzines à la BnF, normalement un colloque reporté à la Fanzinothèque de Poitiers, mon doctorat officiellement commencé me poussera à écrire régulièrement sur les fanzines (même si ce ne sera pas mon sujet central officiel) alors voici une petite bande dessinée pour 2021. Qui ne parle pas de l’année passée parce que bon. Bonne année : fanzine vivra, fanzine vaincra !
Dans la série des entretiens préparatoires, une courte série de questions à Christian Flamand. Entré très jeune chez PifGadget, il y fut assistant de Jean-Claude Poirier (Horace, Supermatou…) et auteur pour les « Poches ». Intéressant petit texte, car je conclus mon livre (parution chez PLG, 2021) par une ouverture liée à l’écologie politique… Avec l’envie de consacrer une communication de colloque à ce sujet et voici que Christian, qui a répondu un peu trop tard pour le livre, m’en parle !
Christian Flamand vers 2013.
Avant de collaborer avec Pif Gadget, en étiez-vous lecteur ? Quand vous y rentrez chez Vaillant êtes-vous au courant que le magazine est lié au PCF ? Vous en parle-t-on ? J’ai acheté Pif Gadget dès le numéro 1 (dommage, ma mère l’a jeté depuis…), mais enfant, j’étais déjà lecteur de Vaillant, et très admirateur d’Arnal et de Cézard… Ils font partie de ceux qui m’ont donné envie de faire ce métier. Quand je suis entré chez Pif fin 1972, il était de notoriété publique que la rédaction était liée au PCF, le bruit courait d’ailleurs que les bonnes ventes de Pif-Gadget permettaient de maintenir L’Huma à flot… Mais ce lien restait anecdotique et on ne m’en parlait pas plus que ça.
Quels étaient à l’époque vos positions politiques et votre regard par rapport à l’étiquette rouge posée sur Vaillant ? Cela vous plaisait-il, vous gênait-il ou bien même vous laissait-il indifférent ? J’avais 17 ans quand mes dessins ont été acceptés dans la série Poche, et encore assez gamins dans ma tête, donc ma position politique était encore assez floue… Mes parents n’avaient aucune culture politique, et de ce fait ne m’ont jamais influencé. Les jeunes gens de ma génération étaient plutôt de sensibilité socialiste. Moi j’avais des sympathies pour le PSU, situé entre la SFIO et le PCF. Donc, bien que n’étant pas adhérent au PCF (j’avais même quelques difficultés de dialogue avec les quelques camarades que je rencontrais à la Fête de l’Huma…), je me sentais plutôt à l’aise dans cette grande mouvance de gauche. Je me suis très vite rapproché de l’écologie, concept défendu très tôt par Pif-Gadget, et mon premier vote en 1974 a d’ailleurs été pour René Dumont.
Un Supermatou de Flamand dans le Roi du rire poche n° 12 (mars 1979)
Votre série n’est pas marquée par la politique, mais avez-vous eu des échanges sur le sujet avec d’autres dessinateurs laissant penser qu’ils voyaient cet axe dans leur travail ? Les jeunes dessinateurs des Poches avaient relativement peu de contacts avec les stars de l’hebdo. On présentait nos dessins rue Lafayette et on reprenait le train presque aussitôt pour retourner en province… Il est évident que le travail des auteurs était plutôt influencé par des idées progressistes : la tolérance, la parité, l’écologie, une certaine liberté d’humour qu’on ne retrouvait pas dans d’autres titres de la presse enfantine. Mais cela était non écrit, induit dans l’esprit de l’époque.
De manière générale avez-vous ressenti une quelconque manière le lien au PCF lors de votre collaboration ou était-ce uniquement une chose sue sans plus ? Très honnêtement, jamais personne à la rédaction ne m’a demandé de faire passer un quelconque message idéologique. Le lien au PCF était connu et accepté, et cela ne semblait avoir aucune importance dans le cadre de notre travail. On sentait au contraire une certaine liberté d’action, peut-être idéologique en y pensant après coup, et on sentait que notre travail était respecté. Et payé convenablement, avant que les choses se gâtent à la fin des années 70…
Dans l’autre sens, ne vous a-t-on pas étiqueté idéologiquement, a priori à tort, parce que vous veniez de Vaillant ? On m’a effectivement souvent posé la question. Cela ne m’a d’ailleurs jamais dérangé. J’imagine que d’aucuns ont pu penser que j’avais ma carte. Un célèbre joueur auxerrois de l’AJA des années 80 pensait d’ailleurs que j’étais communiste, comme lui… Au détour d’une conversation, il a appris que ce n’était pas le cas, et il en a été extrêmement peiné. Il a eu même du mal à me retutoyer !
Lorsque je réalise des articles de fond sur un sujet ou un autre, il m’arrive régulièrement de poser des questions à des acteurs directs. Leurs réponses ne sont qu’une source parmi d’autres, mais sont utiles, apportent des éclairages, des informations. Souvent il n’en reste que quelques citations dans les articles, parfois rien. Alors pour en garder mémoire, puisque c’est souvent intéressant, je publie sur ce blog les interviews complètes, il faut bien avoir en tête qu’elles ne sont pas faites pour l’être et sont loin de couvrir des carrières, elles se focalisent sur des points précis. Voici donc un entretien qui me sert actuellement pour rédiger un article sur L’Écho des savanes première période (1972-1982) pour le prochain numéro des Cahiers de la BD. J’ai également interrogé Nikita Mandryka et Martin Veyron.
« Tête, conte philosophique », L’Écho des savanes, n° 16, janvier 1976.
Vous entrez à L’Écho en 1976, j’imagine que vous connaissiez l’origine du journal, en étiez lecteur. Qu’est-ce qui vous a attiré dans ce journal ? Oui, je connaissais le journal. Je publiais déjà dans Charlie Mensuel poussé par Wolinski. Pour les gens de ma génération qui « entraient » en bande dessinée, encore largement méprisée, des revues comme Charlie ou L’Écho représentaient une bouffée d’oxygène. À la même époque, je découvrais la BD « underground » américaine, Crumb notamment, qui m’a indiscutablement influencé.
Vous débutez avec un récit sur le bien et le mal, y publierez un « conte philosophique », une parenté avec l’esprit très marqué par la métaphysique chère au fondateur Mandryka ? J’appréciais – et j’apprécie beaucoup – Mandryka. Mais sa « métaphysique » n’a rien à voir. J’avais, et j’ai toujours, des idées politiques et « philosophiques » qui se manifestaient inévitablement dans mes histoires, d’autant, qu’à cette époque, je travaillais presque toujours sur mes scénarii. L’opposition morale du bien et du mal me faisait plutôt rire. Mais ce n’est qu’un exemple. Cependant si mes sympathies et les haines se manifestaient dans mon travail, je n’ai jamais cru à la validité d’un « art engagé ». Je veux dire par là que je n’ai jamais cru qu’il soit possible de convaincre par la BD qui que ce soit. Si l’on veut agir politiquement il faut agir sur le terrain politique, autrement dit, s’engager comme militant. L’activité artistique se déploie sur un autre plan. Mais on peut être actif sur les 2 plans.
L’Écho de cette période est considéré comme un grand lieu d’expérimentation, au management parfois compliqué, de l’intérieur vous sentiez vous libre de tenter des choses diverses ? Il n’y avait pas de contraintes. J’étais donc parfaitement libre. Mais une de mes histoires pouvait être refusée. Je la portais alors à Charlie. C’était aussi souvent l’inverse. En fait, en allant d’un journal à l’autre, toutes mes histoires ont été publiées. La liberté était donc très grande. Rien à voir avec ce qui se passe aujourd’hui dans la BD « dominante ».
77-82 est à mon sens un vrai beau moment du journal, qui va dans tous les sens avec une certaine furie, participiez-vous à des réunions de rédactions ? Y aviez-vous des amitiés ou inimités ? En bref quelle était l’ambiance de l’écho quand on était un acteur direct ? Je n’ai jamais participé à des réunions de rédaction. Je restais assez solitaire. C’est plutôt à l’occasion de festivals ou de séances de signatures que j’ai rencontré d’autres auteurs.
Vous collaborez à l’Écho jusqu’à son rachat par Albin Michel en 1982, qui l’ancrera vers un côté cul paradoxalement moins jouissif. Votre œuvre a témoigné de capacités érotiques et pourtant vous ne participez pas à la reprise. Comment avez-vous vécu cette période, ou la regardez-vous désormais ? Je ne suis pas sûr du tout d’avoir collaboré à L’Écho jusqu’au rachat par Albin Michel, bien que j’aie eu un album édité par Albin Michel, Contessuaves, mais c’était déjà un esprit très différent de la période précédente. J’avais évolué et publié dans Pilote des histoires largement inspirées du cinéma de Fellini. Je ne suis pas sûr qu’on puisse parler d’érotisme en ce qui me concerne, pas dans le sens où on le dit de Manara par exemple. La sexualité était très présente dans une bande comme Angélique, mais était-elle pour autant érotique ?
Enfin, si jamais il vous semble qu’une chose doit être dite sur l’écho, qui serait important, sur votre vécu en son sein, etc. n’hésitez pas à me donner votre témoignage libre. Il m’est difficile d’ajouter quelque chose : c’est déjà un passé bien lointain. On peut dire cependant une chose qui me paraît essentielle : l’époque qui a vu naitre Charlie Mensuel et L’Écho (pour ne citer que ces deux revues) a été à mon avis, l’âge d’or de la bande dessinée. La vitalité et la créativité qui se sont exprimée dans cette période n’ont rien à voir avec les platitudes consensuelles qui caractérisent (avec des exceptions bien sûr) l’édition de la bande dessinée aujourd’hui. Je sais qu’on pourra m’accuser d’être « passéiste ». Et pourquoi pas ? Oui, je pense que « c’était mieux avant ». Dans ce domaine, comme dans beaucoup d’autres (santé, enseignement, droit au travail, etc.), on ne peut pas avoir multiplié les coups sans que cela ait eu des conséquences : et ces conséquences sont des régressions profondes. Paradoxalement, la BD est maintenant considérée comme un médium de bon aloi. Je ne le regrette pas. Je suis ravi, en particulier, qu’elle entre à l’université. Pourtant, cette BD domestiquée paraît bien pâle comparée à la BD sauvage et agressive des années 70.
Bonus : À la lecture de vos pages je trouve une parenté forte avec Nicole Claveloux, connaissiez-vous son travail ? Oui, je connais le travail de Nicole Claveloux et son engagement féministe. Mais je ne la connais pas personnellement. Je ne crois pas l’avoir jamais rencontrée. C’est peut-être dommage.