DETER est un courant du parti écologiste français, entre autres organisé autour de Raphaëlle Rémy-Leleu pour les figures médiatiques, qui s’est créé il y a un an environ. Je l’ai rejoint, à une certaine distance, puisque bonne, le nouveau poste, la famille, tout ça. Une des forces de ce groupe reste de tenter de réfléchir et produire de la réflexion, sans pour autant ne faire que des articles pour Bac+8, une spécificité des verts.
Pour cela, une gazette interne est régulièrement publiée, en papier et en ligne, avec notamment un abécédaire sur des concepts, mots-clés, etc. Ils peuvent être très liés à l’image de l’écologie ou non. Des chroniques courtes sont aussi écrites. Le tout n’est pas signé directement, mais comme j’aime bien tracer ce que je fais, vous trouverez ci-après mes trois notules parues dans les différents numéros.
PS : En bon écolo et adepte de la phrase de Lavoisier (« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme »), ceux qui suivent verront que j’ai recyclé sur nonfiction, en l’étendant largement, ma chronique du livre de Sophie Chiari. Et à vrai dire ce que j’ai écris sur les bibliothèques je l’ai aussi déjà beaucoup écrit et dit.

Gazette DETER #0, journée d’été des écologistes août 2024
Bibliothèques
De tous les lieux publics culturels, les bibliothèques sont les plus largement ouvertes et fréquentées. Leur gratuité d’accès a été assurée en 2021, mais il faut aller plus loin. Dans quels lieux trouvez-vous aussi bien des jeunes familles avec leurs enfants, des étudiant·es venus réviser, des SDF venus recharger leur portable et lire la presse, des retraité·es cherchant à socialiser, des CSP+ intéressés par diverses actions… Ces lieux sont essentiels, autant pour leurs fonds que leurs espaces, par les croisements qu’ils permettent.
Au cœur des débats sur les droits culturels et sur l’information, les bibliothèques accompagnent également les évolutions sociales et sociétales : les fonds spécifiques « écologie » ou « féminisme » adossés à une extension des offres – par exemple le prêt d’outils pour favoriser le commun et éviter la surconsommation – et à une programmation culturelle audacieuse sont de plus en plus courants.
Assurées d’une certaine souplesse et adaptation face à l’État par leur aspect décentralisées, les bibliothèques n’en sont pas moins menacées par des alternances locales et par les pressions des lobbies conservateurs : les dénonciations d’ouvrages de La Manif pour tous ou les récentes mobilisations contre des lectures par des dragqueens et kings en attestent.
Les écologistes ont tout intérêt à épouser les mobilisations des professionnel·les qui, tout en voulant conserver leur autonomie locale, appellent à de forts soutiens de l’État sur différents points : formation des professionnel·les, défense de la pluralité des collections (sur les sujets comme les formes – livres, numérique, jeux…), soutien financier à la gratuité des cartes d’adhésion, véritable clef pour passer un cap symbolique et toucher tous les publics.
L’écocritique : un nouveau regard sur la littérature, de Sophie Chiari
La petite collection L’Opportune, des Presses universitaires Blaise Pascal, propose de faire le tour d’un sujet contemporain en 64 pages, pour 4,5 €, de quoi démocratiser la recherche et la rendre accessible ! Un tout récent opuscule se penche sur l’écocritique, courant des studies américaines souvent traduit écopoétique en France. Venu de la place de la nature et des grands espaces dans la littérature états-unienne, l’écocritique s’est étendue à toutes les approches critiques de la nature dans la littérature, la croisant parfois avec les sciences sociales et le militantisme. Riches d’exemples, montrant les différentes évolutions de cette approche plurielle, le livre de Sophie Chiari est extrêmement stimulants. Parce que la politique c’est déjà reprendre la main sur les récits ! (Gazette DETER #0, JDE des écologistes août 2024)
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Gazette DETER #3, mars 2025
IDÉOLOGIE : C’est un lieu commun d’entendre qu’en politique, il faut « dépasser l’idéologie », souvent combinée d’un appel au « pragmatisme », terme qui surprend toujours quand il revient à défendre des mesures dont l’inefficacité, voire la dangerosité, sont prouvées (les exemples sont légion : frontières, agriculture…). L’idéologie est le mal, il n’y a pas si longtemps c’était pourtant le cœur de la politique, de l’appartenance à un groupe. On entrait dans un parti par conviction pour des lignes, par ancrage dans une famille de pensée, avec ses nuances et ses débats, mais dans un cadre commun. Marqués par des origines libertaires et mouvementistes, les Verts ont souvent été moins allant sur ce sujet que leurs prédécesseurs. Pourtant, de Reclus à Latour en passant par Guattari, Gorz, Dumont, d’Eaubonne… les noms de penseurs·euses de l’écologie ne manquent pas, et encore aujourd’hui.
Nous avons une idéologie, nous ne sommes pas « apolitiques » et assumons depuis les années 90 un ancrage à gauche évident puisque le capitalisme menace par nature tout ce que nous défendons, quand bien même nous ne nous reconnaissons pas dans toutes les gauches.
Il est temps de rappeler que la politique c’est de l’idéologie, et que oui, nous voulons « changer les imaginaires des enfants » (et des autres) comme l’avait si bien dit Léonore Moncond’Huy. Refuser l’idéologie, c’est sombrer dans le vide, le « Il n’y a pas d’alternative », le « en même temps », parfaitement idéologique, mais refusant de l’admettre. Affirmer la nôtre force au positionnement et permet de reprendre le contrôle des récits médiatiques.
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Voilà, bon quand je vois des tas de name dropping de penseureuses et une recension de bouquins de presses universitaires, je doute de réussir à parler ailleurs qu’aux Bac+8, mais d’autres y arrivent mieux dans la Gazette, promis.